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j'ai promis de le traduire, et de l'abréger surtout, afin qu'on puisse le lire.

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Voilà l'objet de la brochure. Elle est écrite contre l'élan, et on ne saurait s'y méprendre. Puis il y a des accessoires, des diatribes contre les rois, les prêtres et les nobles.

Il est vrai que l'auteur ne parle pas des prêtres, ou n'en dit qu'un seul mot bien simple, et que partout il loue les princes. Mais ce sont des parachutes. Il ne pense pas ce qu'il dit des princes, et pense ce qu'il ne dit pas des prêtres.

Deux remarques ensuite: 1o L'auteur ne s'afflige point de la mort du duc de Berry, ne se réjouit point de la naissance du duc de Bordeaux. Il n'a pas dit un mot de mort ni de naissance. Il n'y a ni allégresse ni désolation dans sa brochure. 2o L'auteur parle du jeune prince comme d'un enfant à la mamelle. Il dit le maillot, simplement, sans dire l'auguste maillot; la bavette, et non pas la royale bavette. Il dit, chose horrible, de ce prince, qu'un jour son métier sera de régner.

Après s'être étendu beaucoup sur tous ces points, maître de Broë déclare enfin qu'il ne s'agit pas de tout cela. Ce n'est pas là-dessus que porte l'accusation, dit-il. On n'attaque pas le fond de la brochure, ni même les accessoires dont nous venons de parler, mais des propositions incidentes seulement. Là-dessus il s'écrie: Voilà le terrain fixé.

Puis il entame un autre exorde.

Dans les affaires de cette nature, on n'examine

que les passages déterminés suivant la loi par l'acte même d'accusation. Or, il y en a quatre ici.

La loi est fort insuffisante. Les écrivains sont si `adroits, qu'ils échappent souvent au procureur du roi. Il faut leur appliquer, d'une manière frappante, la loi (style de Broë ). La liberté d'écrire jouit de tous ses droits; elle est libre ( Broë tout pur), bien qu'elle aille en prison quelquefois. Elle enjambe sur la licence (Broë! Broë!) par l'excessive indulgence des magistrats.

On avait d'abord essayé, dans le premier réquisitoire, d'accuser l'auteur de cet écrit d'offense à la personne du roi. On y a renoncé par réflexion.

Vient enfin l'examen des passages inculpés, dont le premier est celui-ci :

«

. Car la cour donne tout au prince, comme les prêtres tout à Dieu, et ces domaines, ces apana«< ges, ces listes civiles, ces budgets, ne sont guère « autrement pour le roi que le revenu des abbayes

«

«

n'est pour Jésus-Christ. Achetez, donnez Cham

bord, c'est la cour qui le mangera, le prince n'en « sera ni pis ni mieux. »

Les prètres tout à Dieu ! Ah! oui, demandez aux pauvres. Tirade d'éloquence. Les abbayes! Oh! non. Il n'y a plus d'abbaye. Tirade du haut style sur la révolution. De morale, pas un mot, ni des phrases inculpées.

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Le second passage est celui-ci :

« Mais à Chambord, qu'apprendra-t-il ? Ce que peuvent enseigner et Chambord et la cour. Là, « tout est plein de ses aïeux. Pour cela précisément

«

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je ne l'y trouve pas bien; et j'aimerais mieux qu'il vécût avec nous qu'avec ses ancêtres.... »

Maître de Broë n'examine point non plus ce passage, ni ce qu'il peut avoir de contraire à la morale. Il le cite et le laisse là, sans autrement s'en occuper. Mais, dit-il, ensuite de ces phrases, il y en a d'autres horribles. Il ne les lira pas, parce qu'il n'en est point parlé dans l'acte d'accusation. Cependant elles sont horribles. Beau mouvement d'éloquence à propos de ces phrases, dont il n'est pas question et qu'on n'accuse pas. L'auteur, dit maître Jean, représente nos rois, ou du moins quelques-uns, comme ayant mal vécu et donné en leur temps de fort mauvais exemples. Il les peint corrompus, dissolus, pleins de vices, et condamne leurs déportemens sans avoir égard aux convenances. Les tableaux qu'il en fait (non de sa fantaisie, mais d'après les histoires) sont scandaleux d'abord, et en outre immoraux, licencieux, deshonnêtes. Le scandale abonde de nos jours, et la brochure y ajoute encore, mettant les vieux scandales à côté des nouveaux. Chapitre le plus long de tous et le meilleur par conséquent, sur la différence qu'il y a de l'historien au pampblétaire, qu'il appelle aussi libelliste. L'un peut dire la vérité, parce qu'il fait de gros volumes qu'on ne lit pas. L'autre ne doit pas dire vrai, parce qu'on le lit en petit volume. L'auteur de la brochure va vous conter qu'il a copié les historiens, mensonge, mes‐ sieurs, mensonge odieux, aussi dangereux que coupable. Car l'histoire n'est pas toute dans sa brochure. Il devait copier tout ou rien. Il montre le laid, cache

