Page images
PDF
EPUB

d'application, trop petite ou trop grande, utile | l'une ressemble simplement ou est analogue, et ou nuisible, suivant les cas: un mur a ou n'a l'autre est identique à celle qu'a possédée Herpas assez d'épaisseur pour supporter telle charge; cule. Il faudrait une force herculéenne pour rencertains corps ne sont opaques qu'à cause de verser cet obstacle, et il a fallu la force d'Hercule leur épaisseur. pour exécuter les douze travaux. Un habillement Le CHAUD, la CHALEUR; le FROID, la FROI-anglais ou français est fait à l'instar de ceux DEUR; le SEC, la SÉCHERESSE; l'HUMIDE, l'HU-d'Angleterre ou de France, et peut se confectionMIDITÉ.

Le sec et l'humide sont hors d'usage. Ils sont renvoyés à l'histoire de la philosophie péripatėticienne. Pour le chaud et le froid avec leurs synonymes, voyez l'article Chaud, chaleur 1.

SYNONYMIE DES ADJECTIFS ET DES LOCUTIONS
ADJECTIVES COMPOSÉES DE LA PRÉPOSITION de

ET D'UN SUBSTANTIF.

Méridional, septentrional, oriental, occidental; du midi, du nord, de l'orient, de l'occident. Conseiller honoraire, conseiller d'honneur. Homme important, homme d'importance. Esprit systématique, esprit de système. Etc.

L'adjectif se prend dans un sens plus étendu et moins rigoureux que la locution adjective. Il marque moins, comme elle, un rapport étroit d'appartenance ou de dérivation qu'un rapport éloigné de ressemblance avec la chose ou l'idée signifiée par le substantif. Une force herculéenne et la force d'Hercule se rapportent l'une et l'autre au héros fabuleux appelé du nom d'Hercule; mais

4. Faut-il regarder comme soumis à la règle les mots nouvelle et nouveauté, chose nouvelle, quoique le premier ne soit ni masculin, ni représentatif d'un

type, d'un idéal abstrait? Rien ne s'y oppose, si on

examine attentivement leur différence. En effet, nouvelle est plus abstrait que nouveauté, la nouvelle se rapporte à la connaissance qu'on acquiert plus qu'aux choses qui en font le sujet; à tel point que ce mot signifie quelquefois l'avis qu'on donne ou qu'on reçoit de ce qui vient d'arriver. La nouveauté, au con

elle porte

ner dans tous les pays du monde; un habillement d'Angleterre ou de France n'a pas seulement du rapport avec ces deux pays, il en vient, il y a été fait. Il y a des théâtres italiens, et non des théàtres d'Italie, dans presque toutes les capitales de l'Europe. D'un autre côté, il ne faut pas confondre la musique d'Italie avec la musique italienne: la musique d'Italie a été produite en Italie, par des auteurs de l'Italie, avec des paroles italiennes, et pour les théâtres d'Italie, qui les ont ensuite transmis aux autres : la musique italienne appartient au genre de celle des auteurs italiens, sans que peut-être elle vienne de l'Italie, sans que les paroles en soient italiennes et sans qu'elle ait été destinée aux théâtres de l'Italie. L'expression école de Descartes a une signification plus étroite que cette autre, école Cartésienne. Un philosophe de l'école de Descartes a entendu ce grand maître, a été du nombre de ses disciples immédiats, ou du moins professe et soutient tout son système et les mêmes doctrines que lui absolument; pour être de l'école Cartésienne, il suffit d'admettre les principes de Descartes ou un système qui ait du rapport avec le sien. Les idées de Platon sont propres au philosophe grec; les idées platoniciennes sont de tous les temps, de tous les lieux, et de tous les hommes; elles n'ont avec Platon

qu'un faible rapport. En un mot, de Platon est un qualificatif propre, et platonicien un qualificatif commun. Un son argentin est un son qui ressemble beaucoup à celui que rend l'argent, mais ce n'est pas précisément le son de l'argent. De feu, d'eau, de métal, de soufre, se disent en traire, a plus de rapport aux choses mêmes, à la réa- parlant de choses composées des matières qu'exlité. La nouvelle est sue de peu de monde; sur des événements passés, chose idéale, non sub-priment les mots feu, eau, métal, soufre; igné, sistante. La nouveauté n'était pas établie, n'était pas aqueux, métallique, sulfurique ou sulfureux se en usage, n'avait pas cours jusque-là. Une nouvelle disent en parlant de choses qui renferment quelest curieuse, inopinée, surprenante; une nouveauté ques parties de ces matières mêlées avec d'autres, est louable ou pernicieuse, suivant qu'elle conduit à ou bien même qui ont simplement du rapport une pratique bonne ou mauvaise. Quand les deux mots avec ces matières pour certaines de leurs quase disent des choses qu'on n'avait pas encore apprises, lités. le mot nouvelle est absolu et celui de nouveaute a rapport à la personne instruite. Pour qu'une nouvelle soit telle, il ne suffit pas qu'on vienne à la savoir, il faut encore qu'elle annonce quelque chose qui a eu lieu récemment. Tout événement est pour moi une nouveauté, quand je le connais pour la première fois, fût-il très-ancien et déjà connu de tout le monde.

