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fouvent d'un vice par un autre vice; ils ont des paffions contraires, & des foibles qui fe contredifent: il leur coûte moins de joindre les extremitez, que d'avoir une conduite dont une partie naiffe de l'autre; ennemis de la moderation, ils outrent toutes chofes, les bonnes & les mauvaises, dont ne pouvant enfuite fupporter l'excés, ils Padouciffent par le changement. Adrafte étoit fi corrompu & fi libertin, qu'il lui a été moins difficile de fuivre la mode, & fe faire devot; il lui eût coûté davantage d'étre homme de bien.

* D'où vient que les mémes hommes qui ont un flegme tout prét pour recevoir indifferemment les plus grands defaftres, s'échapent, & ont une bile intariffable fur les plus petits inconveniens; ce n'eft pas fageffe en eux qu'une telle conduite, car la vertu eft égale & ne fe dément point; c'eft donc un vice, & quel autre que la vanité qui ne fe réveille & ne fe recherche que dans les évenemens, où il ya de quoy fai re parler le monde, & beaucoup à gagner pour elle; mais qui fe neglige fur tout le refte.

* L'on fe repent rarement de parler peu, tres-fouvent de trop parler; maxime ufée & triviale que tout le monde ne pratique pas.

*C'eft fe vanger contre foy-même, & donner un trop grand avantage à fes enne

mis, que de leur imputer des chofes qui ne font pas vrayes, & de mentir pour les

décrier.

*Si l'homme fçavoit rougir de foy, quels crimes non feulement cachez, mais publics & connus ne s'épargneroit-il pas?

* Si certains hommes ne vont pas dans le bien jufques où ils pourroient aller c'eft par le vice de leur premiere inftru

Etion

Il y a dans quelques hommes une certaine mediocrité d'efprit qui contribuë àles rendre fages.

*Il faut aux enfans les verges & la ferule; il faut aux hommes faits une couronne, un fceptre, un mortier, des fourrures, des faifceaux, des timbales, des hoquetons. La raifon & la juftice dénuées de tous leurs ornemens ny ne perfuadent ny n'intimident: l'homme qui eft efprit fe mene par les yeux & les oreilles.

*Timon ou le mifantrope peut avoir Pame auftere & farouche, mais exterieurement il eft civil & ceremonieux; il ne s'échappe pas, il ne s'apprivoife pas avec les hommes, au contraire il les traite honné tement & ferieufement, il employe à leur égard tout ce qui peut loigner leur fami liarité, il ne veut pas les mieux connoître ny s'en faire des amis, femblable en ce fens à une femme qui eft en vifite chez une au

tre femme.

*La

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La raifon tient de la verité: elle eft une; l'on n'y arrive que par un chemin, & l'on s'en écarte par mille; l'étude de la fageffe a moins d'étendue que celle que l'on feroit des fots & des impertinens: celui qui n'a vû que des hommes polis & raifonnables, ou ne connoît pas l'homme, ou ne le connoit qu'à demy; quelque diverfité qui fe trouve dans les complexions ou dans les moeurs, le commerce du monde & la politeffe donnent les mêmes apparences, font qu'on fe reffemble les uns aux autres par des dehors qui plaifent reciproquement, qui femblent communs à tous, & qui font croire qu'il n'y a rien ailleurs qui ne s'y rapporte: celui au contraire qui fe jette dans le peuple ou dans la province, y fait bien-tôt, s'il a des yeux, d'étranges découvertes, y voit des chofes qui lui font nouvelles, dont il ne fe doutoit pas, dont il ne pou-: voit avoir le moindre foupçon; il avan-: ce par des experiences continuelles dans la connoiffance de l'humanité, il calcule prefque en combien de manieres differentes l'homme peut étre infupportable.

* Aprés avoir meurement approfondi les hommes, & connu le faux de leurs penfées, de leurs fentimens, de leurs goûts & de leurs affections, l'on eft reduit à dire, qu'il y a moins à perdre pour

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eux par l'inconftance que par l'opiniâtre

té.

&

*Combien d'ames foibles, molles & indifferentes, fans de grands défauts qui puiffent fournir à la fatyre. Combien de fortes de ridicules répandus parmi les hommes; mais qui par leur fingularité ne tirent point à confequence, & ne font d'aucune reffource pour l'inftruction & pour la morale: ce font des vices uniques qui ne font pas contagieux, & qui font moins de l'humanité que de la perfon

ne.

DES JUGEMENS.

RIEN ne reffemble mieux à la vive perfuafion que le mauvais entêtement de là les partis, les cabales, les he

refies.

* L'on ne pense pas toûjours conftamment d'un même fujet : l'entêtement & le dégoût fe fuivent de prés.

*Les grandes chofes étonnent, & les petites rebutent; nous nous apprivoifons avec les unes & les autres par l'habitude.

* Deux chofes toutes contraires nous previennent également, l'habitude & la nouveauté.

*Il n'y a rien de plus bas, & quiconvienne mieux au peuple, que de parler en Tom. II.

F

des

des termes magnifiques de ceux mêmes dont l'on penfoit très-modeftement avant leur élevation.

*La faveur des Princes n'exclud pas le mérite, & ne le fuppofe pas auffi.

*Il eft étonnant qu'avec tout l'orgueil dont nous fommes gonflez, & la haute opinion que nous avons de nous-mêmes & de la bonté de nôtre jugement, nous negligions de nous en fervir pour prononcer fur le mérite des autres: la vogue, la faveur populaire, celle du Prince nous entraînent comme un torrent : nous loüons ce qui eft loué, bien plus que ce qui est loüable.

*Je ne fçay s'il y a rien au monde qui coûte davantage à approuver & à louer, que ce qui eft plus digne d'approbation & de loüange, & fi la vertu, le mérite, la beauté, les bonnes actions, les beaux ouvrages ont un effet plus naturel & plus für que l'envie, la jaloufie & l'antipathie. Ce •Faux de n'eft pas d'un Saint dont un devot * fçait

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dire du bien, mais d'un autre devot: fiune. belle femme approuve la beauté d'une au- . tre femme, on peut conclure qu'elle a mieux, que ce qu'elle approuve : fi un Poëte loue les vers d'un autre Poëte, ily a à parier qu'ils font mauvais & fans confequence.

*Les hommes ne fe goûtent qu'à peine les uns les autres, n'ont qu'une foible

pen

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