Page images
PDF
EPUB

ufage libre du temps, c'est le choix du travail & de l'exercice: être libre en un mot n'est pas ne rien faire; c'est étre seul arbitre de ce qu'on fait ou de ce qu'on ne fait point; quel bien en ce fens que la liberté ! * CESAR n'étoit point trop vieux pour penfer à la conquête de l'Univers*; il n'avoit point d'autre beatitude à se faire v. les que le cours d'une belle vie, & un grand penfées de nom aprés fa mort; né fier, ambitieux, ch. 1. où & fe portant bien comme il faifoit, il ne il dit le pouvoit mieux employer fon temps qu'à contraire. conquerir le monde. ALEXANDRE étoit bien jeune pour un defsein si serieux, il eft étonnant que dans ce premier âge les femmes ou le vin n'ayent plûtôt rompu fon entreprise.

* UN JEUNE PRINCE, D'UNE RAĆE

M. Pascal

AUGUSTE.
L'AMOUR ET L'ESPERANCE
DES PEUPLES. DONNE' DU CIEL POUR
PROLONGER LA FELICITE' DE LATER-
RE. PLUS GRAND QUE SES A YEUX. FILS
D'UN HEROS QUI EST SON Modele, a
DEJA MONTRE A L'UNIVERS PARSES
DIVINES QUALITEZ, ET PAR UNE VER-
TU ANTICIPE'E, QUE LES ENFANS DES
HEROS SONT PLUS PROCHES DE L'ES. * Contre
TRE QUE LES AUTRES HOMMES.

*

la maxime Latine &

* Si le monde dure feulement cent mil triviale. lions d'années, il eft encore dans toute fa fraîcheur, & ne fait prefque que commen

cer;

cer; nous-même nous touchons aux premiers hommes & aux Patriarches, & qui pourra ne nous pas confondre avec eux dans des fiecles fi reculez? mais fi l'on juge par le paffé de l'avenir, quelles chofes nouvelles nous font inconnuës dans les arts, dans les fciences, dans la nature, & j'ofe dire dans l'histoire! quelles découvertes ne fera-t-on point! quelles differentes revolutions ne doivent pas arriver fur toute la face de la terre, dans les Etats & dans les Empires! quelle ignorance eft la nôtre ! & quelle legere experience que celle de fix ou fept mille ans !

qui

*Il n'y a point de chemin trop long à marche lentement & fans fe preffer, il n'y a point d'avantages trop éloignez à qui s'y prepare par la patience.

*Ne faire fa cour à perfonne, ny attendre de quelqu'un qu'il vous faffe la fienne; douce fituation, âge d'or, état de l'homme le plus naturel.

*Le monde eft pour ceux qui fuivent les Cours ou qui peuplent les Villes; la nature n'eft que pour ceux qui habitent la campagne, eux feuls vivent, eux feuls du moins connoiffent qu'ils vivent.

* Pourquoy me faire froid, & vous plaindre de ce qui m'eft échapé fur quelques jeunes gens qui peuplent les Cours? étes vous vicieux, ô Thrafille; je ne le fçavois

pas

[ocr errors]

pas, & vous me l'apprenez; ce que je lçay eft que vous n'étes plus jeune.

Et vous qui voulez être offenfé perfonnellement de ce que j'ay dit de quelques Grands, ne criez-vous point de la bleffure d'un autre? étes-vous dédaigneux, malfaifant, mauvais plaifant, flatteur, hypocrite? je l'ignorois, & ne penfois pas à vous, j'ay parlé des Grands.

L'efprit de modération & une certaine fageffe dans la conduite, laiffent les hommes dans l'obfcurité; il leur faut de grandes vertus pour étre connus & admirez, ou peut-être de grands vices.

1

* Les hommes fur la conduite des grands & des petits indifferemment font prévenus, charmez, enlevez par la réüffite, il s'en faut peu que le crime heureux ne foit loué comme la vertu mê

me,

& que le bonheur ne tienne lieu de toutes les vertus: c'est un noir attentat, c'eft une fale & odieufe entreprise, que celle que le fuccés ne fçauroit juftifier.

* Les hommes feduits par de belles apparences & de fpecieux pretextes, goûtent aifément un projet d'ambition que quelques Grands ont médité, ils en parlent avec interêt, il leur plaît même par la hardieffe ou par la nouveauté que l'on luy impute, ils y font déja accoûtumez, & n'en attendent que le fuccés, lorfque venant au con

Feu le Prince

"

traire à avorter, ils decident avec confiance & fans nulle crainte de fe tromper, qu'il étoit temeraire & ne pouvoit réüffir.

*Il y a de tels projets, d'un fi grand éclat, & d'une confequence fi vafte; qui font parler les hommes fi long-temps; qui font tant efperer, ou tant craindre felon les divers interéts des peuples, que toute la gloire & toute la fortune d'un homme y font commifes: il ne peut pas avoir paru fur la Scéne avec un fibel appareil, pour fe retirer fans rien dire; quelques affreux perils qu'il commence à prévoir dans la fuite de fon entreprise, il faut qu'il l'entame; le moindre mal pour luy, eft de la manquer.

* Dans un méchant homme il n'y a pas de quoy faire un grand homme: loüez fes vûes & fes projets, admirez fa conduite, exagerez fon habileté à fe fervir des moyens les plus propres & les plus courts pour par venir à les fins; fi fes fins font mauvaises, la prudence n'y a aucune part; & où manque la prudence, trouvez la grandeur fi vous le pouvez.

* Un ennemi eft mort, qui étoit à la tête d'une armée formidable, destinée à Charles paffer le Rhin; il fçavoit la guerre, & fon de Lorrai- experience pouvoit être fecondée de la fortune, quels feux de joye a-t-on vûs, quelle fete publique? Il y a des hommes

ne.

au

au contraire naturellement odieux, & dont l'averfion devient populaire: ce n'eft point précisement par les progrés qu'ils font, ny par la crainte de ceux qu'ils peuvent faire, que la voix du peuple éclate à leur mort, & que tout treffaille, jufqu'aux enfans, dés l'on murmure dans les places, que la terre enfin en eft délivrée.

que

* O temps! ô moeurs! s'écrie Hera. clite, ô malheureux fiecle! fiecle rempli de mauvais exemples, où la vertu fouffre, où le crime domine, où il triomphe! Je veux être un Lycaon, un gifte, l'occafion ne peut être meilleure " ny les conjonctures plus favorables, fi je defire du moins de fleurir & de profperer. O paftres, continuë Heraclite! O ruftres qui habitez fous le chaume & dans les cabanes! fi les évenemens ne vont point jufqu'à vous; fi vous n'avez point le coeur percé par la malice des hommes; fi on ne parle plus d'hommes dans vos contrées, mais feulement de renards & de loups-cerviers, recevez-moy parmi vous à manger vôtre pain noir, & à boire l'eau de Vos cifternes.

*Petits hommes, hauts de fix pieds, tout au plus de fept, qui vous enfermez aux foires comme geans, & comme des pieces rares dont il faut acheter la vûë, dés que vous allez jufques à huit pieds; qui vous donnez fans pudeur de la bauteffe&t de l'eminence,

qui

« PreviousContinue »