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artistes, l'honneur de leur patrie, de riches fabri cans, d'habiles artisans, dont l'industrie chez nous, secondée par la nature, lutte contre les taxes et les encouragemens; une jeunesse passionnée pour tou les genres d'étude et de belles connaissances, instruite, non par ses docteurs, de ce qui importe le plus à l'homme de savoir, et mieux inspirée qu'enseignée sur le véritable devoir: vous n'avez garde, je crois, de mal penser des Français, de mépriser cette nation; la connaissant par là. Mais le comte Decazes, par où nous connaît-il? et que voit-il? la

cour.

Mazarin, étant roi, disait familièrement aux grands qui l'entouraient : « Affe (dans son langage demi-trasteverin ), vous m'aviez bien trompé, signori Francesi, avant que j'eusse l'honneur de vous voir, comme je fais. Que je sois impiso, si je me doutai d'abord de votre caractère. Je vous trouvais un air de fierté, de courage, de générosité. Non, je ne plaisante point; je vous croyais du cœur. Je m'en ꞌ souviens très-bien, quoiqu'il y ait long-temps. » Ceci est dit notable, et vient à mon propos. Jules Mazzarini, arrivant de son pays avec peu d'équipage et petit compagnon, estime les Français, parce qu'il voit la nation: devenu cardinal, ministre, il les méprise, parce qu'il voit la cour, et cependant la cour alors était polie.

ni

Je ne la vois pas, moi; de ma vie je ne l'ai vue, ne la verrai, j'espère, mais j'en ai ouï parler à des gens instruits. Les témoignages s'accordent, et par tous ces rapports, autant que par calcul, méthode

éodésique et trigonométrique, je suis parvenu, monsieur, à connaitre la cour mieux que ceux qui 'en bougent; comme on dit que Danville, n'étant amais sorti, je crois, de son cabinet, connaissait nieux l'Égypte que pas un Égyptien ; et d'abord, je vous dirai, ce qui va vous surprendre et que je pense avoir le premier reconnu : la cour est un lieu bas, fort bas, fort au-dessous du niveau de la nation. Si le contraire paraît, si chaque courtisan se croit, par sa place, et semble élevé plus ou moins, c'est erreur de la vue, ce qu'on nomme proprement illusion optique, aisée à démontrer. Soit A le point où se trouve M. Decazes à cette heure (haut selon l'apparence, comme serait un cerf-volant dont le fil répondrait aux Tuileries, à Londres ou à Vienne, peu importe); B le point le plus bas appelé point de chute, où git M. Benoît avec l'abbé de Pure, entendez bien ceci, car le reste en dépend: le rayon visuel passant d'un milieu rare et pur, celui où nous vivons, dans un milieu plus dense, l'atmosphère fumeuse et chargée de miasmes de la cour, nécessairement il y a réfraction; ce qui paraît dessus est en effet dessous Vous comprenez maintenant; ou, s'il vous demeurait quelque difficulté, consultez les savans, le marquis de Laplace, le chevalier Cuvier; ces gentilshommes, à moins qu'ils n'aient oublié toute leur géométrie, en apprenant le blason et l'étiquette, vous sauront dire de combien de degrés la cour est au-dessous de l'horizon national; et remarquez aussi, tout notre argent y va, tout, jusqu'au moindre sou; jamais n'en revient à nous rien. Je

artistes, l'honneur de leur patrie, de riches fabricans, d'habiles artisans, dont l'industrie chez nous, secondée par la nature, lutte contre les taxes et les encouragemens; une jeunesse passionnée pour tous les genres d'étude et de belles connaissances, instruite, non par ses docteurs, de ce qui importe le plus à l'homme de savoir, et mieux inspirée qu'enseignée sur le véritable devoir: vous n'avez garde, je crois, de mal penser des Français, de mépriser cette nation; la connaissant par là. Mais le comte Decazes, par où nous connait-il? et que voit-il? la

cour.