MÉRIDIONAL, SEPTENTRIONAL, ORIENTAL, OCCIDENTAL; DU MIDI, DU NORD, DE L'ORIENT, DE L'OCCIDENT. Nous disons également les peuples, les pays méridionaux, septentrionaux, orientaux, occidentaux, et les peuples, les pays du midi, du nord, de l'orient, de l'occident, pour marquer où ils sont situés sur la terre.

Il en est de même de faible et de faiblesse, défaut qui consiste à se laisser entrainer. Faible, quoique distributif et par cette raison semblant échapper à la réLes adjectifs sont des expressions sans exactigle, se considère d'une manière abstraite et idéale, tude et sans rigueur. Un peuple méridional n'est dans l'esprit, dont il désigne une simple disposition, pas nécessairement et absolument au midi, mais au lieu que faiblesse se considère dans la réalité il est seulement plus près du midi que tout autre, comme une faute dont on se rend effectivement cou-dans une certaine région actuellement considérée: pable. On a des faibles, on commet des faiblesses. le Danemark n'est pas un pays du midi, mais relatiUne mère a un faible ou du faible pour son fils, quand elle est portée à l'excuser, et de la faiblesse, quand elle lui pardonne en réalité, quand son faible pour lui se manifeste par des effets, quand elle condescend à ses volontés et fournit à ses dé

penses.

vement à la Suède, c'est un pays méridional. Les pays du midi appartiennent au midi; les pays méridionaux regardent le midi, ont rapport au midi. Si même on entend les deux expressions dans le sens relatif, l'adjectif sera encore plus

part; esprit de système, au contraire, indique la même chose d'une manière rigoureuse, c'est-àdire toujours comme un défaut ou un excès. « Cette réduction des phénomènes à l'unité constitue le véritable espit systématique, qu'il faut bien se garder de prendre pour l'esprit de système avec lequel il ne se rencontre pas toujours. D'AL.

étendu, plus large et plus vague. Les provinces | cette expression se prend d'ordinaire en bonne méridionales de la France comprennent toutes celles qui sont plutôt au midi qu'au nord, et les provinces du midi ne comprennent que celles qui sont le plus au midi: Lyon et Bordeaux se trouvent dans la partie méridionale du royaume, Marseille et Toulouse dans la partie du midi. CONSEILLER HONORAIRE, CONSEILLER D'HONNEUR, désignent des hommes qui ont également le titre honorifique de conseiller, sans charge et sans émoluments.

»

HOMME, OUVRAGE SPIRITUEL; HOMME, OUVRAGE D'ESPRIT. Homme, ouvrage dans lequel l'esprit se fait remarquer.

L'homme d'esprit possède l'esprit en propre, est

L'expression conseiller d'honneur est plus restreinte et plus rigoureuse; elle s'appliquait anciennement à des personnages, comme gouver-composé ou tout pétri d'esprit, en quelque sorte; neurs et prélats, qui, bien que sans charge, avaient séance et voix délibérative dans certaines compagnies. Conseiller honoraire se prend dans un sens plus large : il signifie un conseiller totalement hors d'exercice et qui ne conserve que son titre; de sorte que l'adjectif honoraire, à la différence de la locution adjective d'honneur, exprime un honneur très-vague, très-peu significatif, presque sans réalité et sans prérogatives. HOMME IMPORTANT, HOMME D'IMPORTANCE. Homme qui a de la valeur, du poids, du crédit,

de l'influence.

homme

l'homme spirituel a de l'esprit, ne manque pas
d'esprit. L'adjectif se dit, dans une acception très-
étendue et presque illimitée, de tout ce qui ma-
nifeste quelque signe d'esprit, et particulièrement
des choses; ce qui est spirituel ne tient à l'esprit
que par un rapport léger, superficiel, et se tra-
duit plutôt sous forme de bons mots ou de sail-
lies que par des œuvres solides et durables.
L'homme d'esprit a du talent, des ressources;
l'homme spirituel brillera, par exemple, dans la
De même dans un ouvrage spirituel, il y a un peu,
conversation; il plaît, c'est tout ce qu'il peut faire.
ou de temps en temps, de ce qui constitue l'ou-
ingénieux et homme de génie.
vrage d'esprit. On distinguerait de même homme

HUMAIN, D'HOMME ou DE L'HOMME. Appartenant ou relatif à l'homme.

