Page images
PDF
EPUB

De Mau

du jeu, de la focieté; celuy qui aime le tra
vail a affez de foi-même.

*La plupart des hommes employent
la premiere partie de leur vie à rendre l'au-
tre miferable.

* Il y a des ouvrages qui commencent par A & finiffent par Zlebon, le mauvais, le pire, tout y entre, rien en un certain genre n'eft oublié; quelle recherche, quelle affectation dans ces ouvrages! On Les appelle des jeux d'efprit.. De même il ya un jeu dans la conduite; on a commencé, il faut finir, on veut fournir toute la carriere il feroit mieux ou de changer ou de fufpendre, mais il eft plus rare & plus difficile de pourfuivre, on pourfuit, on s'anime par les contradictions, la vanité foûtient, fupplée à la raifon qui cede & qui fe defifte; on porte ce raffinement jufques dans les actions les plus vertueufes, dans celles mêmes où il entre de la Religion.

Il n'y a que nos devoirs qui nous coûtent; parce que leur pratique ne regardant que les chofes que nous fommes étroitement obligez de faire, elle n'eft pas suivie de grands éloges, qui eft tout ce qui nous excite aux actions louables, & qui nous foûtient dans nos entreprises. N**

aime une pieté faftueufe qui lui attire foi Cure Pintendance des befoins des pauvres, le desinvali-rend dépofitaire de leur patrimone, &

des.

[ocr errors]

fait de fa maifon un depoft public où se font les diftributions; les gens à petits collets, & les faurs grifes y ont une libre entrée, toute une ville voit fes aumônes, & les publie qui pourroit douter qu'il foit homme de bien, fi ce n'eft peut-être fes creanciers?

*Geronte meurt de caducité, & fans avoir fait ce teftament qu'il projettoit depuis trente années; dix têtes viennent ab inteftat partager fa fucceffion: il ne vivoit de puis long-temps que par les foins d'A ferie fa femme, qui jeune encore s'étoit devouée à fa perfonne, ne le perdoit pas de vûë, fecouroit fa vieilleffe, & lui a en fin fermé les yeux. Il ne lui laiffe pas affez de bien pour pouvoir fe paffer pour vivre d'un autre vieillard.

*Laiffer perdre charges & benefices plûtôt que de vendre ou de refigner méme dans fon extrême vieilleffe, c'eft fe perfuader qu'on n'eft pas du nombre de ceux qui meurent; ou fi l'on croit que l'on peut mourir, c'eft s'aimer foi-même & n'aimer que foi.

*Faufte eft un diffolu, un prodi gue, un libertin, uningrat, un empor té, qu'Aurele fononcle n'a pû hair nides, heriter.

Frontin neveu d'Aurele aprés vingt an nées d'une probité connue, & d'une complaisance aveugle pour ce vieillard, ne l'a

pû fléchir en fa faveur; & ne tire de fa dépouille qu'une legere penfion que Faufte unique legataire lui doit payer.

* Les haines font fi longues & fi opiniatrées que le plus grand figne de mort dans un homme malade, c'eft la reconciliation.

*L'on s'infinue auprés de tous les hommes, ou en les flattant dans les palfions qui occupent leur ame, ou en compatiffant aux infirmitez qui affligent leur corps; en cela feul confiftent les foins que l'on peut leur rendre de là vient que celui qui fe porte bien, & qui defire peu de chofes, eft moins facile à gouver* La moleffe & la volupté naiffent a vec l'homme, & ne finiffent qu'avec lui; ny les heureux, ny les trifles évenemens ne l'en peuvent feparer: c'eft pour lui ou le fruit de la bonne fortune, ou un dedommagement de la mauvaise.

ner.

[ocr errors]

C'eft une grande difformité dans la nature qu'un vieillard amoureux.

[ocr errors]

Peu de gens fe fouviennent d'avoir été jeunes, & combien il leur étoit difficile d'être chaftes & temperans; la premiere chofe qui arrive aux hommes aprés avoir renoncé aux plaifirs, ou ou par par bienTeance, ou par laffitude, ou par regime, c'eft de les condamner dans les autres: entre dans cette conduite une forte d'atta

[ocr errors]

chc

2

chement pour les chofes mêmes que l'on vient de quitter; l'on aimeroit qu'un bien qui n'eft plus pour nous, ne fût plus auffi pour le refte du monde : c'eft un fentiment de jaloufie.

*Ce n'eft pas le befoin d'argent où les vieillards peuvent apprehender de tomber un jour, qui les rend avares; car il y en a de tels qui ont de fi grands fonds, qu'ils ne peuvent gueres avoir cette inquietude ; & d'ailleurs comment pourroient-ils craindre de manquer dans leur caducité des commoditez de la vie, puis qu'ils s'en privent eux-mêmes volontairement pour fatisfaire à leur avarice: ce n'eft point auffi l'envie de laiffer de plus grandes richeffes à leurs enfans, car il n'eft pas naturel d'ai mer quelque autre chofe plus que foy-même, outre qu'il fe trouve des avares qui n'ont point d'heritiers. Ce vice eft plûtôt l'effet de l'âge & de la complexion des vieillards, qui s'y abandonnent auffi naturellement, qu'ils fuivoient leurs plaifirs dans leur jeuneffe, ou leur ambition dans l'âge viril; il ne faut ny vigueur, ny jeuneffe, ny fanté pour étre avare; l'on n'a auffi nul befoin de s'empreffer, ou de fe donner le moindre mouvement pour épargner fes revenus; il faut laiffer feulement fon bien dans fes coffres & fe priver de tout; cela eft commode aux vieillards à qui il faut une paffion, parce qu'ils font hommes. E 3 * II

*Il y a des gens qui font mal logez mal couchez, mal habillez & plus mal nourris; quieffuyent les rigueurs des faifons, qui fe privent eux-mêmes de la focieté des hommes, & paffent leurs jours dans la folitude, qui fouffrent du prefent, du paffé, & de l'avenir, dont la vie eft comme une penitence continuelle; & qui ont ainfi trouvé le fecret d'aller à leur perte par le chemin le plus penible: ce font les

avares.

* Le fouvenir de la jeuneffe eft tendre dans les vieillards; ils aiment les lieux où ils l'ont paffée, les perfonnes qu'ils ont commencé de connoitre dans ce temps leur font cheres; ils affectent quelques mots du premier langage qu'ils ont parlé, ils tiennent pour l'ancienne maniere de chanter, & pour la vieille danfe; ils vantent les modes qui regnoient alors dans les habits, les meubles & les équipages; ils ne peuvent encore defapprouver des chofes qui fervoient à leurs paffions, qui étoient fi utiles à leurs plaifirs, & qui en rappellent la memoire: comment pourroient ils leur préferer de nouveaux ufages, & des modes toutes recentes, où ils n'ont nulle part, dont il n'efperent rien, que les jeunes gens ont faites, & dont ils tirent à leur tour de fi grands avantages contre la vieilleffe?

* Une trop grande negligence, comme une exceffive parure dans les vieillards

mul.

« PreviousContinue »