le beau. Louis eut des bâtards, mensonge. Car ce n'est pas le beau de son histoire. Il y avait bien d'autres choses à vous dire de Louis-le-Grand. Ne les pas dire toutes, selon maître de Broë, c'est mentir, et de plus insulter la nation. Qui ne sent, dit-il, qui ne sent.....? Il croit que tout le monde sent cela. Vengez, messieurs, vengez la nation, la morale.

Outre les historiens, Paul-Louis cite les Pères et les prédicateurs, morts il y a long-temps. Maitre de Broë lui répond par une autorité vivante; c'est celle de monseigneur le garde-des-sceaux actuel, dont il rapporte (en s'inclinant ) les propres paroles extraites d'un de ses discours, page 40, sans songer que peut-être ailleurs monseigneur a dit le contraire.

Et puis l'Écriture et les Pères et les sermons de Massillon appartiennent aux honnêtes gens. Les écrivains ne doivent pas s'en servir pour se justifier. Développement de cette proposition appliquée à l'auteur d'un roman condamné, qui osa dernièrement alléguer l'Evangile.

Nota que cet épisode sur les horribles phrases dont on ne parle pas occupe deux colonnes entières du Moniteur.

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Troisième passage.

« Sachez qu'il n'y a pas en France une seule famille noble, mais je dis noble de race et d'antique « origine, qui ne doive sa fortune aux femmes ; vous m'entendez. Les femmes ont fait les grandes mai« sons; ce n'est pas, comme vous croyez bien, en « cousant les chemises de leurs époux, ni en allai<< tant leurs enfans. Ce que nous appelons, nous

«

«

«

«

« autres, honnête femme, mère de famille, à quoi << nous attachons tant de prix, trésor pour nous « serait la ruine du courtisan. Que voudriez-vous qu'il fit d'une dame honesta, sans amant, sans intrigue, qui, sous prétexte de vertu, claquemurée dans son ménage, s'attacherait à son mari? Le « pauvre homme verrait pleuvoir les graces autour « de lui, et n'attraperait jamais rien. De la fortune << des familles nobles, il en paraît bien d'autres « causes, telles que le pillage, les concussions, l'assassinat, les proscriptions, et surtout les confis«cations. Mais qu'on y regarde, et on verra qu'au«cun de ces moyens n'eût pu être mis en œuvre sans la faveur d'un grand, obtenue par quelque femme; car, pour piller, il faut avoir commande«< mens, gouvernemens, qui ne s'obtiennent que par << les femmes ; et ce n'était pas tout d'assassiner Jacques Coeur ou le maréchal d'Ancre, il fallait, « pour avoir leurs biens, le bon plaisir, l'agrément « du roi, c'est-à-dire des femmes qui gouvernaient << alors le roi ou son ministre. Les dépouilles des huguenots, des frondeurs, des traitans, autres faveurs, bienfaits qui coulaient, se répandaient « par les mêmes canaux aussi purs que la source. Bref, comme il n'est, ne fut, ni ne sera jamais, « pour nous autres vilains, qu'un moyen de fortune, « c'est le travail; pour la noblesse non plus il n'y en « a qu'un, et c'est......., c'est la prostitution, puis་ qu'il faut, mes amis, l'appeler par son nom. »

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«

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«

Quatrième exorde pour fixer encore le terrain.
La Charte fait des nobles qui descendent de leurs

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