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Compagnie celebre, qu'il en a fait l'Academie Françoise. Oüy, Hommes riches & ambitieux, contempteurs de la vertu & de toute affociation qui ne roule pas fur les établiffemens & fur l'intêret! celle-cy est une des penfées de ce grand Miniftre, né homme d'Etat, dévoué à l'Etat, efprit folide, éminent, capable dans ce qu'il faifoit des motifs les plus relevez, & qui tendoient au bien public comme à la gloire de la Monarchie, incapable de concevoir jamais rien qui ne fût digne de lui, du Prince qu'il fervoit, de la France à qui il avoit confacré fes meditations & fes veilles.

Il fçavoit quelle eft la force & l'utilité de l'éloquence, la puiffance de la parole qui aide la raifon & la fait valoir, qui infinue aux hommes la juftice & la probité qui porte dans le cœur du foldat l'intrepidité & l'audace, qui calme les émotions populaires,qui excite à leurs devoirs les Compagnies entieres, ou la multitude: il n'ignoroit pas quels font les fruits de l'Hiftoire & de la Poële, quelle eft la neceffité de la Grammaire, la bafe & le fondement des autres fciences, & que pour conduire ces chofes à un degré de perfection qui les ren dît avantageufes à la Republique, il faloit dreffer le plan d'une Compagnie, où la vertu feule fût admife, le mérite placé, l'ef prit & le fçavoir raffemblez par des fuffrages, n'allons pas plus loin, voilà, Mef0 6

fieurs,

fieurs, vos principes & vôtre regle, dont je ne fuis qu'une exception.

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Rappellez en vôtre memoire, la comparaifon ne vous fera pas injurieufe, rappellez ce grand & premier Concile, où les Peres qui le compofoient, étoient remarquables chacun par quelques membres mutilez, ou par les cicatrices qui leur étoient reftées des fureurs de la perfecution; ils fembloient tenir de leurs playes le droit de s'affeoir dans cette Affemblée generale de toute l'Eglife:iln'y avoit aucun de vos illuftres predeceffeurs qu'on ne s'emprefsât de voir, qu'on ne montrât dans les places, qu'on ne défignât par quelque ouvrage fameux qui luy avoit fait un grand nom, & qui luy donnoit rang dans cette Academie naiffante qu'ils avoient comme fondée: tels étoient ces grands artifans de la parole, ces premiers Maîtres de l'Eloquence Françoife, tels vous étes, Meffieurs, qui ne cedez ny en fçavoir ny en mérite à nul de ceux qui vous ont pré

cedez.

L'un auffi correct dans fa langue que s'il l'avoit apprise par regles & par principes, auffi élegant dans les langues étrangeres que fi elles lui étoient naturelles, en quelque idiome qu'il compofe, femble toûjours parler celuy de fon pais; il a entrepris, il a fini une penible traduction que le plus bel efprit pourroit avouer, & que le plus pieux perfonnage devroit defirer d'avoir faite.

L'autre

L'autre fait revivre Virgile parmi nous, tranfmet dans nôtre langue les graces & les richeffes de la Latine, fait des Romans qui ont une fin, en bannit le prolixe & l'incroyable pour y fuftituer le vray-femblable & le naturel.

Un autre plus égal queMarot & plusPoëte que Voiture, a le jeu, le tour & la naïveté de tous les deux, il inftruit en badinant, perfuade aux hommes la vertu par l'organe des bêtes, éleve les petits fujets jufqu'au fublime, homme unique dans fon genre d'écrire, toûjours original, foit qu'il invente, foit qu'il traduife, quia été au delà de fes modeles,modele lui-même difficile à imiter.

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Celui-cy paffe Juvenal, atteint Horace, femble créer les penfées d'autrui & fe rendre propre tout ce qu'il manie, il a dans ce qu'il emprunte des autres toutes les graces de la nouveauté & tout le mérite de l'invention fes vers forts & harmonicux, faits de genie, quoy que travaillez avec art, pleins de traits & de poëfie, feront lûs encore quand la langue aura vieilli, en feront les derniers débris; on y remarque une critique fure, judicieufe, & innocente, s'il eft permis du moins de dire de ce qui eft mauvais, qu'il eft mauvais.

Cet autre vient aprés un homme loué, applaudi, admiré, dont les vers volent en tous lieux & paffent en proverbe, qui pri me, qui regne fur la fcéne, qui s'eft em07

paré

paré de tout le theatre: il ne l'en depoffede pas, il eft vray, mais il s'y établit avec lui, le monde s'accoûtume à en voir faire la comparaifon; quelques-uns ne fouffrent pas que Corneille, le grand Corneille, lui foit préferé, quelques autres qu'il lui foit égalé; ils en appellent à l'autre fiecle, ils attendent la fin de quelques vieillards, qui touchez indifferemment de tout ce qui rappelle leurs premieres années, n'aiment peut-être dans Oedipe que le fouvenir de leur jeuneffe.

Que dirai-je de ce perfonnage qui a fait parler fi lontems une envieufe critique & qui l'a fait taire; qu'on admire malgré foi, qui accable par le grand nombre & par l'éminence de fes talens, Orateur, Historien, Theologien, Philofophe, d'une rare érudition, d'une plus rare éloquence, foit dans fes entretiens, foit dans fes écrits, foit dans la chaire? un défenfeur de la Religion, une lumiere de l'Eglife, parlons d'avance le langage de la pofterité, un Pere de l'Eglife. Que n'eft-il point? Nommez, Meffieurs, une vertu qui ne foit pas la fienne.

Toucherai-je auffi vôtre dernier choix fi indigne de vous? Quelles chofes vous furent dites dans la place où je me trouve! je m'en fouviens, & aprés ce que vous avez entendu, comment ofe-je parler, comment daignez-vous m'entendre? avoüons-le, on fent la force & l'afcendant de ce rare esprit, foit qu'il prêche de genie & fans prepara

tion, foit qu'il prononce un difcours étudié & oratoire, foit qu'il explique fes penfées dans la converfation: toûjours maître de l'oreille & du cœur de ceux qui l'écoutent, il ne leur permet pas d'envier ni tant d'élevation, ni tant de facilité, de delicateffe, de politeffe; on eft affez heureux de l'entendre, de fentir ce qu'il dit, & comme il le dit; on doit être content de foi fi l'on emporte fes reflexions, & fi l'on en profite. Quelle grande acquifition avez-vous faite en cet homme illuftre? à qui m'affociez-vous?

Je voudrois, Meffieurs, moins preffé par le temps & par les bienfeances qui mettent des bornes à ce difcours,pouvoir louër chacun de ceux qui compofent cette Academie, par des endroits encore plus marquez & par de plus vives expreffions. Tou tes les fortes de talens que l'on voit répandus parmi les hommes, fe trouvent partagez entre vous: Veut-on de diferts Orateurs qui aient femé dans la Chaire toutes les fleurs de l'Eloquence, qui avec une faine morale aient emploié tous les tours & toutes les fineffes de la langue, qui plaifent par un beau choix de paroles, qui faffent aimer ler folemnitez, les Temples, qui y faffent courir, qu'on ne les cherche pas ailleurs, ils font parmi vous. Admire-t-on une vafte & profonde litterature qui aille fouiller dans les archives de l'antiquité, pour en retirer des chofes enfevelies dans

l'oubli,

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