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marches, dans leurs revolutions, & dans tous leurs rapports, qu'un petit animal relegué en un coin de cet efpace immenfe, qu'on appelle le monde, aprés les avoir obfervez, s'eft fait une methode infaillible de prédire à quel point de leur courfe tous ces aftres fe trouveront d'aujourd'huy en deux, en quatre, en vingt mille ans; voilà mon fcrupule, Lucile, fi c'eft par hazard qu'ils obfervent des regles fi invariables, qu'eft-ce que l'ordre? qu'est ce que la regle?

Je vous demanderay même ce que c'est que le hazard: eft-il corps, eft-il efprit? elt-ce un être diftingué des autres êtres, qui ait fon existence particuliere, qui foit quelque part? ou plûtôt, n'eft-ce pas un mode, ou une façon d'ètre? quand une boule rencontre une pierre, l'on dit, c'est un hazard; mais eft-ce autre chose que ces deux corps qui fe choquent fortuitement? fi par ce hazard ou cette rencontre, la boule ne va plus droit, mais obliquement; fi fon mouvement n'eft plus direct, mais reflechi; fi elle ne roule plus fur fon axe, mais qu'elle tournoie & qu'elle pirouette, concluray-je que c'eft par ce même hazard qu'en general la boule eft en mouvement? ne foupçonneray-je pas plus volontiers qu'elle fe meut, ou de foyméme, ou par l'impulfion du bras qui l'a jettée? Et parce que les roues d'une

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pendule font déterminées l'une par l'autre à un mouvement circulaire d'une telle ou telle viteffe, examineray-je moins curieufement quelle peut étre la caufe de tous ces mouvemens, s'ils fe font d'euxmêmes, ou par la force mouvante d'un poids qui les emporte; mais ni ces rouës, ni cette boule n'ont pû fe donner le mouvement d'eux-mêmes, ou ne l'ont point par leur nature, s'ils peuvent le perdre fans changer de nature; il y a donc apparence qu'ils font mûs d'ailleurs, & par une puiffance qui leur eft étrangere: & les corps celeftes s'ils venoient à perdre leur mouvement changeroient-ils de nature? feroient-ils moins des corps? je ne me l'imagine pas ainfi; ils fe meuvent cependant; & ce n'eft point d'eux-mêmes & par leur nature: il faudroit donc chercher, ô Lucile, s'il n'y a point hors d'eux un principe qui les fait mouvoir; qui que vous trouviez, je l'appelle Dieu.

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Si nous fuppofons que cesgrands corps font fans mouvement, on ne demanderoit plus à la verité qui les met en mouvement, mais on feroit toûjours reçû à deEmander qui a fait ces corps, comme on peut s'informer qui a fait ces roues ou cette boule; & quand chacun de ces grands corps feroit fuppofé un amas fortuit d'atomes, qui fe font liez & enchainez ensemble Tom. II.

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par la figure & la conformation de leurs parties, je prendrois, un de ces atomes, & je dirois, qui a créé cet atome? eft-il matiere, eft-il intelligence? a-t-il eu quelque idée de foi-même, avant que de fe faire foy-même? il étoit donc un moment avant que d'étre, il étoit, & il n'étoit pas tout à la fois, & s'il eft auteur de fon étre & de fa maniere d'étre, pourquoi s'est-il fait corps plûtôt qu'efprit? bien plus, cet atome n'a-t-il point commencé? eft-il éter-. nel, eft-il infini? ferezvous un Dieu de cét atome?

*Le cironades yeux, il fe retourne à la rencontre des objets qui lui pourroient nuire; quand on le met fur de l'ébene pour le mieux remarquer, fi dans le temps qu'il marche vers, un côté, on lui prefente le moindre fetu, il change de route: eft-ce un jeu du hazard que foncriftalin, faretine & fon nerfoptique?

L'on voit dans une goutte s une goutte d'eau, que le poivre qu'on y a mis tremper a alterée, un nombre prefque innombrable de petits animaux, dont le microfcope nous fait appercevoir la figure, & qui fe meuvent avec une rapidité incroiable comme autant de monftres dans une vafte mer, chacun de ces animaux eft plus petit mille fois qu'un ciron, & neanmoins c eft un corps qui, vit, qui fe nourrit, qui croit, qui doit avoir des, mufcles, des vaiffeaux 1 équi

équivalens aux veines, aux nerfs, aux arteres, & un cerveau pour diftribuer les efprits animaux.

Une tache de moififfure de la grandeur d'un grain de fable, paroit dans le microscope comme un amas de plufieurs plantes tres-diftinctes, dont les unes ont des fleurs, les autres des fruits, il y en a qui n'ont des boutons à demi ouverts; il que y en a quelques-unes qui font fanées: de quelle étrange petiteffe doivent étre les racines, & les philtres qui feparent les alimens de ces petites plantes! & fi l'on vient à confiderer que ces plantes ont leurs graines ainfi que les chênes & les pins; & que ces petits animaux dont je viens de parler, fe multiplient par voye de generation comme les Elephans & les Baleines, où cela ne mene-t-il point? qui a fçu travailler à des ouvrages fi délicats, fi fins, qui échapent à la vue des hommes, & qui tiennent de l'infini comme les Cieux, bien que dans l'autre extrémité? ne feroit-ce point celui qui a fait les Cieux, les aftres ces maffes énormes épouvantables par leur grandeur, par leur élevation, par la rapidité & l'étendue de leur courfe, & qui fe joue de les faire mouvoir?

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* Il eft de fait que l'homme jouit du Soleil, des Aftres, des Cieux, déleurs in fluences, commeil jouit de l'air qu'il refpiN 2

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la vray

re, & de la terre fur laquelle il marche, & qui le foûtient: & s'il faloit ajoûter à la certitude d'un fait, la convenance ou femblance, elle y eft toute entiere, puifqueles Cieux & tout ce qu'ils contiennent, ne peuvent pas entrer en compa raifon pour la nobleffe & la dignité avec le moindre des hommes qui font fur la terre; & que la proportion qui fe trouve entr'eux & lui, eft celle de la matiere incapable de fentiment, qui eft feulement une étenduë felon trois dimensions, à ce qui eft efprit, raison, ou intelligence: fi l'on dit que l'homme auroit pu fe paffer à moins pour fa confervation, je répons que Dieu ne pouvoit moins faire pour étaler fon pouvoir, fa bonté & fa magnificence, puifque quelque chofe que nous voyions qu'il ait fait, il pouvoit faire infiniment davan

tage.

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Le monde entier s'il eft fait pour l'homme, eft litteralement la moindre chofe que Dieu ait fait pour l'homme, la preuve s'en tire du fond de la Religion; ce n'eft donc ni vanité ni préfomtion à l'homme de fe rendre fur fes 2 avantages la force de la verité; ce feroit en lui ftupidité & aveuglement de ne pas fe laiffer convaincre par l'enchaînement des preuves dont la Religion fe fert, pour lui faire connoître fes privileges, reffources, fes efperances

fes

fes efperances, pour lui

ap

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