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auffi content de ma fortune, qu'il doit luimême par fes vertus l'étre de la lenne.

*Les huit ou les dix mille hommes font au Souverain comme une monnoye dont il achete une place ou une victoire; s'il fait qu'il lui en coûte moins, s'il épargne les hommes, il reffemble à celui qui marchande & qui connoît mieux qu'un autre le prix de l'argent.

*Tout profpere dans une Monarchie, où l'on confond les interêts de l'Etat avec ceux du Prince.

* Nommer un Roi PERE DU PEUPLE, eft moins faire fon éloge, que l'appeller par fon nom, ou faire fa definition.

*lly a un commerce ou un retour de devoirs du Souverain à fes Sujets', & de ceux-cy au Souverain; quels font les plus affujettiffans & les plus penibles, je ne le decideray pas: il s'agit de juger d'un côté entre les étroits engagemens du refpect, des fecours, des fervices, de l'obéiffance, de la dépendance; & d'un autre, les obligations indifpenfables de bonté, dé justice, de foins, de defenfe, de procection: dire qu'un Prince eft arbitre de la vie des hommes, c'eft dire feulement que les hommes par leurs crimes deviennent naturellement foûmis aux loix & à la juftice, dont le Prince eft le depofitaire; ajoûter qu'il eft maître abfolu de tous les biens de fes Sujets; fans egards, fans compte

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difcuffion, c'est le langage de la flatterie, c'est l'opinion d'un favori qui fe dédi-. ra à l'agonie.

* Quand vous voyez quelquefois un. nombreux troupeau, qui répandu fur une colline vers le declin d'un beau jour paît tranquillement le thim & le ferpolet, ou qui broute dans une prairie une herbe menue & tendre qui a échapé à la faux du moiffonneur; le berger foigneux & attentifeft debout auprés de fes brebis, il né les. perd pas de vûë, il les fuit, il les conduit, il les change de pâturage; fi elles fe difperfent, il les raffemble; fi un loup avide paroît, illâche fon chien, qui le met en fuite, il les nourrit, il les défend; l'aurore le trouve déja en pleine campagne, d'où il ne fe retire qu'avec le Soleil, quels foins! quelle vigilance! quelle fervitude! quelle condition vous paroît la plus delicieuse & la plus libre, ou du berger ou des brebis? le troupeau eft-il fait pour le berger, ou le berger pour le troupeau? image naïve des peuples & du Prince qui les gouverne, s'il eft bon Prince.

Le fafte & le luxe dans un Souverain c'est le berger habillé d'or & de pierreries, la houlette d'or, en fes mains; fon chien a un collier d'or, il eft attaché avec une leffe d'or & de foye, que fert tant d'or à fon troupeau, ou contre les loups?

*Quelle heureufe place que celle qui fournit

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fournit dans tous les inftans l'occafion à un homme de faire du bien à tant de milliers d'hommes i quel dangereux pofte que celui qui expofe à tous momens un homme à nuire à un million d'hommes!

*Siles hommes ne font point capables fur la terre d'une joye plus naturelle, plus flatteufe & plus fenfible que 'de connoître qu'ils font aimez; & fi les Rois font hommes, peuvent-ils jamais trop acheter le cœur de leurs peuples?

*Il y a peu de régles generales & de mefures certaines pour bien gouverner; l'on fuit le temps & les conjonctures, & cela roule fur la prudence & fur les vûes de ceux qui regnent; auffi le chef-d'œuvre de l'efprit, c'est le parfait gouvernement; & ce ne feroit peut-être pas une chofe poffible, fi les peuples par l'habitude où ils font de la dépendance & de la foûmission ; ne faifoient la moitié de l'ouvrage.

* Sous un trés grand Roi ceux qui tiennent les premieres places n'ont que des devoirs faciles; & que l'on remplit fans nulle peine tout coule de fource; l'autorité & le genie du Prince leur applaniffent les chemins, leur épargnent les difficul tez, & font tout profperer au delà de leur attente ils ont le merite de fubalter

nes.

*Si c'eft trop de fe trouver chargé d'une feule famille, ti c'eft affez d'avoir Tom. II.

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Le Roy.

à répondre de foy feul, quel poids, quel accablement que celui de tout un Royaume! Un Souverain eft-il payé de fes peines par le plaifir que femble donner une puiffance abfolue, par toutes les profternations des Courtilans? Je fonge aux penibles, douteux & dangereux chemins qu'il eft quelquefois obligé de fuivre pour arriver à la tranquillité publique ; je repaffeles moyens extrémes, mais neceffaires, dont il ufe fouvent pour une bonne fin; je fçay qu'il doit répondre à Dieu même de la felicité de ses peuples, que le bien & le mal eft en fes mains, & que toute ignorance ne l'excuse pas; & je me dis à moy-même, voudrois-je regner? Un homme un peu heureux dans une conditition privée devroit-il y renoncer pour une Monarchie? n'eft-ce pas beaucoup pour celui qui fe trouve en place par un droit hereditaire, de fupporter d'étre né Roi?

*Que de dons du Ciel ne faut-il pas pour bien regner? une naiffance augufte, un air d'empire & d'autorité, un vifage qui rempliffe la curiofité des peuples empreffez de voir le Prince, & qui conferve le refpect dans un Courtifan, Une parfaite égalité d'humeur, un grand éloignement pour la raillerie piquante, ou affez de raifon pour ne fe la permettre point; ne faire jamais ny menaces, ny reproches, ne point

ceder

ceder à la colere, & étre toûjours obéi L'efprit facile, infinuant; le coeur ouvert, fincere, & dont on croit voir le fond, & ainfi tres-propre à fe faire des amis, des creatures, & des alliez; étre fecret toutefois, profond & impenetrable dans fes motifs & dans fes projets. Du ferieux & de la gravité dans le public; de la briéveté, jointe à beaucoup de jufteffe & de dignité, foit dans les réponses aux Ambaffadeurs des Princes, foit dans les Confeils. Une maniere de faire des graces, qui eft comme un fecond bienfait, le choix des perfonnes que l'on gratifie le difcernement des efprits, des talens & des complexions pour la diftribution des poftes & des emplois, le choix des Generaux & des Miniftres. Un jugement ferme, folide, décifif dans les affaires, qui fait que l'on connoit le meilleur parti & le plus jufte; un efprit de droiture & d'équité qui fait qu'on le fuit, jufques à prononcer quelquefois contre foy-même en fa veur du peuple, des alliez, des ennemis; une memoire heureuse & tres-prefente qui rapelle les befoins des Sujets, leurs vilages, leurs noms, leurs requcftes. Une vaste capacité qui s'étende non feulement aux affaires de dehors, au commerce, aux maximes d'Etat, aux vûës de la politique, au reculement des frontieres par la conquefte de nouvelles Provinces, & à leur feureté C 2

par

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