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droits de fes ancêtres, & de continuer les armes de fa maison, les mêmes pourtant qu'ila fabriquées, & tout autres que celles de fa vaiffelle d'étain : qu'en un mot les lettres de nobleffe ne lui conviennent plus; qu'elles n'honorent que le roturier, c'eft à-dire celui qui cherche encore le fecret de devenir riche.

Un homme du peuple à force d'affu rer qu'il a vû un prodige, fe perfuade fauffement qu'il a vû un prodige, celui qui continue de cacher fon âge, penfe enfin luimême être aussi jeune qu'il veut le faire croire aux autres: de même le roturier qui dit par habitude qu'il tire fon origine de quelque ancien Baron ou de quelque Châtelain dont il eft vrai qu'il ne defcend pas, 2 le plaifir de croire qu'il en defcend.

*Quelle eft laroture un peu heureuse & établie, à qui il manque des armes, & dans ces armes une piece honorable, des fuppôts, un cimier, une devife, & peutêtre le cry de guerre; qu'eft devenue la diftinction des Cafques & des Heaumes? lé nom & l'ufage en font abolis, il ne s'agit plus de les porter de front ou de côté, ou verts ou fermez; & ceux-cy de tant ou de tant de grilles; on n'aime pas les minuties, on paffe droit aux Couronnes; cela eft plus fimple, on s'en croit digne, on fe les adjuge il refte encore aux meilleurs Bour geois une certaine pudeur qui les empêche

de fe

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de fe parer d'une Couronne de Marquis, trop fatisfaits de la Comtale; quelques-uns même ne vont pas la chercher fort loin, & la font paffer de leur enseigne à leur caroffe.

* Il fuffit de n'être point né dans une ville, mais fous une chaumiere répanduë dans la campagne, ou fous une ruine qui trempe dans un marécage, & qu'on appelle Château, pour étre crû noble fur fa parole.

*Un bon Gentilhomme veut paffer pour un petit Seigneur, & il y parvient. Un grand Seigneur affecte la principauté, & il ufe de tant de précautions, qu'à force de beaux noms, de difputes fur le rang & les préfeances, de nouvelles armes, & d'une genealogie que d'HosIER ne lui a pas faite, il devient enfin un petit Prince. *Les Grands en toutes chofes fe forment & fe moulent fur de plus grands, qui de leur part, pour n'avoir rien de commun avec leurs inferieurs, renoncent volontiers à toutes les rubriques d'honneurs & de diftinctions dont leur condition se trouve chargée, & préferent à cette fervitude une vie plus libre & plus commode: ceux qui fuivent leur piste obfervent déja par émulation cette fimplicité & cette modeftie : tous ainfi fe reduiront par hauteur à vivre naturellement & comme le peuple. Horrible inconvenient!

*Cer

*Certaines gens portent trois noms de Mr. Lan glois de peur d'en manquer; ils en ont pour la cam-Riens pagne & pour la ville, pour les lieux de leur fervice ou de leur emploi d'autres ont un feul nom diffyllabe qu'ils annobliffent par des particules, dés que leur fortune devient meilleure celui-cy par la fuppreffion d'une fyllabe fait de fon nom obfcur, un nom illuftre celui-là par le changement d'une lettre en une autre fe traveftit, & de Syrus devient Cyrus: plufieurs fuppriment leurs noms qu'ils pourroient conferver fans honte, pour en adopter de plus beaux, où ils n'ont qu'à perdre par la comparaifon que l'on fait toujours d'eux qui les portent, avec les grands hommes qui les ont portez: il s'en trouve enfin qui nez à l'ombre des clochers de Paris veulent étre Flamans ou Italiens, comme fi la roture n'étoit pas de tout païs, allongent leurs noms François d'une terminaison étrangere, & croyent que venir de bon lieu c'eft venir de loin.

*Le befoin d'argent a reconcilié la nobleffe avec la roture, & a fait évanouir la preuve des quatre quartiers.

* A combien d'enfans feroit utile la loi qui décideroit que c'eft le ventre qui annoblit? mais à combien d'autres feroit-elle contraire?

*Il y a peu de familles dans le monde qui ne touchent aux plus grands Princes par une extrémité, & par l'autre au fimple peuple I Z

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ont acheté

la

Les Cele- *Il n'y a rien à perdre à étre noble ; Ains qui franchifes, immunitez, exemptions, priune charge vileges: que manque-t-il à ceux qui ont de Secre- un titre ? croiez-vous que ce foit pour taire du nobleffe que des folitaires* fe font faits no*Maifon bles? ils ne font pas fi vains; c'est pour le Religieufe profit qu'ils en reçoivent: cela ne leur fiedSecretaire il pas mieux que d'entrer dans les gabelies? je ne dis pas à chacun en particulier, leurs vœux s'y oppofent, je dis même à la Com

Roy.

du Roy.

munauté.

*

Je le declare nettement, afin que l'on s'y prepare, & que perfonne un jour n'en foit furpris. S'il arrive jamais que quelque Grand me trouve digne de fes foins; fije fais enfin une belle fortune, il y a un Geoffroy de la Bruyere que toutes les Croniques rangent au nombre des plus grands Seigneurs de France qui fuivirent GODEFROY DE BOUILLON

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à la conqucite de la Terre-Sainte: voilà alors de qui je defcends en ligne direЄte.

* Si la nobleffe eft vertu, elle se perd par tout ce qui n'eft pas vertueux; & fielle n'eft pas vertu, c'eft peu de chofe.

Il y a des chofes qui ramenées à leurs principes & à leur premiere institution font étonnantes & incomprehenfibles. Qui peut concevoir en effet que certains Abbez à qui il ne manque rien de l'ajuftement, de la moleffe & de la vanité des

sexes & des conditions, qui entrent auprés des femmes en concurrence avec le Marquis & le Financier, & qui l'emportent fur tous les deux, qu'eux-mêmes. foient originairement & dans l'étimologie de leur nom, les peres & les chefs de faints Moines & d'humbles Solitaires, & qu'ils en devroient étre l'exemple : quelle force, quel empire, quelle tyrannie de l'ufage! & fans parler de plus grands defordres, ne doit-on pas craindre de voir un jour un fimple Abbé en velours gris & à ramages comme une Eminence; ou avec des mouches & du rouge comme une femme?

*Que les faletez des Dieux, la Venus, le Ganimede, & les autres nuditez du Carache aïent été faites pour des Princes de l'Eglife, & qui fe difent fucceffeurs des Apôtres, le Palais Farnese en eft la preu

ve.

*Les belles chofes le font moins hors de leur place; les bienfeances mettent la perfection, & la raison met les bienfeanCes. Ainfi l'on n'entend point une gigue à la Chapelle; ni dans un Sermon des tons de theatre l'on ne voit point d'images profanes dans les Temples, un CHRIST Tapifle par exemple, & le Jugement de Paris ties. dans le même Sanctuaire; ni à des perfonnes confacrées à l'Eglife le train & l'équipage d'un Cavalier.

* De

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