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vos obfervations au contraire naiffent de vôtre efprit & y demeurent, vous les retrouvez plus ordinairement dans la converfation, dans la confultation & dans la difpute: ayez le plaifir de voir que vous n'étes arrêté dans la lecture que par les difficultez qui font invincibles, où les Commentateurs & les Scoliaftes eux-mêmes demeurent court, fi fertiles d'ailleurs, fi abondans & fi chargez d'une vaine & faftueufe érudition dans les endroits clairs & qui ne font de peine ni à eux ni aux autres: achevez ainfi de vous convaincre par cette methode d'étudier, que c'eft la pareffe des hommes qui a encouragé le pedantifme à groffir plûtôt qu'à enrichir les bibliotheques, à faire perir le texte fous le poids des Commentaires; & qu'elle a en cela agi contre foy-même & contre fes plus chers interêts, en multipliant les lectures, les recherches & le travail qu'elle cherchoit à éviter.

* Qui regle les hommes dans leur maniere de vivre & d'ufer des alimens, la fanté & le regime? cela eft douteux; une nation entiere mange les viandes aprés les fruits, une autre fait tout le contraire; quelques-uns commencent leur repas par de certains fruits, & le firiffent par d'autres, eft-ce raifon; eftce ufage? Eft-ce par un foin de leur

fanté

fante que les hommes s'habillent jufqu'au menton, portent des fraifes & des collets, eux qui ont eu fi longtemps la poitrine découverte? Eft-ce par bienfeance, fur tout dans un temps où ils avoient ttouvè le fecret de paroître nuds tout habil lez? & d'ailleurs les femmes qui montrent leur gorge & leurs épaules, font-elles d'u ne complexion moins délicate que les hommes, ou moins fujettes qu'eux aux bienfeances? quelle eft la pudeur qui engage celles-cy à couvrir leurs jambes & prefque leurs pieds, & qui leur permet d'avoir les bras nuds au deffus du coude; qui avoit mis autrefois dans l'efprit des hommes qu'on étoit à la guerre ou pour fe défendre, ou pour attaquer, & qui leur avoit infinué l'ufage des armes offenfives & des défenfives? qui les oblige aujourd'hui de renoncer à celles-cy, & pendant qu'ils fe bottent pour aller au bal, de foûtenir fans armes & en pourpoint des travailleurs, expofez à tout le feu d'une contrefcarpe? Nos Peres qui ne jugeoient pas une telle conduite utile au Prince & à la Patrie, étoient-ils fages ou infenfez? & nous-mêmes quels Heros celebronsnous dans nôtre Hiftoire? Un Guefclin, un Cliffon, un Foix, un Boucicaut, quitous ont porté l'àrmet & endoffé une cuiraffe.

Qui pourroit rendre raifon de la fortune de certains mots, & de la pro

fcription de quelques autres ? Ains a pé ri, la voyelle qui le commence, & fi propre pour l'elifion, n'a pû le fauver, il a cede à un autre monofyllabe * & Mais. qui n'eft au plus que fon anagramme. Čertes eft beau dans fa vieilleffe, & à encore de la force fur fon declin; la Poë5. fie le reclame, & nôtre langue doit beaucoup aux Ecrivains qui le difent en profe, & qui fe commettent pour luy dans leurs ouvrages. Maint eft un mot qu'on nè devoit jamais abandonner, & par la facilité qu'il y avoit à le couler dans le ftyle, & par par fon origine qui eft Françoife. Moult, quoy que Latin, étoit dans fon temps d'un même mérite, & je ne vois pas par où beaucoup l'emporte fur luy. Quelle perfecution le Car n'a-t-il pas effuyee; & s'il n'eût trouvé de la protection parmi les gens polis, n'étoit-il pas banni honteufement d'une langue à qui il a rendu de fi longs fervices, fans qu'on fcût quel mot luy fubftituer? Cil a été dans fes beaux jours le plus joli mot de la langue Francoife, il eft douleureux pour les Poëtes qu'il ait vieilli. Douloureux ne vient pas plus naturellement de douleur que de chaleur vient chaleureux ou chaloureux, celuy-cy le paffe, bien que ce fut une richeffe pour la langue, & qu'il fe dife fort jufte où chaud ne s'employe qu'improprement. Valeur devoit auffi nous conferver valeureux. Haine,

baineux. Peine, peineux. Fruit, fructueux. Pitié,piteux. Joye, jovial. Foy, feal. Cour, courtois. Gifte, gifant, Haleine, baleiné, Vanterie, vantart. Menfonge, mensonger. Coûtume,coûtumier. Comme part maintient partial.Point, pointu & pointilleux. Ton, tonant. Son, fonore. Frein,effrené. Front, effronté. Ris, ridicule. Loy, loyal. Cœur, cordial. Bien, benin. Mal, malicieux. Heur se plaçoit où bonheur ne fçauroit entrer, il a fait beureux, qui eft fi François, & ila ceffé de l'étre; fi quelques Poëtes s'en font fervis, c'eft moins par choix que par la contrainte de la mesure. Jue profpere, & vient d'iffir qui eft aboli. Fin fubfifte fans confequence pour finer qui vient de luy, pendant que ceffe & ceffer regnent également. Verd ne fait plus verdoyer, ny fete, fetoyer; ny larme,larmoyer; ny deuil, fe douloir, fe condouloir; ny joye, Jouir, bien qu'il faffe toûjours fe jouir, fe conjouir; ainfi qu'orgueil, s'enorgueillir. On a dit gent, le corps gent; ce mot fi facile non feulement eft tombé, l'on voit même qu'il a entraînégentil dans fa chûte. On dit diffamé, qui dérive de fame qui ne s'entend plus. On dit curieux dérivé de cure qui eft hors d'ufage. Il y avoit à gagner de dire fi que pour de forte que ou de maniere que. De moy au au lieu de pour moy ou de quant à moy; de dire, je fçay que c'eft qu'un mal, plûtôt que je fçay ce que c'es qu'un mal, foit par l'analogie Latine,

foit

......

par l'avantage qu'il y a fouvent à avoir un mot de moins à placer dans l'oraison. L'ufage a preferé par confequent à par confequence, & en confequence à en confequent, façons de faire à manieres de faire, & manieres d'agir à façons d'agir Dans les verbes,travailler à ouvrer, étre accoûtumé à fouloir,convenir à duire,faire du bruit à bruire, injurier à vilainer,piquer à poindre, faire ref fouvenir à ramentevoir..... Et dans les noms pensées à penfers, un fi beau mot, & dont le vers le trouvoit fi bien, grandes actions à prouefes, louanges à loz, méchanceté à mauvaistié, porte à buis, navire à nef, armée àoft, monaftere à montier, prairies à prées.

Tous mots qui pouvoient durer enfemble d'une égale beauté, & rendre une langue plus abondante. L'ufage a par l'addition, la fupreffion, le changement ou le dérangement de quelques lettres fait frelater de fralater. Prouver de preuver. Profit de proufit. Froment de fourment. Profil de pourfil.Provifion de pourvoir. Promener de pourmener, & promenade de pourmenade. Le mênte ufage fait felon Poccafion d'habile, d'utile, de facile, de docile, de mobile & de fertile, fans y rien changer, des genres differens; au contraire de vil, vile; fubtil, fubtile, felon leur terminaifon maf culins ou feminins. Il a alteré les terminaifons anciennes. De feel il a fait fceau, de mantel, manteau, de capel, chapeau;

de

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