Quand nous disons homme d'importance, de distinction, homme de marque, nous exprimons des qualifications réelles, rigoureuses; mais quand nous disons homme important, distingué, marquant, nous le prenons dans un sens moins strict et plus large. L'homme d'importance est au Humain marque un rapport plus étendu, plus fond et absolument un homme de grande con- vaste, une dépendance moins étroite. « L'orangsideration. « La ̈ consideration où était Naboth cependant il ne fait aucun acte de l'homme. » BUFF. outang contrefait toutes les actions humaines, et n'arrête pas Jézabel. C'était un homme d'impor- Une voix humaine désigne une voix telle que celle tance, puisqu'on le met entre les premiers du des hommes en général, par opposition à celle peuple. » Boss. La mème qualité semble moins des animaux, par exemple: une voix d'homme rigoureusement et moins essentiellement propre peut vouloir dire la voix d'un être humain qui à l'homme important. Voyez l'homme impor- n'est ni enfant, ni femme. D'ailleurs, voix hutant!» DEST. Voilà pourquoi important signifie maine n'entraîne pas rigoureusement l'idée d'une souvent à lui seul, un faiseur d'embarras, un voix qui est celle d'un homme dans le silence homme qui fait le glorieux, le capable, le néces- de la nuit, on croit entendre une voix humaine, saire : « Ungrain d'esprit, dit Labruyère, et une c'est-à-dire une voix semblable à celle d'un once d'affaires, plus qu'il n'en entre dans la composition du suffisant, font l'important. » Mais homme, à celle qui viendrait d'un homme. D'aul'expression homme d'importance n'a ce sens tre part, l'esprit humain est une expression bien défavorable que quand on le marque expressé-homme: c'est l'esprit de l'homme et tout ce qui plus compréhensive et plus large que l'esprit de ment par d'autres mots :

LAF.

Se croire un personnage est fort commun en France:
On y fait l'homme d'importance.
Des personnes de distinction et de marque sont
telles rigoureusement, en vertu de qualités fixes,
le rang, la naissance, les priviléges; les per-
sonnes distinguées et marquantes sont jugées telles
par suite de faits ou de circonstances qui n'ont pas
une signification aussi rigoureusement décisive.
Nous nous servons rarement des expressions,
d'importance et de distinction, tandis qu'à tout
propos nous employons les épithètes important
et distingue. — Même différence entre un homme
quabé et un homme de qualité, entre un homme
considérable et un homme de considération.

s'y rapporte, tout ce qu'il produit ou subit; l'esprit de l'homme est l'esprit humain réduit à ce qu'il a d'essentiel, considéré seulement dans sa nature et par rapport aux autres esprits célestes ou terrestres : l'étude, les phénomènes, les facultés de l'esprit humain; l'esprit de l'homme ne peut sonder tous les mystères de la création. Industrie humaine ne signifie pas strictement et uniquement, comme industrie de l'homme, ce que l'homme peut par son travail en opposition à ce que fait la nature. Cette expression rappelle tous les détails de l'industrie de l'homme, tout ce qui s'y rapporte; en d'autres termes, industrie humaine se dit dans les cas particuliers et relatifs, où l'on en décrit ou rapporte les effets; industrie ESPRIT SYSTÉMATIQUE, ESPRIT DE SYSTÈME. de l'homme est l'expression qui convient quand Goût des systèmes, disposition à systematiser. on veut caractériser, en général, le travail de Esprit systématique dénote un goût modéré, et | l'homme, considéré comme pouvant plus ou moins.

SYN. FRANÇ.

On étudie les progrès de l'industrie humaine, | mot principal, un substantif, attire toute l'attencomme les passions du cœur humain. La condition de l'homme ici-bas est de souffrir; et qui pourra peindre les souffrances et les misères de la condition humaine?

