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une meilleure difpofition du corps, ou pai une connoiffance plus exacte des jeux dif ferens & des petites loix qui les compo fent; les autres lui déferent, & il fe forme alors un gouvernement abfolu quine roule que fur le plaifir.

*Qui doute que les enfans ne conço vent, qu'ils ne jugent, qu'ils ne raifo nent confequemment; fi c'eft seuleme fur de petites chofes, c'eft qu'ils font e fans, & fans une longue experience; & c'eft en mauvais termes, c'elt moins leur faute que celle de leurs parens ou de leurs maîtres:

*C'eft perdre toute confiance dans l'efprit des enfans & leur devenir inutile, que de les punir des fautes qu'ils n'ont point faites, ou même feverement de cel les qui font legeres; ils fçavent précifément & mieux que perfonne ce qu'ils méritent, & ils ne méritent gue res que ce qu'ils craignent; ils connoiffent fi c'est à tort ou avec raifon qu'on les châtie, & ne fe gâtent pas moins par des peines mal ordonnées que par l'impuni

té.

*On ne vit point affez pour profiter de fes fautes; on en commet pendant tout le cours de fa vie, & toute ce que l'on peut faire à force de faillir, c'eft de mourir corrigé.

Il n'y a rien qui rafraîchiffe le fang,
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com

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que

le monde nous connoît: l'on fait l'aveu de fa pareffe en des termes qui fignifient toûjours fon désintereffement, & que l'on eft gueri de l'ambition: l'on ne rougit point de fa mal-propreté qui n'est qu' une negligence pour les petites chofes, & qui femble fuppofer qu'on n'a d'application que pour les folides & effentielfes. Un homme de guerre aime à dire c'étoit par trop d'empreffement ou par curiofité qu'il fe trouva un certain jour à la tranchée, ou en quelque autre pofte tres-perilleux, fans être de garde ny commandé; & il ajoûte qu'il en fut repris de fon General: De même une bonne tête, ou un ferme genie qui fe trouve né avec cette prudence que les autres hommes cherchent vainement à acquerir; quia fortifié la trempe de fon efprit par une grande experience; que le nombre, le poids, la diverfité, la difficulté, & l'im portance des affaires occupent feulement, & n'accablent point; qui par l'étendue de fes vûes & de fa penetration fe rend maïtre de tous les évenemens; qui bien loin de confulter toutes les reflexions qui font écrites fur le gouvernement & la politique, eft peut-être de ces ames fublimes nées pour regir les autres, & fur qui ces premieres regles ont éte faites; qui eft détourné par les grandes chofes qu'il fait, des belles ou des agreables qu'il pourroit lire, &

qui au contraire ne perd rien à retracer & à feuilleter, pour ainfi dire,fa vie & fes actions. Un homme ainfi fait peut dire aifément & fans fe commettre, qu'il ne connoît aucun livre, & qu'il ne lit jamais.

* On veut quelquefois cacher fes foibles, ou en diminuer l'opinion par l'aveu libre que l'on en fait. Tel dit, je fuisignorant, qui ne fçait rien: un homme dit, je fuis vieux, il paffe foixante ans: un au tre encore, jene fuis pas riche,& il eft pau

vre.

*La modeftie n'eft point, ou eft confondue avec une chofe toute differente de foy, fi on la prend pour un fentiment interieur qui avilit l'homme à fes propres yeux, & qui eft une vertu furnaturelle qu'on appelle humilité. L'homme de fa nature penfe hautement & fuperbement de lui-même, & ne pense ainfi que de luimême; la modeftie ne tend qu'à faire que perfonne n'en fouffre; elle eft une vertu du dehors qui régle fes yeux, fa démarche, fes paroles, fon ton de voix; & qui le fait agir exterieurement avec les autres, comme s'il n'étoit pas vray qu'il les compte pour rien.

Le monde eft plein de gens qui faifant exterieurement & par habitude, la comparaifon d'eux-mêmes avec les autres, decident toûjours en faveur de leur merite, & agiffent confequemment.. D 7 * Vous

Vous dites qu'il faut être modefte; les gens bien nez ne demandent pas mieux: faites feulement, que les hommes n'empiettent pas fur ceux qui cedent par modeftie, & ne brifent pas ceux qui plient.

De même l'on dit, il faut avoir des habits modeftes: les perfonnes de mérite ne defirent rien davantage: mais le monde yeut de la parure, on lui en donne; il eft avide de la fuperfluité, on lui en montre: quelques-uns n'eftiment les autres que par de beau linge ou par une riche étoffe, l'on ne refufe pas toujours d'étre eftimé à ce prix: ily a des endroits où il faut fe faire voir, un galon d'or plus large, ou plus étroit, vous fait entrer ou refufer.

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* Nôtre vanité & la trop grande efti me que nous avons de nous-mêmes, nous fait foupçonner dans les autres une fierté à nôtre égard qui y eft quelquefois, & qui fouvent n'y eft pas: une perfonne modeste n'a point cette délicateffe.

* Comme il faut fe défendre de cette vanité qui nous fait penfer que les autres nous regardent avec curiofité & avec eftime, & ne parlent enfemble que pour s'entretenir de nôtre merite & faire nôtre élo ge: auffi devons-nous avoir une certaine confiance qui nous empêche de croire qu'on ne fe parle à l'oreille que pour dire du mal de inous, ou que l'on ne rit que pour s'en mocquer. * D'où

*D'où vient qu'Alcippe me falue auque, jourd'huy, me fourit & le jette hors d'une portiere de peur de me manquer? je ne fuis pas riche, & je fuis à pied, il doit dans les reglesne me pas voir; n'eft-ce point pour étre vû lui-même dans un même fond avec un Grand?

*L'on eft fi rempli de foi-même, que tout s'y rapporte l'on aime à étre vû, à etre montré, à étre falué, méme des inconnus ils font fiers, s'ils l'oublient: l'on veut qu'ils nous devinent.

*Nous cherchons notre bonheur hors de nous-mêmes, & dans l'opinion des hommes que nous connoiffons flatteurs, peu finceres, fans équité, pleins d'envie, de caprices & de préventions: quelle bi

r

zarterie! ch *Il Il femble que l'on ne puiffe rire que des chofes ridicules: l'on voit neanmoins de certaines gens qui rient également des chofes ridicules, & de celles qui ne le font pas. Si vous étés fot & inconfideré, & qu'il vous échape devant eux quelque impertinence, ils rient de vous: i vous étes lage, & que vous ne difiez que des chofes raifonnables, & du ton qu'il les faut dire, ils rient de même...

*Ceux quinous raviffent les biens par la violence, ou par l'injuftice, & qui nous ôtent l'honneur par la calomnie, nous marquent affez leur haine pour nous; mais ils

ne

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