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AUX AMES DÉVOTES

DE LA PAROISSE DE VÉRETZ,

DÉPARTEMEnt d'indre-ET-LOIRE.

(1821.)

ON recommande à vos prières le nommé Paul-. Louis, vigneron de la Chavonnière, bien connu dans cette paroisse. Le pauvre homme est en grande peine, ayant eu le malheur d'irriter contre lui tout ce qui s'appelle, en France, courtisans, serviteurs, flatteurs, adulateurs, complaisans, flagorneurs et autres gens vivant de bassesses et d'intrigues, lesquels sont au nombre, dit-ou, de quatre ou cinq cent milk, tous enrégimentés sous diverses enseignes et déterminés à lui faire un mauvais parti; car ils l'ac-. cusent l'avoir dit, en taillant sa vigne:

Qu'eu, gens de cour, sont à nous autres, gens de travail d'industrie, cause de tous maux ;

Qu'ils nus dépouillent, nous dévorent au nom du roi, qui 'en peut mais (1);,

(1) Voyez la på 153.

Que les sauterelles, la grêle, les chenilles, le charençon ne nous pillent pas tous les ans, au lieu que lesdits courtisans des hautes classes s'abattent sur nous chaque année, au temps du budget, enlèvent du produit de nos champs le plus clair, le plus net, le meilleur et le plus beau, dont bien fàche audit seigneur roi, qui n'y peut apporter remède (1);

Que tous ces impôts, qu'on lève sur nous en tant de façons, vont dans leur poche et non pas dans celle du roi (2) ; étant par eux seuls inventés, accrus, multipliés chaque jour à leur profit comme au dommage du roi non moins que des sujets (3);

Que lesdits courtisans veulent manger Chambord et le royaume et nous, et le peuple et le roi devant lequel ils se prosternent, se disant dévoués à sa personne (4);

Que les princes sont bons, charitables, humains, secourables à tous et bien intentionnés (5), mais qu'ils vivent entourés d'une mauvaise valetaille (6) qui les sépare de nous, et travaille sans cesse à

corrompre eux et nous;

Que c'est là un grand mal, et que, pour y remiédier, il serait bon d'élever les princes au collège, loin desdits courtisans (7), comme on voit à Paris le

(1) Voyez page 158. (2) Même page.

(3) Même page.

(4) Même page.
(5) Voyez page 162.

(6) Voyez pages 164 et suiv.

(7) Voyez page 156.

jeune duc de Chartres, enfant qui promet d'être quelque jour un homme de bien, et dont on espère beaucoup;

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Que par ce moyen lesdits princes, instruits à l'égal de leurs sujets, élevés au milieu d'eux, parlant la même langue, s'entendraient avec eux contre lesdites gens de cour, et peut-être parviendraient à délivrer le monde de cette engeance perverse, détestable, maudite;

Qu'ainsi, on ne verrait plus ni Saint-Barthélemy, ni frondes, ni dragonnades, ni révolutions, contrerévolutions (1), qui, après force coups et grand massacre de gens, tournent toutes au profit de la susdite valetaille;

Qu'un tel amendement aux choses de ce monde, bien loin d'être impossible (2), comme quelques-uns le croient, se fait quasi de soi, sans qu'on y prenne garde; que le temps d'à présent vaut mieux que le passé ; que princes et sujets sont meilleurs qu'autrefois (3); qu'il y a parmi nous moins de vice, plus de vertu ; ce qui tend à insinuer calomnieusement, contre toute vérité, que même les courtisans, exerçant près des rois l'art de la flagornerie, sont maintenant moins vils, moins lâches, moins dévoués, moins fidèles au trésor que ne furent leurs devanciers.

Et pour conclusion, que les princes, nés princes

(1) Voyez page 154.

(2) Même page.
(3) Voyez page 157.

sont les seuls bons, aimables, avec qui l'on puisse vivre. Que les autres, connus sous les noms de héros ou princes d'aventure, ne valent rien du tout. Que nous en avons vu (1) montrer une insolence à nulle autre pareille, et que ceux qui les flattaient valaient encore moins, apôtres aujourd'hui de la légitimité, prêts à verser pour elle leur sang, etc.

Lesquelles propositions scandaleuses, impies et révolutionnaires, auraient été par lui recueillies, mises en lumière dans un pamphlet intitulé: Simple Discours, espèce de factum pour les princes contre les courtisans, saisi par la police comme contraire aux pensions, gratifications et dilapidations de la fortune publique; poursuivi par M. le procureur du roi, comme propre à éclairer lesdits princes et rois sur leurs vrais intérêts.

Tels sont les principaux griefs articulés contre Paul-Louis par les syndics du corps de la flagornerie, Siméon, Jacquinot de Pampelune et autres, poursuivant en leur nom, et comme fondés de pouvoir de la corporation.

Et ajoutent, lesdits syndics, aux charges cidessus énoncées, qu'en outre Paul-Louis, voulant porter atteinte à la bonne renommée dont jouissent dans le monde lesdites gens de cour, aurait mal à propos, sans en être prié, conté à tout venant les histoires oubliées de leurs pères et grands-pères, rappelé les aventures de leurs chastes grand' mères, en donnant à entendre que tous chiens chassent de

(1) Voyez page 151.

race, et autres discours pleins de malice et d'imposture.

Et que, par maints propos plus coupables encore, subversifs de tout ordre et de toute morale, comme de toute religion, il aurait essayé de troubler aucunement lesdites gens de cour dans l'antique, légitime et juste possession où ils sont de tous temps, de partager entre eux les revenus publics, le produit des impôts, dont l'objet principal, ainsi que chacun le sait, est d'entretenir la paresse et d'encourager la bassesse de tous les fainéans du royaume.

A raison de quoi ils ont cité et personnellement ajourné ledit Paul-Louis à comparoir devant les assises de Paris, comme ayant offensé la morale publique, en racontant tout haut ce qui se passe chez eux, et la personne du Roi (1) dans celle des courtisans; le tout conformément à l'article connu du titre... de la loi... du code des gens de cour, commençant par ces mots : Qui n'aime pas Cotin, n'cstime point son Roi, etc.

Et doit en conséquence ledit Paul, ci-devant canonnier à cheval, aujourd'hui vigneron, laboureur, bûcheron, etc., etc., comparoir en personne aux assises de Paris, le 27 du présent mois, pour s'ouïr condamner à faire aux courtisans, fainéans, intrigans, réparation publique et amende honorable, déclarant qu'il les tient pour valets aussi bons, aussi bas, aussi vils, aussi rampans que furent oncques

(1) Voyez le réquisitoire sigué Jacquinot Pampelune.

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