PROVINCIAL, DE PROVINCE. Qui a un rapport particulier avec la province, qui en vient. L'adjectif se prend dans un sens large et éloi gné pour qualifier un air et des manières qui ne ressemblent point à l'air et aux manières de la cour et de Paris, qui ont je ne sais quoi de contraint et d'embarrassé. « Les provinciaux et les sots sont toujours prêts à se fâcher et à croire qu'on se moque d'eux, cu qu'on les méprise. » LABR. Un homme de province, une dame de province, se disent à la lettre, en parlant d'une personne qui demeure en province, sans que cette expression entraîne aucun accessoire défavorable: j'ai vu une dame de province à Paris.

EXPÉRIMENTAL, D'EXPÉRIENCE.

Une preuve expérimentale n'indique pas aussi positivement, aussi rigoureusement qu'une preuve d'expérience, une preuve tirée d'une ou de plusieurs expériences. Elle n'a avec les faits qu'un rapport peu prochain.

tion. Les fonts baptismaux de telle église sont de marbre ou de bronze et plus ou moins ornés; en sortant des fonts du baptême l'âme a perdu toute souillure. L'eau baptismale doit être pure; l'eau du baptême est bénite et consacrée pour cela, et aussitôt que l'enfant a reçu l'eau du baptême, il est régénéré et admis au nombre des chrétiens. COURTISAN, DE COURTISAN. Qui a rapport à la cour ou à ceux qui la fréquentent.

Courtisan marque relativement à la cour une simple ressemblance; de courtisan exprime avec la cour un rapport plus étroit, celui d'appartenance. Un langage courtisan est celui d'un homme de cour, un langage de courtisan est celui d'un homme de la cour. Le premier est tenu par quelqu'un qui n'ayant peut-être jamais mis le pied à la cour en a cependant la finesse et la flatterie adroite; le second est d'un homme qui vit à la cour. - Du reste, soit qu'il s'agisse ou non de personnes qui approchent les princes, l'adjectif exprime toujours quelque chose de plus faible que la locution adjective: avec un ton courtisan vous parlez comme un courtisan; avec un ton de courtisan vous parlez tout comme ou absolument comme un

BAPTISMAL, DE ou DU BAPTÊME. Qui a rap-courtisan. L'esprit courtisan est quelque chose de port au baptême.

plus superficiel ou de moins essentiel que l'esprit de courtisan. Ce fut pour plaire au roi de Suède, que Regnard, dans son voyage en Laponie, s'astreignit à faire des observations exactes; «< et cet esprit courtisan que l'on prend toujours auprès des rois asservit pour un moment l'humeur indépendante et libre d'un homme absolument livré à ses goûts. » LAH. Au moment où Britannicus tombe empoisonné par Néron, Tacite nous dépeint les courtisans restant immobiles, les yeux attachés sur César. « Demeurer maître de soimême à un semblable spectacle est le dernier effort de l'habitude de servir et le sublime de l'esprit de courtisan. » LAH.

HOMME LETTRE, HOMME DE LETTRES. Homme qui a des connaissances littéraires, qui n'est pas étranger aux belles-lettres.

Mais le lettré est avec les lettres dans un rapport plus éloigné que l'homme de lettres; il a seu

Baptismal ne se dit que des choses qui ont au baptême un rapport éloigné, qui en sont des circonstances ou des accessoires: robe baptismale, fonts baptismaur; ou bien on s'en sert encore au figuré pour qualifier relativement au baptême d'une manière large et étendue, la grâce baptismale, l'innocence ou l'intégrité baptismale. De ou du baptême, au contraire, s'emploie pour exprimer quelque chose d'essentiel au baptême les paroles du baptême, nom de baptême, extrait de baptême, les vœux du baptême. Les parents d'un enfant nouveau-né assistent aux cérémonies ou aux pompes baptismales, et le sacrement du baptême efface dans l'enfant la tache du péché originel. Toutefois on dit également fonts baptismaux et fonts de baptême, eau baptismale et eau du baptême. La différence alors est analogue à la précédente. Baptismal est toujours général et vague; de ou du baptême est toujours particulement quelque teinture des lettres. L'homme de lier et précis; ce qui est baptismal servira, peut servir pour les baptêmes, ou bien sert pour tous les baptèmes; ce qui est de ou du baptême sert ou a servi pour les baptêmes, ou plutôt pour un baptême spécial, dans un certain cas. On dira en général, l'enfant est tenu sur les fonts baptismaux par le parrain et la marraine; et, en parlant d'une personne, c'est moi qui l'ai tenue sur les fonts de baptême. L'eau baptismale se verse sur la tête de l'enfant; saint Jean-Baptiste versa sur J. C. l'eau du baptême. D'ailleurs baptismal qualifie les fonts et l'eau d'une manière moins étroite par rapport au baptême; il les désigne comme faisant partie de la cérémonie: au lieu que de ou du baptême réveille l'idée du sacrement lu.-même. Dans l'expression qui contient baptis-cite mal ce qui est en saillie, ce n'est pas l'idée du baptême, qui n'est représentée que par un mot accessoire, un adjectif; mais dans celle où figure de ou du baptême, le baptême étant rappelé par un

