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leurs pères et prédécesseurs; qu'à tort et méchamment il a dit le contraire; et en même temps confesser, la hart au cou, la torche au poing, que le passé seul est bon, que le présent ne vaut rien, n’a jamais rien valu, ne vaudra jamais rien; qu'autrefois il y eut d'honnêtes gens et des mœurs; mais qu'aujourd'hui les femmes sont toutes débauchées, les enfans tous fils de coquettes, garnemens tous nos jeunes gens, et nous marauds à pendre tous, si Bellart faisait son devoir.

Après quoi ledit Paul sera détenu et conduit èsprisons de Paris, pour y apprendre à vivre et faire pénitence, sous la garde d'un geòlier gentilhomme de nom et d'armes, qui répondra de sa personne aussi long-temps qu'il conviendra pour l'entière satisfaction desdits courtisans, gens de cour, flatteurs, flagorneurs, flagornant partout le royaume, etc., etc.

Voilà, mes chers amis, en quelle extrémité se trouve réduit le bonhomme Paul, que nous avons vu faire tant et de si bons fagots dans son bois de Larçai, taut de beau sainfoin dans son champ de la Chavonnière; sage s'il n'eût fait autre chose! On l'avait maintes fois averti que sa langue lui attirerait quelque méchante affaire; mais il n'en a tenu compte, Dieu sans doute le voulant châtier, afin d'instruire ses pareils, qui ne se peuvent empêcher de crier quand on les écorche. Le voilà mis en jugement et condamné, ou autant vaut. Car vous savez tous comme il est chanceux en procès. Chaque fois qu'on le volait ici, c'était lui qui payait l'amende.

Et, de fait, se peut-il autrement? Il ne va pas même voir les juges! Prions Dieu pour lui, mes amis, et que son exemple nous apprenne à ne jamais dire ce que nous pensons des gens qui vivent à nos dépens.

PROCÈS

DE

PAUL-LOUIS COURIER.

(1821.)

ASSEZ de gens connaissent la brochure intitulée : Simple Discours. Lorsqu'elle parut, on la lut; et déjà on n'y pensait plus, quand le gouvernement s'avisa de réveiller l'attention publique sur cette bagatelle cubliée, en persécutant son auteur qui vivait aux champs, loin de Paris. Le pauvre homme, étant à labourer un jour, reçut un long papier, signé Jacquinot Pampelune, dans lequel on l'accusait d'avoir offensé la morale publique, en disant que la cour autrefois ne vivait pas exemplairement; d'avoir en même temps offensé la personne du roi, et, de ce non content, provoqué à offenser ladite personne. A raison de quoi Jacquinot proposait de le mettre en prison et l'y retenir douze années, savoir: deux ans pour la morale, cinq ans pour la personne du roi, et cinq pour la provocation. Si jamais

homme tomba des nues, ce fut Paul-Louis, à la lecture de ce papier timbré. Il quitte ses bœufs, sa charrue, et s'en vient courant à Paris, où il trouva tous ses amis non moins surpris de la colère de ce monsieur de Pampelune, et en grand émoi la plupart. Il n'alla point voir Jacquinot, comme lui conseillaient quelques-uns, ni le substitut de Jacquinot, qu'on lui recommandait de voir aussi, ni le président, ni les juges, ni leurs suppléans, ni leurs clercs, non qu'il ne les crût honnêtes gens et de fort bonne compagnie, mais c'est qu'il n'avait point envie de nouvelles connaissances. Il se tint coi; il attendit, et bientôt il sut que Jacquinot, ayant dû premièrement faire approuver son accusation par un tribunal, ne sais quel, les juges lui avaient rayé l'offense à la personne du roi et la provocation d'offense. C'était le meilleur et le plus beau de son papier réquisitoire; chose fâcheuse pour Pampelune; bonne affaire pour Paul-Louis, qui en eut la joie qu'on peut croire, se voyant acquitté par-là de dix ans de prison sur douze, et néanmoins, encore inquiet de ces deux qui restaient, se fût accommodé à un an avec Jacquinot, pour n'en entendre plus parler, s'il n'eût trouvé Me Berville, jeune avocat déjà célèbre, qui lui défendit de transiger, se faisant fort de le tirer de là. Votre cause, lui disait-il, est imperdable de tout point; il n'y en eut jamais de pareille, et je défie M. Régley de faire un jury qui vous condamne. Où M. Régley trouvera-t-il douze individus qui déclarent que vous offensez la morale en copiant les prédicateurs? que vous corrc mpez les mœurs publi

ques en blâmant les mœurs corrompues et la dépravation des cours? Régley n'aura jamais douze hommes qui fassent cette déclaration, qui se chargent de cet opprobre. Allez, bonhomme, laissez-moi faire, et, si l'on vous condamne, je me mets en prison pour

vous.

Paul-Louis toutefois doutait un peu. Maître Berville, se disait-il, est dans l'âge où l'on s'imagine que le bon sens et l'équité ont quelque part aux affaires du monde, où l'on ne saurait croire encore

Les hommes assez vils, scélérats et pervers,

Pour faire une injustice aux yeux de l'univers (1).

Or, comme dans cette opinion qu'il a du monde en général, il se trompe visiblement, il pourrait bien se tromper aussi dans son opinion sur le cas particulier dont il s'agit. Ainsi raisonnait Paul-Louis ; et cependant écoutait le jeune homme bien disant, auquel à la fin il s'en remet, lui confiant sa cause imperdable. Il la perdit, comme on va le voir; il fut condamné tout d'une voix, déclaré coupable du fait et des circonstances par les jurés, choisis, triés, tous gens de bien, propriétaires, ayant, diton, pignon sur rue, et de probité non suspecte. Mais, par la clémence des juges, il n'a que pour deux mois de prison cela est un peu différent des douze ans de maître Jacquinot, qui, à ce que l'on dit, en est piqué au vif, et promet de s'en venger

(1) Molière.

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