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* L'un des malheurs du Prince est d'être fouvent trop plein de fon fecret, par le peril qu'il y a à le répandre; fon bonheur eft de rencontrer une perfonne feure qui l'en décharge.

* Il ne manque rien à un Roy que les douceurs d'une vie privée; il ne peut étre confolé d'une fi grande perte que par le charme de l'amitié, & par la fidelité

de fes amis.

*Le plaifir d'un Roy qui merite de l'étre, eft de l'être moins quelquefois; dé fortir du theatre, de quitter le bas de faye & les brodequins, & de jouer avec une perfonne de confiance un rôle plus farni

lier.

* Rien ne fait plus d'honneur au Prince, que la modeftie de fon favori.

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* Le favori n'apoint de fuite; il eft fans engagement & fans laifons; il peut être entouré de parens & de creatures, mais il n'y tient pas; il eft détaché de tout, & comme ifolé.

* Je re doute point qu'un favori s'il a quelque force & quelque élevation; ne fe trouve fouvent confus & déconcerté des baffeffes, des petiteffes, de la flatteric, des foins fuperflus & des attentions frivoles de ceux qui le courent, qui le fuivent, & qui s'attachent à luy comme fes viles creatures; & qu'il ne fe dédommage dans le particulier d'une fi grande fervitude,

par

par le ris & la mocquerie.

*Hommes en place, Miniftres, Favoris, me permettrez vous de le dire; ne Vous repofez point fur-vos defcendans pour le foin de vôtre memoire, & pour la durée de vôtre nom: les titres paffent, la faveur s'évanouit, les dignitez fe perdent, les richeffes fe diffipent, & le merite dégenere: vous avez des enfans, il eft vray, dignes de vous, j'ajoûte même capables de foûtenir toute vôtre fortune'; mais qui peut vous en promettre autant de vos petits-fils? Ne m'en croyez pas, regardez cette unique fois de certains hommes que vous ne regardez jamais, que vous dédaignez; ils ont des ayeuls, à qui tout grands que vous étes, vous ne faites que fucceder. Ayez de la vertu & de l'humanité, & fi vous me dites, qu'aurons-nous de plus? je vous repondray, de l'humanité & de la vertu: maîtres alors de l'avenir & indépendans d'une pofterité, vous étes feurs de durer autant que la Monarchie; & dans le temps que l'on montrera les ruines de vos Châteaux, & peut-étre la feule place où ils étoient conftruits, l'idée de vos loüables actions fera er core fraîche dans l'efprit des peuples, ils confidereront avidement vos portraits & vos medailles, ils diront, * dinal Gecet homme dont vous regardez la peintu- orged' re a parlé à fon maître avec force & avec

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Le Car

Amboife.

liberté, & a plus craint de lui nuire que de lui déplaire; il lui a permis d'être bon & bienfaifant, de dire de fes Villes, ma bonne Ville, & de fon Peuple, mon Peuple. Le Car-Cet autre dont vous voiez l'image, & en Richelieu. qui l'on remarque une phifionomie forte,

dinal de

jointe à un air grave, auftere & majeftueux, augmente d'année à autre de reputation : les plus grands politiques fouffrent de lui être comparez: fon grand deffein a été d'affermir l'autorité du Prince & la feureté des peuples par l'abaiffement des Grands; ny les partis, ny les conjurations, ni les trahifons, ny le peril de la mort, ny fes infirmitez n'ont pûl'en détourner: il a eu du temps de refte, pour entamer un ouvrage, continué enfuite & achevé par l'un de nos plus grands & de nos meilleurs Princes, l'extinction de l'herefie.

*Le panneau le plus délié & le plus fpecieux qui dans tous les temps ait été tendu aux Grands par leurs gens 'd'affaires, & aux Rois par les Miniftres, eft la leçon qu'ils leur font de s'acquiter & de s'enrichir. Excellent confeil! maxime utile, fructueufe, une mine d'or, un Perou, du moins pour ceux qui ont fçû jufqu'à prefent l'infpirer à leurs Maîtres.

* C'eft un extréme bonheur pour les peuples, quand le Prince admet dans fa confiance, & choifit pour le miniftere ceux

mêmes qu'ils auroient voulu lui donner, s'ils en avoient été les maîtres.

*Le fcience des détails, ou une diligente attention aux moindres befoins de la Republique, eft une partie effentielle au bon gouvernement, trop negligée à la verité dans les derniers temps par les Rois ou par les Miniftres, mais qu'on ne peut trop fouhaiter dans le Souverain qui l'ignore, ny affez eftimer dans celui qui la poffede. Que fert en effet au bien des peuples, & à la douceur de leurs jours, que le Prince place les bornes de fon empire audelà des terres de fes ennemis, qu'il faffe de leurs Souverainetez des Provinces de fon Roiaume; qu'il leur foit également fuperieur pas les fieges & par les batailles, & qu'ils ne foient devant lui en feureté ny dans les plaines, ny dans les plus forts baftions: que les nations s'appellent les unes les autres, fe liguent ensemble pour fe défendre & pour l'arrêter; qu'elles fe liguent en vain, qu'il marche toujours, & qu'il triomphe toûjours: que leurs dernieres efperances foient tombées par le raffermiffement d'une fanté qui donnera au Monarque le plaifir de voir les Princes fes petits-fils foûtenir ou accroître fes deftinées, fe mettre en campagne, s'emparer de redoutables fortereffes, & conquerir de nouveanx Etats; commander de vieux & experimentez Capitaines, moins

par

leur

par rang & leur naiffance, que par leur genie & leur fageffe; fuivre les traces augultes de leur victorieux pere, imiter fa bonté, fa docilité, fon équité, fa vigilance, fon intrepidité? que me ferviroit en un mot, comme à tout le peuple, que le Prince fût heureux & comblé de gloire par luimême & par les fiens, que ma patrie fût puiffante & formidable? fi trilte & inquiet, j'y vivois dans l'oppreffion ou dans l'indigence; fi à couvert des courfes de l'ennemi, je me trouvois expofé dans les places ou dans les rues d'une ville au fer d'un affaffin, & que je craigniffe moins dans l'horreur de la nuit d'étre pillé ou maffacré dans d'épaiffes forêts, que dans fes carre fours; fi la feureté, l'ordre & la propreté ne rendoient pas le fejour des Villes fidélicieux, & n'y avoient pas amené avec l'abondance, la douceur de la focieté; fi foible & feul de mon parti j'avois à fouffrir dans ma metairie du voifinage d'un Grand, & fi l'on avoit moins pourvû à me faire juftice de les entreprises; fije n'avois pas fous ma main autant de maîtres & d'excellens maîtres pour élever mes enfans dans les fciences ou dans les arts qui feront un jour leur établiffement; fi par la facilité du com merce il m'étoit moins ordinaire de m'ha biller de bonnes étoffes, & de me nourrir de viandes faines, & de l'acheter peu, fi enfin par les foins du Prince je n'étois pas

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