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pouvoit-il jamais mieux rencontrer pour me feduire; par où échaper? où aller, où me jetter, je ne dis pas pour trouver rien de meilleur, mais quelque chofe qui c'eft par en approche? s'il faut perir là que je veux perir, il m'eft plus doux de nier Dieu, que de l'accorder avec une tromperie fi fpecieúfe & fi entiere: mais je l'ay approfondi, je ne puis être athée, je fuis donc ramené & entraîné dans ma Religion, c'en eft fait.

*La Religion eft vraye, ou elle eft fauffe; fi elle n'eft qu'une vaine fiction, voilà fi l'on veut foixante années perduës pour l'homme de bien, pour le Chartreux ou le Solitaire, ils ne courent pas un autre rifque mais fi elle eft fondée fur la verité même, c'eft alors un épouvantable malheur pour l'homme vicieux; l'idée feule des maux qu'il fe prepare me trouble l'imagination; la penfée eft trop foible pour les concevoir, & les paroles trop vaines pour les exprimer. Certes en fuppofant même dans le monde moins de certitude qu'il ne s'en trouve en effet fur la verité de la Religion; il n'y a point pour l'homme un meilleur parti que laver

tu.

* Je ne fay iceux qui ofent nier Dieu, meritent qu'ons'efforce de le leur prouver, & qu'on les traite plus ferieufement que l'on a fait dans ce chapitre; l'ignorance qui M5

eft

eft leur caractere les rend incapables des principes les plus clairs & des raisonnemens les mieux fuivis: je confens neanmoins qu'ils lifent celui que je vais faire, pourvû qu'ils ne fe perfuadent pas, que c'eft tout ce que l'on pourroit dire fur une verité fi éclatante.

Il y a quarante ans que je n'étois point, & qu'il n'étoit pas en moi de pouvoir jamais être, comme il ne depend pas de moi qui fuis une fois de n'être plus: j'ay donc commencé, & je continue d'étre par quelque chofe qui eft hors de moi, quidurera. aprés moi, qui eft meilleur & plus puiffant que moi, fi ce quelque chofe n'eft pas Dieu, qu'on me dife ce que c'eft..

Peut être que moi qui existe, n'existe ainfi que par la force d'une nature univerfelle qui a toujours êté telle que nous la • Objeâi, voions en remontant jufques à l'infinité on ou fy- des temps *: mais cette nature, ou elle iteme des eft feulement efprit, & c'eft Dieu; ou elJibertins. le eft matiere, & ne peut par confequent

avoir créé mon efprit; ou elle eft un compofé de matiere & d'efprit: & alors ce qui eft efprit dans la nature, je l'appelle

Dieu.

Peut être auffi que ce que j'appelle mon efprit, n'eft qu'une portion de matiere qui exifte par la force d'une nature univerfelle qui eft auffi matiere, qui a toujouts été, & qui fera toûjours telle que nous la

voïons,

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Inftance

voions, & qui n'eft point Dieu, mais du moins faut il m'accorder que ce que des liber j'appelle mon efprit, quelque chofe que tins ce puiffe étre, eft une chofe qui penfe, & que s'il eft matiere, il eft neceffairement une matiere qui penfe; car l'on ne me perfuadera point, qu'il n'y ait pas en moi quelque chofe qui penfe, pendant que je fais ce raifonnement. Or ce quelque cho fe qui eft en moi, & qui penfe, s'il doit fon être & fa confervation à une nature univerfelle, qui a toûjours été & qui fera toûjours, laquelle il reconnoiffe comme fa caufe, il faut indifpenfablement que ce foit à une nature univerfelle, ou qui penfe, ou qui foit plus noble & plus parfaite que ce qui penfe; & fi cette nature ainfi faite eft matiere, l'on doit encore conclure que c'est une matiere univerfelle qui pense, ou qui eft plus noble & plus parfaite que ce qui pense.

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Je continue & je dis, cette matiere telle qu'elle vient d'être fuppofée, fi elle n'eft pas un être chimerique, mais réel, n'eft pas auffi imperceptible à tous les fens, & fi elle ne fe découvre pas par elle-même on la connoît du moins dans le divers arrangement de fes 'parties, qui conftitue les corps, & qui en fait la difference, elle eft donc elle-même tous ces differens corps; & comme elle est unc matiere qui penfe felon la fuppofition, ou M 6.

qui

qui vaut mieux que ce qui penfe, il s'enfuit qu'elle eft telle du moins felon quelques-uns de ces corps, & par une fuite neceffaire felon tous ces corps, c'est à dire qu'elle penfe dans les pierres, dans les métaux, dans les mers, dans la terre, dans moy-même qui ne fuis qu'un corps, comme dans toutes les autres parties qui la compofent: c'est donc à l'affemblage de ces parties fi terreftres, fi groffieres, ficorporelles, qui toutes enfemble font la matiere univerfelle ou ce monde vifible, que je dois ce quelque chofe qui eft en moi, qui penfe, & que j'appelle mon efprit; ce qui eft abfurde.

Si au contraire cette nature univerfelle, quelque chofe que ce puiffe être, ne peut pas être tous ces corps, ni aucun de ces corps, il fuit de là qu'elle n'eft point matiere, ni perceptible par aucun des fens: fi cependant elle penfe, ou fi elle eft plus parfaite que ce qui penfe, je conclus encore qu'elle eft efprit, ou un étre meilleur & plus accompli que ce qui eft efprit; fi d'ailleurs il ne refte plus à ce qui pense en moi, & que j'apelle mon efprit, que cette nature univerfelle à laquelle il puiffe remonter pour rencontrer fa premiere caufe & fon unique origine, parce qu'il ne trouve point fon principe en foi, & qu'il le trouve encore moins dans la matiere, ainfi qu'il a été demontré, alors je ne dif

pute

pute point des noms; mais cette fource originaire de tout efprit, qui eft efprit ellemême, & qui eft plus excellente que tout efprit, je l'appelle Dieu.

En un mot je pense, donc Dieu exifte; car ce qui penfe en moi, je ne le dois point à moi-même; parce qu'il n'a pas plus dépendu de moi de me le donner une premiere fois, qu'il dépend encore de moi de me le conferver un feul inftant, je ne le dois point à un être qui foit au deffous de moi, & qui foit matiere, puis qu'il eft impoffible que la matiere foit au deffus de ce qui penfe; je le dois donc à un être qui eft au deffus de moi, & qui n'eft point matiere; & c'eft Dieu.

* De ce qu'une nature univerfelle qui penfe exclut de foi generalement tout ce qui eft matiere, il fuit neceffairement, qu'un être particulier qui penfe ne peut pas auffi admettre en foi la moindre matiere: car bien qu'un être univerfel qui penfe renferme dans fon idée infiniment plus de grandeur, de puiffance, d'indépendance & de capacité qu'un être particulier qui penfe, il ne renferme pas neanmoins une plus grande exclufion de matiere; puifque cette exclufion dans l'un & l'autre de ces deux êtres eft auffi grande qu'elle peut étre & comme infinie ; & qu'il eft autant impoffible que ce qui penfe en moi foit matiere qu'il eft M 7

in

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