Page images
PDF
EPUB

.

ve les Medecins, & que l'on s'en fert; le theatre & la fatyre ne touchent point à leurs penfions; ils dotent leurs filles, placent leurs fils aux Parlemems & dans la Prelature, & les railleurs eux-mêmes fourniffent l'argent. Ceux qui fe portent bien deviennent malades!, il leur faut des gens dont le métier foit de les affurer qu'ils ne mourront point: tant que les hommes pourront inourir, & qu'ils aimeront à vivre, le Medecin fera raillé & bien payé.

Un bon Medecin eft celui qui a des remedes fpecifiques, ou s'il en manque, qui permet à ceux quiles ont, de guerir fon malade.

*La temerité des Charlatans, & leurs triftes fuccés qui en font les fuites, font valoir la Medecine & les Medecins ; fi ceuxlaiffent mourir, les autres tuënt.

cy

*Carro Carri débarque avec une recette qu'il appelle un prompt remede, & qui quelquefois eft un poifon lent: c'eft un bien de famille, mais amelioré en fes mains, de fpecifique qu'il étoit contre la colique, il guérit de la fiévre quarte, de la pleurefie, de l'hydropifie, de l'apoplexie, de l'epilepfie; forcez un peu vôtre memoire, nommez une maladie, la premiere qui yous viendra en l'efprit, l'hemorragie, dites-vous? illa guérit: il ne reffufcite perfonne, il eft vray, il ne rend pas la vie

aux hommes, mais il les conduit neceffairement jufqu'à la decrepitude, & ce n'est que par hazard que fon pere & fon ayeul, qui avoient ce fecret, font morts fort jeunes. Les Medecins reçoivent pour leurs vifites ce qu'on leur donne, quelques-uns fe contentent d'un remerciement; Carro Carri eft fi fûr de fon remede, & de l'effet qui en doit fuivre, qu'il n'hefite pas de s'en faire payer d'avance, & de recevoir avant que de donner; fi le mal eft incurable, tant mieux, il n'en eft que plus digne de fon application & de fon remede; commencez par lui livrer quelques facs de mille francs, paffez lui un contrat de conftitution, donnez lui une de vos terres, la plus petite, & ne foyez pas enfuite plus inquiet que lui de vôtre guerifon. L'émulation de cet homme a peuplé le monde de noms en O & en I noms venerables qui impofent aux malades & aux maladies. Vos Medecins, Fagon, & de toutes les facultez, avoüez-le, ne guériffent pas toûjours, ni furement; ceux au contraire qui ont hérité de leurs peres la medecine pratique, & à qui l'experience est échûë par fucceffion, promettent toûjours & avec fermens qu'on guerira, qu'il eft doux aux hommes de tout efperer d'une maladie mortelle, & de fe porter encore paffablement bien à l'agonic! la mort furprend agreaK 7

blement

blement & fans s'étre fait craindre, on la fent plûtôt qu'on n'a fongé à s'y preparer & à s'y refoudre. O FAGON ESCULAPE! faites regner fur toute la terre le Quinquina & l'Emetique, conduisez à fa perfection la fcience des fimples, qui font donnez aux hommes pour prolonger leur vie; observez dans les cures avec plus de precision & de fageffe que personne n'a encore fait le climat, les temps, les fimptomes & les complexions; guérif fez de la maniere feule qu'il convient à chacun d'étre guéri; chaffez des corps où rien ne vous eft caché de leur œconomie les maladies les plus obfcures & les plus inveterées; n'attentez par fur celles de l'efprit, elles font incurables, laiffez à Corinne,à Lesbie, à Canidie, à Trimaleion & à Carpus la paffion ou la fureur des Charla

tans.

*L'on fouffre dans la Republique les Chiromanciens & les Devins, ceux qui font l'horoscope & qui tirent la figure, ceux qui connoiffent le paffé par le mouvement du Sas; ceux qui font voir dans un miroir ou dans un vafe d'eau la claire verité; & ces gens font en effet de quelque ufage, ils prédifent aux hommes qu'ils feront fortune, aux filles qu'elles épouferont leurs amans, confolent les enfans dont les peres ne meurent point, & charment l'inquietude des jeunes femmes qui

ont

ont de vieux maris: ils trompemt enfin à trés-vil prix ceux qui cherchent à étre

trompez.

**Que penfer de la magie & du fortilege? La theorie en eft obfcure, les principes vagues, incertains, & qui approchent du vifionnaire: mais il y a des faits embaraffans, affirmez par des hommes graves qui les ont vûs, ou qui les ont appris de personnes qui leur reffemblent; les admettre tous ou les nier tous paroît un egal inconvenient, & j'ofe dire qu'en cela, comme dans toutes les chofes extraordinaires & qui fortent des communes regles, qu'il y a un partià trouver entre les ames credulès & les efprits forts.

*L'on ne peut gueres charger l'enfance de la connoiffance de trop de langues, & il me femble que l'on devroit mettre toute fon application à l'en inftruire; elles font utiles à toutes les conditions des hommes, & elles leur ouvrent également l'entrée ou à une profonde, ou à une facile & agréable érudition. Si l'on remet cette étude fi penible à un âge un peu plus avancé, & qu'on apelle la jeuneffe, ou l'on n'a pas la force del'embraffer par choix, ou l'on n'a pas celle d'y perfeverer; & fi l'on y perfevere, c'eft confumer à la recherche des langues le même temps qui eft confacré à l'ufage que l'on en doit faire; c'eft borner à la fcience des mots un âge qui

veut déja aller plus loin, & qui demande des chofes; c'est au moins avoir perdu les premieres & les plus belles années de fa vie. Un fi grand fond ne fe peut bien faire que lorfque tout s'imprime dans l'ame naturellement, & profondement ; que la memoire eft neuve, prompte, & fidele; que l'efprit & le coeur font encore vuides de paffions, de foins & de defirs, & que l'on eft determiné à de longs travaux par ceux de qui l'on dépend. Je fuis perfuadé que le petit nombre d'habiles, oule grand nombre de gens fuperficiels vient de l'oubli de cette pratique.

L'étude des textes ne peut jamais étre affez recommandée; c'eft le chemin le plus court, le plus für & le plus greable pour tout genre d'érudition: ayez les chofes de la premiere main; puifez à la fource; maniez, remaniez le texte; apprenez-le de memoire; citez-le dans les occafions; fongez fur tout à en penetrer le fens dans toute fon étenduë & dans fes circonftances; conciliez un Auteur-original, ajustez fes principes, tirez vous-même les conclufions; les premiers Commentateurs fe font trouvez dans le cas où je defire que vous foyez; n'empruntez leurs lumieres, & ne fuivez leurs vues, qu'où les vôtres feroient trop courtes: leurs explications ne font pas à vous, & peuvent aiferent vous échaper;

« PreviousContinue »