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Religion: ils ne nient ces chofes, ny ne les accordent; ils n'y pensent point.

*Nous n'avons que trop de toute nôtre fanté, de toutes nos forces & de tout nôtre efprit pour penfer aux hommes ou au plus petit interêt: il femble au contraire la bienfeance & la coûtume exigent de nous, que nous ne penfions à Dieu que dans un état où il ne refte en nous qu'autant de raifon qu'il faut pour ne pas dire qu'il n'y en a plus.

que

*Un Grand croit s'évanouir, & il meurt; un autre Grand perit infenfiblement, & perd chaque jour quelque chofe de foi-même avant qu'il foit éteint: formidables leçons, mais inutiles! des circon ftances fi marquées & fi fenfiblement oppofées ne fe relevent point, & ne touchent perfonne; les hommes n'y font pas plus d'attention qu'à une fleur qui fe fane, ou à une feuille qui tombe ; ils envient les places qui demeurent vacantes, ou ils s'informent fi elles font remplies, & par qui.

*Les hommes font-ils affez bons, af fez fideles, affez équitables, pour meriter toute nôtre confiance,& ne nous pas faire defirer du moins que Dieu exiftât, à qui nous puiffions apeller de leurs jugemens, & avoir recours quand nous en fommes perfecutez ou trahis.

* Si c'eft le grand & le fublime de la Religion

Religion qui ébloüit, ou qui confond les efprits forts, ils ne font plus des efprits forts mais de foibles genies & de petits efprits; fi c'est au contraire ce qu'il y a d'humble & de fimple qui les rebutte, ils font à la verité des efprits forts, & plus forts que tant de grands Hommes fi éclairez, fi élévez, & néanmoins fi fideles, que les LEONS, les BASILES les JERôMES, les AuGUSTINS.

*Un Pere de l'Eglife, un Docteur de P'Eglife, quels noms! quelle trifteffe dans leurs écrits! quelle fechereffe, quelle froide devotion, & peut être quelle Icholaftique difent ceux qui ne les ont jamais lûs: mais plûtôt quel étonnement pour tous ceux qui fe font fait une idée des Peres fi éloignée de la verité! s'ils voyoient dans leurs ouvrages plus de tour & de delicateffe, plus de politeffe & d'efprit, plus de richeffe d'expreffion & plus de force de raisonnement, des traits plus vifs, & des graces plus naturelles, que l'on n'en remarque dans la plûpart des livres de ce temps, qui font lûs avec goût, qui donnent du nom & de la vanité à leurs Auteurs. Quel plaifir d'aimer la Religion, & de la voir crûë, foutenue, expliquée par de fr beaux genies & par de folides efprits! fur tout lorfque l'on vient à connoitre, que pour l'étendue de connoiffance, pour la profondeur & la

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& la penetration dans les principes de la pure Philofophie, pour leur application & leur developpement, pour la jufteffe des conclufions, pour la dignité du difcours, pour la beauté de la morale & des fentimens, il n'y a rien, par exemple, 'que l'on puiffe comparer à S. AUGUSTIN, que PLATON & que CICERON.

L'homme eft né menteur; la verité eft fimple & ingenue, & il veut du fpecieux & de l'ornement; elle n'est pas રે lui, elle vient du Ciel toute faite, pour ainfi dire, & dans toute fa perfection, & l'homme n'aime que fon propre ouvrage la fiction & la fable: voïez le peuple, il controuve, il augmente, il charge par groffiereté & par fottife demandez même au plus honnête homme s'il eft toûjours vray dans fes difcours, s'il ne fe fur prend pas quelquefois dans des déguilemens ou engagent neceffairement la vanité & la legereté, fi pour faire un meilleur conte il ne lui échape pas fouvent d'ajoûter à un fait qu'il recite, une circonftance qui y manque. Une chofe arrive aujourd'hui, & prefque fous nos yeux, cent perfonnes qui l'ont vûë, la racontent en cent façons differentes, celui-cy, s'il eft écouté, la dira encore d'une maniere qui n'a pas été dite, quelle creance donc pourrois-je donner à des faits qui font anciens, éloignez de nous par

Tom. II.

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plufieurs fiecles? quel fondement doisje faire fur les plus graves Hiftoriens? que devient l'Hiftoire ? Cefar a-t-il été maffacré au milieu du Senat? y a-t-il eu un Cefar? quelle confequence, me ditesvous! quels doutes! quelle demande! Vous riez, vous ne me jugez pas digne d'aucune réponse; & je crois même que vous avez raison: je fuppofe neanmoins que le livre qui fait mention de Cefar, ne foit pas un livre profane, écrit de la main des hommes qui font menteurs, trouvé par hazard dans les Bibliotheques parmi d'autres manufcrits qui contiennent des hiftoires vrayes ou apocriphes, qu'au contraire il foit infpiré, faint, divin, qu'il porte en foy ces caracteres, qu'il fe trouve depuis prés de deux mil ans dans une focieté nombreuse qui n'a pas permis qu'on y ait fait pendant tout ce temps la moindre alteration, & qui s'eft fait une religion de le conferver dans toute fon integrité, qu'il y ait même un engagement religieux & indifpenfable d'avoir de la foy pour tous les faits contenus dans ce volume où il eft parlé de Cefar & de fa Dictature; avoüez-le, Lucille, vous douterez alors qu'il y ait eu un Cefar.

*Toute Mufique n'eft pas propre à loüer Dieu, & à être entendue dans le SanAtuaire; toute Philofophie ne parle pas di

gne

gnement de Dieu, de fa puiffance, des principes de fes operations, & de fes myfteres: plus cette Philofophie eft fubtile I & ideale, plus elle eft vaine & inutile pour expliquer des chofes, qui ne demandent des hommes qu'un fens droit pour -être connues jufques à un certain point, & qui au dela font inexplicables: vouloir rendre raifon de Dieu, de fes perfections, & fi j'ofe ainfi parler, de fes actions, c'eft aller plus loin que les anciens Philofophes, que les Apôtres, que les premiers Docteurs, mais ce n'elt pas rencontrer fi jufte; c'eft creufer longtems & profonderment, fans trouver les fources de la verité dés qu'on a abandonné les termes de bonté, de mifericorde, de justice & de toute-puiffance, qui donnent de Dieu de fi hautes & de fi aimables idées, quelque grand effort d'imagination qu'on puiffe faire, il faut recevoir les expreffions feches, fteriles, vuides de fens, admettre les penfées creufes, écartées des notions communes, ou tout au plus les fubtiles & les ingenieufes, & à mesure que l'on acquiert d'ouverture dans une nouvelle Metaphyfique, perdre un peu de fa Religion.

*Jufques où les hommes ne fe portentils point par l'interêt de la Religion, dont ils font fi peu perfuadez, & qu'ils pratiquent fi mal?

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* Cet

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