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l'oubli, échapées aux efprits les plus curieux, ignorées des autres hommes, une memoire, une methode, une précision à ne pouvoir dans ces recherches s'égarer d'une feule année, quelquefois d'un feul jour fur tant de fiecles; cette doctrine admirable vous la poffedez, elle est du moins en quelques-uns de ceux qui forment cette fçavante Affemblée. Si l'on eft curieux du don des langues joint au double talent de fçavoir avec exactitude les chofes anciennes, & de narrer celles qui font nouvelles avec autant de fimplicité que de verité, des qualitez fi rares ne vous manquent pas, & font reünies en un même fujet: fi l'on cherche des hommes habiles, pleins d'efprit & d'experience, qui par le privilege de leurs emplois faffent parler le Prince avec dignité & avec jufteffe; d'autres qui placent heureufement & avec fuccés dans les negociations les plus delicates, les talens qu'ils ont de bien parler & de bien écrire; d'autres encore qui prêtent leurs foins & leur vigilance aux affaires publiques, aprés les avoir employez aux Judiciaires, toûjours avec une égale reputation; tous fe trouvent au milieu de vous, & je fouffre à ne les pas

nommer.

Si vous aimez le fçavoir joint à l'éloquence, vous n'attendrez pas longtems, refervez. feulement toute vôtre attention pour celui qui parlera aprés moi; que vous man

que

que-t-il enfin, vous avez des Ecrivains habiles en l'une & en l'autre oraison, des Poëtes en tout genre de poëfies, foit morales, foit chrétiennes, foit heroïques, foit galantes & enjoüées, des imitateurs des anciens, des critiques aufteres; des efprits fins, delicats, fubtils, ingenieux, propres à briller dans les converfations & dans les cercles; encore une fois à quels hommes, à quels grands fujets m'affociez-vous?

Mais avec qui daignez-vous aujourd'hui me recevoir, aprés qui vous fais-je ce public remerciement? il ne doit pas neanmoins cet homme fi loüable & fi modefte apprehender que je le loue, fi proche de moi, il auroit autant de facilité que de difpofition à m'interrompre. Je vous demanderai plus volontiers à qui me faites vous fucceder? à un homme QUI AVOIT DE LA VER

Tu.

Quelquefois, Meffieurs, il arrive que ceux qui vous doivent les louanges des illuftres morts dont ils rempliffent la place, hefitent partagez entre plufieurs chofes qui meritent également qu'on les releve, vous aviez choifi en M. PAbbé de la Chambre un homme fi pieux, fi tendre, fi charitable, fi loüable par le cœur, qui avoit des moeurs fi fages & fi chrétiennes, qui êtoit fi touché de religion; fi attaché à fes devoirs, qu'une de fes moindres qualitez êtoit de bien écrire, de folides vertus, qu'on vou

droit celebrer, font paffer legerement fur fon erudition ou fur fon éloquence; on eftime encore plus fa vie & fa conduite que fes ouvrages; je prefererois en effet de prononcer le difcours funebre de celui à qui je fuccede, plûtôt que de me borner à un fimple éloge de fon efprit. Le merite en lui n'è toit pas une chofe acquife, mais un patrimoine, un bien hereditaire; fi du moins il en faut juger par le choix de celuiqui avoit livré fon cœur, fa confiance, toute fa perfonne à cette famille qui l'avoit renduë comme vôtre alliée, puis qu'on peut dire qu'il l'avoit adoptée & qu'il l'avoit mife avec l'Academie Françoife fous fa protection.

Je parle du Chancelier Seguier; on s'en fouvient comme de l'un des plus grands Magiftrats que la France ait nourri depuis fes commencemens: il a laiffé à douter en quoi il excelloit davantage, ou dans les belles lettres, ou dans les affaires, il est vrai du moins, & on en convient, qu'il furpaffoit en l'un & en l'autre tous ceux de fon temps: homme grave & familier, profond dans les deliberations, quoique doux & facile dans le commerce, il a eu naturellement ce que tant d'autres veulent avoir, & ne fe donnent pas, ce qu'on n'a point par l'étude & par l'affectation, par les mots graves, ou sententieux ce qui eft plus rare que la fcience, & peut-être que la probité, je veux dire de la dignité;

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il ne la devoit point à l'éminence de fon pofte, au contraire, il l'a annobli; il a été grand & accredité fans miniftere, & on ne voit pas que ceux qui ont fçû tout réunir en leurs perfonnes, l'ayent effacé.

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Vous le perdites il y a quelques années ce grand Protecteur, vous jettâtes la vûë autour de vous, vous promenâtes vos yeux. fur tous ceux qui s'offroient & qui fe trouvoient honorez de vous recevoir; mais le fentiment de vôtre perte fut tel, que dans, les efforts que vous fites pour la reparer, vous ofâtes penfer à celui qui feul pouvoit vous la faire oublier & la tourner à vôtre gloire; avec quelle bonté, avec quelle humanité ce magnanime Prince vous a-t-il receus! n'en foions pas furpris, c'eft fon caractere, le même, Meffieurs, quel'on voit éclater dans les actions de fa belle vie, mais que les furprenantes revolutions arrivées. dans un Roiaume voifin & allié de la France, ont mis dans le plus beau jour qu'il pouvoit jamais recevoir.

Quelle facilité eft la nôtre, pour perdre tout d'un couple fentiment & la memoire des chofes dont nous nous fommes vûs le plus fortement imprimez! Souvenonsnous de ces jours triftes que nous avons paffez dans l'agitation & dans le trouble, curieux, incertains quelle fortune auroient couru un grand Roi, une grande Reine, le Prince leur fils, famille augu

fte,

fte, mais malheureufe, que la piété & la religion avoient pouffée jufqu'aux dernieres épreuves de l'adverfité, helas! avoient-ils peri für la mer, ou par les mains deleurs ennemis, nous ne le fçavions pas; on s'interrogeoit,on fe promettoit reciproquement les premieres nouvelles qui viendroient fur un évenement filamentable; ce n'étoit plus une affaire publique, mais domeftique, on n'en dormoit plus, on s'éveilloit les uns les autres pour s'annoncer ce qu'on en avoit appris; & quand ces perfonnes Roiales à qui l'on prenoit tant d'interêt, euffent pû échaper à la mer ou à leur patrie, êtoit-ce affez? ne fa loit-il pas une Terre Etrangere où ils puffent aborder, un Roi également bon & puiffant qui pût & qui voulût les recevoir ? Je l'ai vue cette reception, fpectacle tendre s'ilen fut jamais! on y verfoit des larmes d'admiration & de joye, ce Prince n'a pas plus de grace, lorfqu'à la tête de fes Camps & de fes Armées il foudroie une ville qui lui résiste, ou qu'il diffipe les Troupes Ennemies du feul bruit de fon approche.

S'il foûtient cette longue guerre, n'en doutons pas, c'eft pour nous donner une paix heureufe, c'eft pour l'avoir à des conditions qui foient juftes & qui faffent honneur à la nation, qui ôtent pour toûjours. à l'Ennemi l'efperance de nous troubler par de nouvelles hoftilitez. Que d'autres publient, exaltent ce que ce grand Roi a

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