Page images
PDF
EPUB

Depuis l'établissement de la paye, le sénat ne distribua plus aux soldats les terres des peuples vaincus: il imposa d'autres conditions; il les obligea, par exemple, de fournir (1) à l'armée une solde pendant un certain temps, de lui donner du blé et des habits.

La prise de Rome par les Gaulois ne lui ôta rien de ses forces: l'armée, plus dissipée que vaincue, se retira presque entière à Veïes; le peuple se sauva dans les villes voisines; et l'incendie de la ville ne fut que l'incendie de quelques cabanes de pasteurs.

(1) Voyez les traités qui furent faits.

CHAPITRE II.

De l'Art de la Guerre chez les Romains.

LES

ES Romains se destinant à la guerre, et la regardant comme le seul art, ils mirent tout leur esprit et toutes leurs, pensées à le perfectionner. C'est sans, doute un Dieu, dit Végèce (1), qui leur inspira la légion.

Ils jugèrent qu'il falloit donner aux soldats de la légion des armes offensi-, ves et défensives, plus fortes et plus, pesantes (2) que celles de quelqu'autre peuple que ce fût.

Mais comme il y a des choses à faire dans la guerre, dont un corps pesant, n'est pas capable, ils voulurent que la légion contînt dans son sein une troupe

(1) Liv. II, chap. 1.

(2) Voyez dans Polybe et dans Josephe, De Bello Judaico, liv. II, quelles étoient les armes du soldat romain. Il y a peu de différence, dit ce dernier entre les chevaux chargés et les soldats romains. «Ils » portent, dit Cicéron, leur nourriture pour plus de » quinze jours, tout ce qui est à leur usage, tout ce » qu'il faut pour se fortifier; et, à l'égard de leurs » armes, ils n'en sont pas plus embarrassés que de >> leurs mains.» Tuscul. liv. III.

légère, qui put en sortir pour engager le combat; et, si la nécessité l'exigeoit, s'y retirer; qu'elle eût encore de la cavalerie, des hommes de trait, et des frondeurs, pour poursuivre les fuyards et achever la victoire; qu'elle fût défendue par toutes sortes de machines de guerre, qu'elle traînoit avec elle; que chaque fois elle se retranchât, et fût, comme dit Végèce (1), une espèce de place de guerre.

Pour qu'ils pussent avoir des armes plus pesantes que celles des autres hommes, il falloit qu'ils se rendissent plus qu'hommes; c'est ce qu'ils firent par un travail continuel, qui augmentoit leur force, et par des exercices qui leur don-noient de l'adresse, laquelle n'est autre chose qu'une juste dispensation des forces que l'on a.

Nous remarquons aujourd'hui que nos armées périssent beaucoup par le travail immodéré (2) des soldats; et cependant c'étoit par un travail immense que les Romains se conservoient. La raison en est, je crois, que leurs fatigues étoient continuelles; au lieu que

1) Eib. II, cap. 25.

Sur-tout par le fouillement des terres,

nos soldats passent sans cesse d'un travail extrême à une extrême oisiveté, ce qui est la chose du monde la plus propre à les faire périr.

Il faut que je rapporte ici ce que les auteurs (1) nous disent de l'éducation des soldats romains. On les accoutumoit à aller le pas militaire, c'est-à-dire, à faire en cinq heures vingt milles, et quelquefois vingt-quatre. Pendant ces marches, on leur faisoit porter des poids de soixante livres. On les entretenoit dans l'habitude de courir et de sauter tout armés; ils prenoient (2), dans leurs exercices, des épées, des javelots, des flèches d'une pesanteur double des armes ordinaires; et ces exercices étoient continuels.

Ce n'étoit pas seulement dans le camp qu'étoit l'école militaire; il y avoit dans la ville un lieu où les citoyens

(1) Voyez Végèce, liv. I. Voyez dans Tite-Live, liv. XXVI, les exercices que Scipion l'Africain faisoit faire aux soldats après la prise de Carthage la Neuve. Marius, malgré sa vicillesse, alloit tous les jours au Champ-de-Mars. Pompée, à l'âge de cinquante - huit alloit combattre tout armé avec les jeunes gens; il montoit à cheval, couroit à bride abattue, et lancoit ses javelots. Plutarque vie de Marius et de Pompée.

ans,

[ocr errors]

alloient s'exercer (c'étoit le Champ-deMars). Après le travail (1) ils se jetoient dans le Tibre, pour s'entretenir dans l'habitude de nager, et nettoyer la poussière et la sueur.

Nous n'avons plus une juste idée des exercices du corps: un homme qui s'y applique trop, nous paroît méprisable, par la raison que la plupart de ces exercices n'ont plus d'autre objet que les agrémens; au lieu que, chez les anciens, tout, jusqu'à la danse, faisoit partie de l'art militaire.

Il est même arrivé parmi nous, qu'une adresse trop recherchée dans l'usage des armes dont nous nous servons à la guerre, est devenue ridicule; parce que depuis l'introduction de la coutume des combats singuliers, l'escrime a été regardée comme la science des querelleurs ou des poltrons.

Ceux qui critiquent Homère de ce qu'il relève ordinairement dans ses héros la force, l'adresse ou l'agilité du corps, devroient trouver Salluste bien ridicule, qui loue Pompée (2) de ce Idem, ibid.

Cum alacribus saltu, cum velocibus cursu сит validis rectè certabat. Fragm. de Salluste, rapporté par Végèce, liv. I, chap. 9.

« PreviousContinue »