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enfin, ils faisoient à peu près la guerre comme on la fait encore aujourd'hui sur les mêmes frontières.

D'ailleurs, les légions d'Illyrie et de Germanie, qu'on transportoit dans cette guerre, n'y étoient pas propres (1): les soldats, accoutumés à manger beaucoup dans leur pays, y périssoient pres

que tous.

Ainsi, ce qu'aucune nation n'avoit pas encore fait, d'éviter le joug des Romains, celle des Parthes le fit, non pas comme invincible, mais comme inaccessible.

Adrien abandonna les conquêtes de Trajan (2), et borna l'empire à l'Euphrate et il est admirable qu'après tant de guerres, les Romains n'eussent perdu que ce qu'ils avoient voulu quitter comme la mer qui n'est moins étendue que lorsqu'elle se retire d'elle-même.

La conduite d'Adrien causa beaucoup de murmures. On lisoit, dans les livres sacrés des Romains, que lorsque Tar-› quin voulut batir le Capitole, il trouva que la place la plus convenable étoit

(1) Voyez Hérodien, vie d'Alexandre.

(2) Voyez Eutrope, La Dacię ne fut abandonnée que sous Aurélien,

occupée par les statues de beaucoup d'autres Divinités : il s'enquit, par la science qu'il avoit dans les augures, si elles voudroient céder leur place à -Jupiter toutes y consentirent, à la réserve de Mars, de la Jeunesse, et du Dieu Terme (1). Là-dessus s'établirent trois opinions religieuses; que le peuple de Mars ne céderoit à personne le lieu qu'il occupoit; que la jeunesse romaine ne seroit point surmontée; et qu'enfin le dieu Terme des Romains ne reculeroit jamais ce qui arriva pourtant sous Adrien.

CHAPITRE X VI

De l'état de l'empire, depuis Antonin jusqu'à Probus.

DANS

ANS ces temps- là, la secte des stoïciens s'étendoit et s'accréditoit dans l'empire. Il sembloit que la nature-humaine eût fait un effort pour produire d'elle-même cette secte admirable, qui étoit comme ces plantes que la terre

(1) Saint Augustin, de la cité de Dicu, liv. VI, chap. 23 et 29.

fait naître dans des lieux que le ciel n'a jamais vus.

Les Romains lui durent leurs meil

leurs empereurs. Rien n'est capable de faire oublier le premier Antonin, que Marc-Aurèle, qu'il adopta. On sent en soi-même un plaisir secret lorsqu'on parle de cet empereur; on ne peut lire sa vie sans une espèce d'attendrissement tel est l'effet qu'elle produit, qu'on a meilleure opinion de soi-même, parce qu'on a meilleure opinion des hommes.

La sagesse de Nerva, la gloire de Trajan, la valeur d'Adrien, la vertu des deux Antonins, se firent respecter des soldats. Mais lorsque de nouveaux monstres prirent leur place, l'abus du gouvernement militaire parut dans tout son excès; et les soldats, qui avoient vendu l'empire, assassinèrent les empereurs, pour en avoir un nouveau prix.

On dit qu'il y a un prince dans le monde, qui travaille depuis quinze ans à abolir dans ses états le gouvernement civil, pour y établir le gouvernement militaire. Je ne veux point faire des réflexions odieuses sur ce dessein;

je dirai seulement que, par la nature des choses, deux cents gardes peuvent mettre la vie d'un prince en sureté, et non pas quatre-vingt mille; outre qu'il est plus dangereux d'opprimer un peuple armé, qu'un autre qui ne l'est ne l'est pas.

Commode succéda à Marc-Aurèle son père. C'étoit un monstre qui suivoit toutes ses passions, et toutes celles de ses ministres et de ses courtisans. Ceux qui en délivrèrent le monde, mirent en sa place Pertinax, vénérable vieillard, que les soldats prétoriens massacrèrent d'abord.

et

Ils mirent l'empire à l'enchère, Didius Julien l'emporta par, ses promesses cela souleva tout le monde; car, quoique l'empire eût été souvent, acheté, il n'avoit pas encore été marchandé. Pescennius Niger, Sévère et Albin furent salués empereurs; et Julien n'ayant pu payer les sommes immenses qu'il avoit promises, fut abandonné par ses soldats.

Sévère défit Niger et Albin: il avoit de grandes qualités; mais la douceur, cette première vertu des princes, lui manquoit.

La puissance des empereurs pouvoit

plus aisément paroitre tyrannique, que celle des princes de nos jours. Comme leur dignité étoit un assemblage de toutes les magistratures romaines; que dictateurs sous le nom d'empereurs, tribuns du peuple, proconsuls, censeurs, grands pontifes, et quand ils vouloient, consuls, ils exerçoient souvent la justice distributive; ils pouvoient aisément faire soupçonner que ceux qu'ils avoient condamnés, ils les avoient opprimés, le peuple le peuple jugeant ordinairement de l'abus de la puissance par la grandeur de la puissance: au lieu que les rois d'Europe, législateurs et non pas exécuteurs de la loi, princes et non pas juges, se sont déchargés de cette partie de l'autorité qui peut être odieuse; et faisant eux-mêmes les graees, ont commis à des magistrats particuliers la distribution des peines.

Il n'y a guère eu d'empereurs plus jaloux de leur autorité que Tibère et Sévère cependant ils se laissèrent gouverner, l'un par Séjan, l'autre par Plautien, d'une manière misérable.

La malheureuse coutume de proscrire," introduite par Sylla, continua sous les empereurs; et il falloit même qu'un

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