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l'exemple que tous les jours il vous donne. Quand vous le voyez former de si grands desseins; quand vous le considérez qui regarde sans s'étonner l'agitation de l'Europe et les machines qu'elle remue pour le détourner de son entreprise; quand il pénetre dès sa premiere démarche jusques dans le cœur d'une province où l'on trouve à chaque pas des barrieres insurmontables, et qu'il en subjugue une autre en huit jours, pendant la saison la plus ennemie de la guerre, lorsque le repos et les plaisirs regnent dans les cours des autres princes; quand, non content de domter les hommes, il veut triompher aussi des éléments; et quand, au retour de cette expédition où il a vaincu comme un Alexandre, vous le voyez gouverner ses peuples comme un Auguste: avouez le vrai, MONSEIGNEUR, VOUS Soupirez pour la gloire aussi-bien que lui, malgré l'impuissance de vos années; vous attendez avec impatience le temps où vous pourrez vous déclarer son rival dans l'amour de cette divine maîtresse. Vous ne l'attendez pas, MONSEIGNEUR, vous le prévenez. Je n'en veux pour témoignage que ces nobles inquiétudes, cette vivacité, cette ardeur, ces marques d'esprit, de courage et de grandeur d'ame que vous faites paroître à tous les moments. Certainement c'est une joie bien sensible à notre monarque; mais c'est un spectacle bien agréable pour l'univers, que de voir ainsi croître une jeune plante qui couvrira un jour de son ombre tant de peuples et de

nations.

Je devrois m'étendre sur ce sujet; mais comme le dessein que j'ai de vous divertir est plus proportionné à mes forces que celui de vous louer, je me hâte de venir aux fables, et n'ajouterai aux vérités que je vous ai dites, que celle-ci : c'est, MONSEIGNEUR, que je suis, avec un zele respectueux,

votre très humble, très obéissant

et très fidele serviteur,

DE LA FONTAINE.

AVIS DE L'IMPRIMEUR.

CETTE nouvelle édition des fables de La Fontaine aura, sans doute, quelque mérite aux yeux de ceux qui s'intéressent à la gloire de cet homme célebre : elle a été revue sur les plus anciennes, et particulièrement sur celles de 1668, de 1678, et de 1694', publiées par La Fontaine même, et les seules qui aient été faites sous ses yeux. Ces éditions, si précieuses à cet égard, ont servi de modeles à celle-ci : elles ont été collationnées avec la plus scrupuleuse exactitude; on a rétabli par leur secours une infinité d'excellentes leçons qu'on ne trouve dans aucune des éditions postérieures, sans excepter même celle de 1742, la moins fautive de toutes. Ces diverses leçons, dont on est charmé quand on les compare à celles que la négligence y avoit substituées, sont souvent très importantes, et nous espérons que les gens de goût nous sauront gré de les avoir recueillies, et d'avoir restitué le texte de La Fontaine dans toute sa pureté.

Quelques précautions, quelques peines que nous ayons prises pour donner à cette édition ce degré de correction qui ne laisse rien à desirer, il est si rare, si difficile d'imprimer un livre sans faute, que nous

(1) Celle-ci ne contient que 29 fables, avec une épître dédicatoire à monseigneur le duc de Bourgogne.

n'osons point nous flatter d'avoir atteint ce but. Nous dirons seulement que chaque épreuve a été lue dix fois, et par des personnes très exercées à ce pénible travail. Nous ajouterons que l'homme de lettres à qui nous devons la notice sur la vie de La Fontaine, dont il est un des plus grands et des plus sinceres admirateurs, nous a aidés de ses conseils et de ses soins. Enfin, si la longue expérience que nous avons acquise dans un art où l'on a toujours quelque chose à apprendre, peut nous permettre de dire que nous avons porté dans cette revision délicate, et souvent minutieuse, l'œil du maître, nous rendrons ici à l'éditeur la justice d'avouer qu'il y a joint encore l'œil de l'amant'.

(1) Voyez la fable 21 du livre IV.

NOTICE SUR LA VIE

DE

LA FONTAINE,

AVEC QUELQUES OBSERVATIONS

JEAN

SUR SES FABLE S.

EAN DE LA FONTAINE naquit à ChâteauThierry le 8 juillet 1621 '. Les premieres années de sa vie n'eurent rien de remarquable, rien qui parût annoncer ce qu'il devoit être un jour. Élevé par des maîtres qui n'avoient pas, comme Socrate, l'art de faire enfanter les esprits, et d'en deviner, par une finesse de tact et d'instinct très difficile à acquérir, le caractere propre et particulier, il resta vingt-deux ans dans une espece d'inertie qui, s'il eût été moins heureusement né, auroit éteint

(1) Son pere, qui s'appelloit aussi Jean de La Fontaine, étoit un ancien bourgeois de Château-Thierry, où il avoit été maître des eaux et forêts; et sa mere (Françoise Pidoux) étoit fille du bailli de Coulommiers. Voy. l'hist. de l'Acad. franç.

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