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M, Peliffen.

leur apprend qu'on peut vivre gayement & laborieusement, avoir des vûës ferieufes fans renoncer aux plaisirs honnêtes; il leur devient un exemple qu'on peut fui

vre.

*La phifionomie n'eft pas une regle qui nous foit donnée pour juger des hommes: elle nous peut fervir de conjecture.

L'air fpirituel eft dans les hommes, ce que la regularité des traits eft dans les femmes; c'est le genre de beauté où les plus vains puiffent afpirer.

*Un homme qui a beaucoup de mérite & d'efprit, & qui eft connu pour tel, n'eft pas laid, même avec des traits qui font dif formes; ou s'il a de la laideur, elle ne fait pas fon impreffion.

* Combien d'art pour rentrer dans la nature; combien de temps, de regles, d'attention & de travail pour danfer avec la même liberté & la même grace que l'on fçait marcher, pour chanter comme on parle, parler & s'exprimer comme l'on penfe, jetter autant de force, de vivacité, de paffion & de perfuafion dans un difcours étudié & que l'on prononce dans le public, qu'on en a quelquefois naturellement & fans preparation dans les entretiens les plus familiers.

*Ceux qui fans nous connoître affez, penfent mal de nous, ne nous font pas de tort; ce n'eft pas nous qu'ils attaquent,

c'est

c'eft le fantôme de leur imagination.

* Il y a de petites regles, des devoirs, des bienfeances attachées aux lieux, aux temps, aux perfonnes, qui ne fe devinent point à force d'efprit, & que l'ufage apprend fans nulle peine; juger des hommes par les fautes qui leur échapent en ce genre, avant qu'ils foient affez inftruits, c'eft en juger par leurs ongles, ou par la pointe de leurs cheveux; c'est vouloir un jour étre détrompé.

Je ne fçay s'il eft permis de juger des hommes par une faute qui eft unique: & fi un befoin extrême, où une violente paffion, ou un premier mouvement tirent à confequence.

*Le contraire des bruits qui courent des affaires ou des perfonnes, eft fouvent la verité.

*Sans une grande roideur & une continuelle attention à toutes fes paroles, on eft expofé à dire en moins d'une heure le oüy & le non fur une même chofe, ou fur une même perfonne, déterminé feulement par un efprit de focieté & de commerce, qui entraîne naturellement à ne pas contredire celuy-cy & celuy-la qui en parlent diffe

remment.

* Un homme partial eft expoféà de petites mortifications; car comme il eft également impoffible que ceux qu'il favorife foient toujours heureux ou fages, & que

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ceux contre qui il fe declare foient toûjours en faute ou malheureux, il naist de là qu'il luy arrive fouvent de perdre contenance dans le public, ou par le mauvais fuccés de fes amis, ou par une nouvelle gloire qu'acquierent ceux qu'il n'aime point.

*Un homme fujet à fe laiffer prevenir; s'il ole remplir une dignité ou feculiere ou Ecclefiaftique, eft un aveugle qui veut peindre, un muet qui s'eft chargé d'une harangue, un fourd qui juge d'une fymphonie; foibles images, & qui n'expriment qu'imperfaitement la mifere de la prevention: il faut ajoûter qu'elle eft un mal défefperé, incurable, qui infecte tous ceux qui s'approchent du malade, qui fait deferter les égaux, les inferieurs, les parens, les amis, jufqu'aux medecins; ils font bien éloignez de le guerir, s'ils ne peuvent le faire convenir de fa maladie, ny des remedes, qui feroient d'écouter, de douter, de s'infor mer & de s'éclaircir: les flatteurs, les fourbes, les calomniateurs, ceux qui ne dé lient leur langue que pour le menfonge & l'interêt, font les charlatans en qui il fe confie, & qui luy font avaler tout ce qui leur plait; ce font eux auffi qui l'empoifon nent & qui le tuënt.

La regle de DESCARTES, qui ne veut pas qu'on décide fur les moindres veritez avant qu'elles foient connuës clairement & diftinctement, eft affez belle &

affez

affez jufte, pour devoir s'étendre au jugement que l'on fait des perfonnes.

Rien ne nous vange mieux des mauvais jugemens que les hommes font de nos manieres, que l'indignité & le mauvais caractere de ceux qu'ils approuvent.

Du même fond dont on neglige un homme de merite, l'on fçait encore admirer un fot.

*Un fot eft celuy qui n'a pas même ce qu'il faut d'efprit pour étre fat.

* Un fat eft celuy que les fots croyent un homme de mérite.

*

L'impertinent eft un fat outré, le fat laffe, ennuye, dégoûte, rebute: l'impertinent rebutte, aigrit, irrite, offense; il commence où l'autre finit.

Lefat eft entre l'impertinent & le fot, il eft composé de l'un & de l'autre.

*Les vices partent d'une dépravation du cœur; les défauts, d'un vice de temperament; le ridicule, d'un défaut d'efprit. L'homme ridicule eft celuy qui tant qu'il demeure tel, a les apparences du fot. Le fot ne fe tire jamais du ridicule, c'eft fon caaactere; l'on y entre quelquefois avec de l'efprit, mais l'on en fort.

Une erreur de fait jette un homme fage dans le ridicule.

La fottife eft dans le fot; la fatuité éans le fat, & l'impertinence dans l'impertinent: il femble que le ridicule refide tantôt dans

celuy

celuy qui en effet eft ridicule, & tantôt dans l'imagination de ceux qui croyent voir le ridicule où il n'est point, & ne peut étre.

*La groffiereté, la rufticité, la brutalité peuvent être les vices d'un homme d'efprit.

Le ftupide eft un fot qui ne parle point, en cela plus fupportable que le fot qui parle.

*La méme chofe fouvent eft dans la bouche d'un homme d'efprit, une naïveté ou un bon mot; & dans celle du fot, une fottife.

*Si le fat pouvoit craindre de mal parler, il fortiroit de fon caractere.

* L'une des marques de la mediocrité de l'efprit, eft de toûjours conter.

*Le fot eft embaraffé de fa perfonne; le fat a l'air libre & affuré; l'impertinent paffe à l'effronterie: le mérite a de la pudeur.

*Le fuffifant eft celuy en qui la pratique de certains détails que l'on honore du nom d'affaires, fe trouve jointe à une tres-grande mediocrité d'efprit.

Un grain d'efprit & une once d'affaires plus qu'il n'en entre dans la composition du fuffifant, font l'important.

Pendant qu'on ne fait que rire de l'important, iln'a pas un autre nom, dés qu'on 'en plaint, c'eft l'arrogant.

* L'hon.

A

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