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ont été les témoins, ou qui habitent les campagnes et savent ce que c'est qu'un maire.

Mais la plainte même, qui fait le fond de ce procès, a-t-elle apparence de sens? et se peut-il qu'un homme, je ne dis plus un maire, mais un homme en âge de raison, hors des faiblesses de l'enfance, se tienne offensé pour un mot (car j'accorde, je veux que je l'aie dit ce mot), pour un mot, tout au plus grossier, qui n'attaque ni l'honneur ni la réputation, ni la probité ni les mœurs de celui auquel il s'adresse, et ne peut faire tort qu'à celui qui le prononce? que, pour ce mot, il veuille poursuivre, exterminer un pauvre domestique, qu'il fatigue les juges, entasse des écritures, amène des témoins, remue des gens en place, abuse des actes publics, afin d'obtenir, quoi? que ce malheureux, ruiné, malade, diffamé après six mois de chagrins, d'angoisses, languisse un mois dans les prisons.

Un mois, Messieurs! Avant de confirmer cet arrêt, vous y penserez, je l'espère. Qu'un soldat l'eût dit à son chef, ce mot dont se plaint M. de Beaune, on eût mis peut-être ce soldat en prison deux jours; et pour le même mot, du paysan au maire, vous ordonnerez un mois, non de la même peine. Le soldat, deux jours en prison, y voit des soldats comme lui, en sort sans déshonneur et n'a point de famille dont le sort l'inquiète. Moi, je serais un mois avec des malfaiteurs (on le croira du moins), laissant ma maison désolée et mes enfans à l'abandon; je les rejoindrais couvert de

honte! Quelle différence, Messieurs! Est-ce à vous, juges, d'établir cette différence en faveur de l'homme armé ? La loi civile est-elle plus dure que la discipline des camps?

Mais non, Messieurs, non, je n'ai point ou⚫ tragé M. le maire. Même, selon sa déclaration, je ne lui ai rien dit où l'on puisse trouver une injure. Qu'il amasse des preuves, qu'il produise, à l'appui de son procès-verbal, ses fermiers pour témoins, ses débiteurs, ses gens; je ne l'ai point outragé. Je l'eusse outragé en l'appelant menteur, faussaire, parjure, lâche persécuteur du faible; et j'outragerais qui que ce soit en lui reprochant la moitié de ce que m'a fait M. de Beaune. Mais le mot dont il m'accuse n'est un outrage pour personne. Avec lui, n'user que de ce mot, c'eût été le ménager, c'eût été de ma part une rare prudence; et pourtant, ce mot même, il est vrai que je ne l'ai pas dit.

Ne craignez point d'ailleurs, Messieurs, si vous me renvoyez absous, que l'autorité de M. le maire en soit affaiblie, qu'on le respecte moins pour cela, qu'on ait moins peur de l'offenser. Il n'y a personne dans le pays que mon exemple n'épouvante, et qui ne tremble de gagner un pareil pro. cès. Je n'ai eu, six mois durant, de repos ni jour ni nuit. Je paie des frais énormes, et perds mon travail d'un an. Une coupe de bois, dans laquelle j'ai quelque intérêt, à peine en ai-je pu faire le quart. N'en doutez point, quoi qu'il arrive, quelque arrêt que vous prononciez, je serai toujours

assez puni d'avoir fâché M. de Beaune, et, de longtemps, ceux qui le servent ne lui demanderont en justice leur salaire, s'ils veulent habiter la commune de Véretz.

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LETTRE EN RÉPONSE A UN ARTICLE DU DRAPEAUINSÉRÉ DANS LE N° DU 14 MAI 1822.

BLANC,

Au réda teur du Drapeau-Blanc.

MONSIEUR,

Je lis dans votre journal qu'aux élections de Chinon, M. le marquis d'Effiat a obtenu deux cent vingt voix, et que son concurrent (c'est moi sans vanité que vous nommez ainsi ) en a eu cent soixante. Cela peut être vrai, je ne le conteste point; j'aime mieux m'en rapporter, comme vous avez fait, aux scrutateurs choisis par M. le márquis: mais, de grâce, corrigez cette façon de par

ler. Je ne fus concurrent de personne à Chinon, n'ayant nnlle part concouru, que je sache, avec qui que ce soit ; je n'ai demandé ni souhaité d'être député, non que je ne tinsse à grand honneur d'être vraiment élu, comme dit Benjamin-Constant; mais diverses raisons me le faisaient plutôt craindre que désirer: les périls de la tribune, l'appréhension fondée de mal remplir l'attente de ceux qui me croyaient capable de quelque chose pour le bien général, plus que tout, l'embarras d'être d'une assemblée où je n'aurais pu me taire en beaucoup d'occasions sans trahir mon mandat, ni parler sans risquer d'outrepasser la mesure de ce qui s'y peut dire : vous m'entendez assez. Pour M. le marquis, de tels inconvéniens n'étaient point à redouter. Il sera dispensé de parler, et peut opiner du bonnet, chose qui ne m'eût pas été permise. Il n'aura qu'à recueillir les fruits de sa nomination; c'est pour lui une bonne affaire; aussi s'en était-il occupé de longue main avec l'attention et le soin que méritait la chose. Il a heureusement réussi; aidé de toute la puissance du gouvernement, de son pouvoir comme maire du lieu, de son influence comme président, de sa fortune considérable; tandis que moi, son concurrent, pour user de ce mot avec vous, moi, laboureur, je n'ai bougé de ma charrue.

Quelques personnes, dont l'estime ne m'est nullement indifférente, m'ont blâme de cette tranquillité. On n'exigeait pas de moi de tenir table ouverte comme un riche marquis, de loger, dé

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