Mazarin, étant roi, disait familièrement aux grands qui l'entouraient : « Affe (dans son langage demi-trasteverin), vous m'aviez bien trompé, signori Francesi, avant que j'eusse l'honneur de vous voir, comme je fais. Que je sois impiso, si je me doutai d'abord de votre caractère. Je vous trouvais un air de fierté, de courage, de générosité. Non, je ne plaisante point; je vous croyais du cœur. Je m'en souviens très-bien, quoiqu'il y ait long-temps. Ceci est dit notable, et vient à mon propos. Jules Mazzarini, arrivant de son pays avec peu d'équipage et petit compagnon, estime les Français, parce qu'il voit la nation: devenu cardinal, ministre, il les méprise, parce qu'il voit la cour, et cependant la cour alors était polie.

Je ne la vois pas, moi; de ma vie je ne l'ai vue, ni ne la verrai, j'espère, mais j'en ai ouï parler à des gens instruits. Les témoignages s'accordent, et par tous ces rapports, autant que par calcul, méthode

géodésique et trigonométrique, je suis parvenu, monsieur, à connaître la cour mieux que ceux qui n'en bougent; comme on dit que Danville, n'étant jamais sorti, je crois, de son cabinet, connaissait mieux l'Égypte que pas un Égyptien ; et d'abord, je vous dirai, ce qui va vous surprendre et que je pense avoir le premier reconnu : la cour est un lieu bas, fort bas, fort au-dessous du niveau de la nation. Si le contraire paraît, si chaque courtisan se croit, par sa place, et semble élevé plus ou moins, c'est erreur de la vue, ce qu'on nomme proprement illusion optique, aisée à démontrer. Soit A le point où se trouve M. Decazes à cette heure (haut selon l'apparence, comme serait un cerf-volant dont le fil répondrait aux Tuileries, à Londres ou à Vienne, peu importe); B le point le plus bas appelé point de chute, où git M. Benoît avec l'abbé de Pure, entendez bien ceci, car le reste en dépend: le rayon visuel passant d'un milieu rare et pur, celui où nous vivons, dans un milieu plus dense, l'atmosphère fumeuse et chargée de miasmes de la cour, nécessairement il y a réfraction; ce qui paraît dessus est en effet dessous Vous comprenez maintenant; ou, s'il vous demeurait quelque difficulté, consultez les savans, le marquis de Laplace, le chevalier Cuvier; ces gentilshommes, à moins qu'ils n'aient oublié toute leur géométrie, en apprenant le blason et l'étiquette, vous sauront dire de combien de degrés la cour est au-dessous de l'horizon national; et remarquez aussi, tout notre argent y va, tout, jusqu'au moindre sou; jamais n'en revient à nous rien. Je

vous le demande; notre argent, chose pesante de soi, tendante en bas! M. Decazes, quelque adroit et soigneux qu'on le suppose de tirer à soi tout, saurait-il si bien faire qu'il ne lui en échappe entre les doigts quelque peu, qui, par son seul poids, nous reviendrait naturellement si nous étions au-dessous? telle chose jamais n'arrive, jamais n'est arrivée. Tout s'écoule, s'en va toujours de nous à lui: done il y a une pente; donc nous sommes en haut, M. Decazes en bas, conséquence bien claire ; et la cour est un trou, non un sommet, comme il paraît aux yeux du stupide vulgaire.

Ne sait-on pas d'ailleurs que c'est un lieu fangeux, où la vertu respire un air empoisonné, comme dit le poète, et aussi ne demeure guère. Ce qui s'y passe est connu; on y dispute des prix de différentes sortes et valeur dont le total s'élève chaque année à plus de huit cents millions. Voilà de quoi exciter l'émulation sans doute; et l'objet de ces prix anciennement fondés, depuis peu renouvelés, accrus, multipliés par Napoléon-le-Grand, c'est de favoriser et de récompenser avec une royale munificence toute espèce de vice, tout genre de corruption. Il y en a pour le mensonge et toutes ses subdivisions, comme flatterie, fourberie, calomnie, imposture, hypocrisie, et le reste. Il y en a pour la bassesse beaucoup et de fort considérables, non moins pour la sottisé, l'ineptie, l'ignorance; d'autres pour l'adultère et la prostitution, les plus enviés de tous, dont un seul fait souvent la grandeur d'une famille. Mais pour ceux-là, ce sont les femmes qui concou

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