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quieft tout ce que l'on pourroit accorder à ees montagnes voifines du Ciel, & qui voyent les nuages fe former au deffous d'elles: efpece d'animaux glorieux & fuperbes, qui méprifez toute autre efpece, qui ne faites pas même comparaifon avec PElephant & la Baleine, approchez, hommes, répondez un peu à Democrite. Ne ditez-vous pas en commun proverbe, des loups raviffans, des lions furieux, malicieux comme un finge: & vous autres, qui étesvous? j'entends corner fans ceffe à mes oreilles, l'homme eft un animal raisonnable; qui vous a paffé cette définition, font-ce les loups, les finges, & les lions, ou fi vous vous l'étes accordé à vous même; ? c'est déja une chofe plaifante, que vous donniez aux animaux vos confreres ce qu'il y a de pire, pour prendre pour vous ce qu'il y a de meilleur, laiffez-les un peu fe définir eux-mêmes, & vous verrez.comme ils s'oublieront, & comme vous ferez traitez. Je ne parle point, ô hommes, de vos legeretez, de vos folies & de vos caprices qui vous mettent au deffous de la taupe & de la tortue, qui vont fagement leur petit train, & qui fuivent, fans varier l'instinct de leur nature; mais écoutez-moy un moment. Vous dites d'un tiercelet de faucon qui eft fort leger, & qui fait une belle defcente fur la perdrix, voilà un bon oiseau; & d'un lévrier qui prend un lévre

corps

corps à corps, c'eft un bon lévrier; je confens auffi que vous difiez d'un homme qui court le fanglier, qui le met aux abois qui l'atteint & qui le perce, voilà un brave homme mais fi vous voyez deux chiens qui s'abboyent, qui s'affrontent, qui fe mordent & fe déchirent, vous dites, voilà de fots animaux, & vous prenez un bâton pour les feparer: que fi l'on vous difoit que tous les chats d'un grand pais fe font affemblez par milliers dans une plaine, & qu'après avoir miaulé tout leur faoul, ils fe font jettez avec fureur les uns fur les autres, & ont joué ensemble de la dent & de la griffe; que de cette mêlée il eft demeuré de part & d'autre neuf à dix mille chats fur la place, qui ont infecté l'air à dix lieues de là par leur puanteur, ne diriez-vous pas, voilà le plus abominable fabat dont on ait jamais oüy parler? & fi les loups en faifoient de même, quels heurlemens, quelle boucherie! & fi les uns ou les autres vous diroient qu'ils aiment la gloire, concluriez-vous de ce difcours qu'ils la mettent à fe trouver à ce beau rendez-vous, à détruire ainfi, & à aneantir leur propre efpece; ou aprés l'avoir conclu, ne ririez-vous pas de tout vôtre cœur de l'ingenuité de ces pauvres bêtes? Vous avez déja en animaux raisonnables; & pour vous diftinguer de ceux qui ne fe fervent que de leurs dents & de Tom. II. leurs

H

leurs ongles, imaginé les lances, les piques, les dards, les fabres & les cimeterres, & à mon grè fort judicieusement; car avec vos feules mains que pouviez-vous vous faire les uns aux autres, que vous arracher les cheveux, vous égratigner au vifage, ou tout au plus vous arracher les yeux de la tête; au lieu que vous voilà munis d'inftrumens commodes, qui vous fervent à vous faire reciproquement de larges pla yes d'où peut couler vôtre fang jusqu'à la derniere goutte, fans que vous puiffiez craindre d'en échaper: mais comme vous devenez d'année à autre plus raisonnables, vous avez bien encheri fur cette vieille maniere de vous exterminer: vous avez de petits globes qui vous tuënt tout d'un coup, s'ils peuvent feulement vous atteindre à la tête ou à la poitrine; vous en avez d'autres plus pefans & plus maffifs qui vous coupent en deux parts ou qui vous éventrent, fans compter ceux qui tom bant fur vos toîts, enfoncent les planchers, vont du grenier à la cave, en enlevent les voutes, & font fauter en Pairavec vos maisons, vos femmes qui font en couche, l'enfant & la nourrice; & c'est là encore où gift la gloire, elle aime le remuëmenage, & elle eft perfonne d'un grand fracas. Vous avez d'ailleurs des armes défenfives, & dans les bonnes regles vous devez en guerre être habillez de fer, ce qui eft

fans

E que

fans mentir une jolie parure, & qui me fait fouvenir de ces quatre puces celebres que montroit autrefois un charlatan fubtil ouvrier, dans une phiole où il avoit trouvé le fecret de les faire vivre; il leur avoit mis à chacune une falade en tête, leur avoit paffé un corps de cuiraffe, mis des braffars, des genouilleres, la lance fur la cuiffe, rien ne leur manquoit, & en cét équipage elles alloient par fauts & par bonds dans leur bouteille feignez un homme de la taille du mont Athos, pour quoy non; une ame feroit elle embaraffée d'animer un tel corps? elle en feroit plus au large; fi cet homme avoit la vue affez fubtile pour vous decouvrir quelque part fur la terre avec vos armes offenfives & défenfives, que croyez-vous qu'il penseroit de petits marmouzets ainfi équipez, & de ce que vous appellez guerre, cavalerie, infanterie, un memorable fiege, une fameule journée, n'entendray-je donc plus bourdonner d'autre chofe parmi vous? le monde ne fe divife-t-il plus qu'en regimens, & en compagnies? tout eft-il devenu bataillon ou efcadron ? il a pris une ville, il en apris une feconde, puis une troifeme; il a gagne une bataille, deux batailles; il chaffe l'ennemi, il vainc fur mer, il vainc fur terre; eft-ce de quelques-uns de vous autres, eft-ce d'un geant, d'un Athos que vous parlez? Vous avez fur tout

fur

un homme pâle & livide qui n'a pas foy dix onces de chair, &: que l'on croiroit jetter à terre du moindre fouffle. Il fait neantmoins plus de bruit que quatre autres, & met tout en combustion, il vient de pécher en eau trouble une isle toute entiere, ailleurs à la verité il est batu & pourfuivi, mais il fe fauve par les marais; & ne veut écouter ny paix ny treve. Il a montré de bonne heure ce qu'il fçavoit faire, il a mordu le fein de fanourrice, elle en eft morte la pauvre femme, je m'entens, il fuffit, en un mot il étoit ré fujet, & il ne l'eft plus, au contraire il eft le maître; & ceux qu'il a domptez & mis fous le joug, vont à la charrue & labourent de bon courage, ils femblent même apprehender, les bonnes gens, de pouvoir fe délier un jour & de devenir libres, car ils ont étendu la courroye & allongé le fouet de celui qui les fait marcher, ils n'oublient rien pour accroitre leur fervitude: ils luy font paffer l'eau pour fe faire d'au tres vaffaux & s'aquerir de nouveaux domaines, il s'agit, il eft vray, de prendre fon pere & fa mere par les épaules, & de les jetter hors de leur maison, & ils l'aident dans une fi honnéte entreprise. Les gens de delà l'eau & ceux d'en deça fe cottisent & mettent chacun du leur, pour fe le rendre à eux tous de jour en jour plus redoutable, les Pictes & les Saxons, tous fe peuvent

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