une perte itreparable; approchez, regardez ce qu'il vous montre fur fon doigt, quin'a plus de vie, & qui vient d'expirer, c'est une chenille, & quelle chenille! * Le duel eft le triomphe de la mode, & l'endroit où elle a exercé fa tirannie avec plus d'éclat; cet ufage n'a pas laiffé au poltron la liberté de vivre, il'l'a mené fe faire tuer par un plus brave que foy, & l'a confondu avec un homme de cœur; il a attaché de l'honneur & de la gloire à une action folle & extravagante; il a été approuvé par la prefence des Rois, il y a eu quelquefois une espece de Religion à le pratiquer; il a décidé de l'innocence des hommes, des accufations fauffes ou veritables fur des crimes capitaux; il s'étoit enfin fi profondement enraciné dans l'opinion des peuples, & s'étoit fi fort faili de leur coeur & de leur efprit, qu'un des plus beaux endroits de la vie d'un tresgrand Roy, a été de les guerir de cette folie. *Tel a été à la mode ou pour le commandement des armées & la negociation, ou pour l'éloquence de la Chaire, ou pour les vers, qui n'y eft plus. Y a-t-il des hommes qui dégenerent de ce qu'ils furent autrefois; eft-ce leur mérite qui eft ufé, ou le goût que l'on avoit pour eux? *Un homme à la mode dure peu, car les modes paffent; s'il eft par hazard hom me me de mérite, il n'est pas aneanti, & il fubfifte encore par quelque endroit; également eftimable, il eft feulement moins estimé. La vertu a cela d'heureux, qu'elle fe fuffit à elle-même, & qu'elle fçait fe paffer d'admirateurs, de partifans & de prote&teurs; le manque d'appuy & d'approba tion non feulement ne luy nuit pas, mais il la conferve, l'épure & la rend parfaite; qu'elle foit à la mode, qu'ellen'y foit plus, elle demeure vertu. : * Si vous dites aux hommes & fur tout aux Grands, qu'un tel a de la vertu, ils vous difent, qu'il la garde; qu'il a bien de l'efprit, de celuy fur tout qui plait & qui amufe, ils vous répondent, tant mieux pour luy; qu'il a l'efprit fort cultivé, qu'il Içait beaucoup, ils vous demandent quelle heure il eft, ou quel tems il fait mais fi vous leur apprenez qu'il y a un Tigilin qui foufle ou qui jette en fable un verre d'eau de vie, &, chofe merveilleufe! qui y re vient à plufieurs fois en un repas, alors ils difent, oùeft-il? amenez-le moy, demain, ce foir, me l'amenerez-vous? on le leur a mene; & cet homme propre à parer les avenuës d'une foire, & à être montré en cham→ bre pour de l'argent, ils l'admettent dans leur familiarité. * Il n'y a rien qui mette plus fubite ment un homme à la mode, & qui le four leve davantage que le grand jeu : cela va du pair avec la crapule je voudrois bien voir un homme poli, enjoué, fpirituel, fût-il un CATULLE ou fon difciple, faire quelque comparaifon avec celuy qui vient de perdre huit cens piftoles en une feance. * Une perfonne à la mode reffemble à une fleur bleu, qui croit de foy-même dans les fillons; où elle étouffe les épics, diminuë la moiffon, & tient la place de quelque chofe de meilleur; qui n'a de prix & de beauté que ce qu'elle emprunte d'un caprice leger qui naît & qui tombe prefque dans le même inftant, aujourd'huy elle eft couruë, les femmes s'en parent, demain elle eft negligée & rendue au peuple. Une perfonne de merite au contraire eft une fleur qu'on ne défigne pas par fa couleur, mais que l'on nomme par fon nom, que l'on cultive par fa beauté ou par fon odeur; l'une des graces de la nature, l'une de ces chofes qui embelliffent le monde, qui eft de tous les temps & d'une vogue ancienne & populaire; que nos peres ont eftimées, & que nous eftimons aprés nos peres; à qui le dégoût ou l'antipathie de quelques-uns ne fçouroit nuire. Un lys, une rofe. * L'on voit Euftrate affis dans fa nacelle, où il jouit d'un air pur & d'un ciel fe rain; il avance d'un bon vent & quia toutes les apparences de devoir durer'; mais il tombe tombe tout d'un coup, le Ciel fe couvre, l'orage fe declare, un tourbillon enveloppe la nacelle, elle eft fubmergée, on voit Euftrate revenir fur l'eau & faire quelques efforts, on efpere qu'il pourra du moins fe fauver & venir à bord; mais une vague l'enfonce, on le tient perdu; il paroit une feconde fois, & les efperan ces fe réveillent; lors qu'un flot furvient & l'abîme, on ne le revoit plus, il est noyé. * VOITURE & SARRASINêtoient nez pour leur fiecle; & ils ont paru dans un temps, où il femble qu'ils étoient attendus? s'ils s'étoient moins preffez de venir, ils arrivoient trop tard, & j'ofe douter qu'ils fuffent tels aujourd'huy qu'ils ont étè *lors: les converfations legeres, les cercles, la fine plaifanteric, les lettres enjoüées & familieres, les petites parties où l'on étoit admis feulement avec de l'efprit, tout a difparu: & qu'on ne dife point qu'ils les feroient revivre; ce que je puis faire en faveur de leur efprit, eft de convenir que peut être ils excelleroient dans un autre genre; mais les femmes font de nos jours ou devotes, ou coquettes, ou joüeufes, ou ambitieufes, quelques-unes même tout cela à la fois; le goût de la faveur, le jeu, les galans, les directeurs ont pris la place & la défendent contre les gens d'efprit. Un *Un homme fat & ridicule porte un long chapeau, un pourpoint à ailerons, des chauffes à éguillettes & des bottines; ilréve la veille par où & comment il pourra fe faire remarquer le jour qui fuit. Un Philofophe fe laiffe habiller par fon Tailleur; il y a autant de foibleffe à fuir la mode qu'à Ï'affecter. tes, * L'on blâme une mode qui divifant la taille des hommes en deux parties égales, en prend une toute entiere pour le bufte, & faiffe l'autre pour le refte du corps: l'on condamne celle qui fait de la tête des femmes la bafe d'un édifice à plufieurs étages,dont l'ordre & la ftructure changent felon leurs caprices; qui éloigne les cheveux du vilage, bien qu'ils ne croiffent que pour l'accompagner, qui les releve & les heriffe à la maniere des Bacchan& femble avoir pourvû à ce que les femmes changent leur phifionome douce & modefte, en une autre qui foit fiere & audacieuse: on fe récrie en fin contre une telle ou telle mode, qui cependant toute bizarre qu'elle eft, pare & embellit pendant qu'elle dure, & dont l'on tire tout l'avantage qu'on en peut efperer, qui eft de plaire. Il me paroît qu'on devroit feulement admirer l'inconftance & la legereté des hommes, qui attachent fucceffivement les agréemens & la bienfeance à des chofes tout oppofées; qui employent pour |