lettres, au contraire, cultive sans cesse les lettres; il en fait son occupation habituelle, unique, il y est entièrement adonné. Le lettré a de la littérature; l'homme de lettres suit la carrière des lettres, fait des lettres sa profession, et en vit. Le premier est un érudit; le second, un auteur. L'un a du savoir; l'autre compose, produit des œuvres littéraires. L'instruction du lettré est plus superficielle. «A une certaine époque du moyen âge, les gens d'église seuls avaient quelque teinture des lettres, et de là vient que le nom de clerc devint le synonyme d'homme lettré, et se donna même par extension à quiconque savait lire. » LAH. Cicéron plaidant pour le poëte Archias appelle son client un homme de lettres et se féli

d'avoir affaire à des juges qui sont des hommes lettres (LAH.).

HOMME COURAGEUX, HOMME DE COURAGE. Homme incapable de crainte et de timidité, incapable de trembler et de fuir devant le danger.

L'homme courageur n'est pas un poltron: | treint et plus rigoureux. L'un marque plutôt Thomme de courage est tout près d'être un héros: quelque chose de possible, une disposition, et on honore l'un, on admire l'autre. L'homme cou- l'autre quelque chose d'actuellement effectif ou rageur se conduit dans l'occasion en homme de réel. L'arbre fruitier est propre ou de nature à courage; il sait au besoin attaquer ou se défendre: porter des fruits; l'arbre à fruits en porte. l'homme de courage a le courage en partage; le L'homme systématique est méthodique; dans ce courage est sa qualité constitutive, essentielle; il mot l'idée de système est affaiblie et peu précise: a l'âme plus fortement trempée et plus de con- l'homme à systèmes a proprement produit ou prostance. Pour un coup hardi et soudain, à la guerre duit présentement des systèmes. L'homme prétenprincipalement, il faut un homme courageux; tieux est plein de prétention; l'homme à prétenpour une entreprise longue en même temps que tions a des prétentions, affiche des prétentions. difficile, dans quelque genre que ce soit, il faut L'adjectif se prend d'une manière toute généun homme de courage, car l'homme de courage a rale et absolue; la phrase adjective détermine de la persévérance et ne redoute pas les obstacles. davantage. On connaît les fruits de l'arbre à fruits, L'homme courageur se montre plus ou moins tel, on pourrait les décrire, au besoin, en disant, et par accès: l'homme de courage est vraiment par exemple, un arbre à fruits rouges, comme on courageux dans tous les genres et dans toutes les dit un homme à grandes prétentions, des plantes circonstances; il a un fonds et une continuité de à fleurs labiées; au contraire, l'adjectif fruitier valeur qui le rendent ferme contre tout événe-ne spécifie rien et ne peut recevoir de spécificatif. ment.- La même différence existe entre l'homme résolu et l'homme de résolution.

HOMME SENSÉ, HOMME DE SENS. Homme qui dans sa manière de penser, de parler ou d'agir, fait preuve de réflexion, de discernement, de raison.

On est plus ou moins sensé, on l'est peu ou beaucoup: de sens forme une expression absolue qui marque la qualité au comble. L'homme sensé tient le langage ou la conduite de l'homme de sens, il montre du sens, quelque sens dans l'occasion, il n'est pas dépourvu de sens ou insensé; mais le sens dans l'homme de sens est une qualité essentielle, prédominante, constitutive de son caractère ou de sa nature. L'homme de sens nonseulement a du sens, mais en a au suprême degre et toujours; il en est pétri, pour ainsi dire; ce n'est pas chez lui comme chez l'homme sense une qualité accessoire et accidentelle, c'est une partie de sa substance, et en effet elle est exprimée par un substantif, de sens, au lieu de l'être par un adjectif, sensé. L'homme sensé ne fait pas de folie; c'est là une qualification commune: l'homme de sens est un sage qu'on va consulter; c'est là un des plus beaux éloges qu'on puisse faire d'un homme. L'homme sensé est la copie, et l'homme de sens l'original ou le modèle. - On trouverait une différence semblable entre l'homme judicieux et l'homme de jugement, entre | l'homme entendu et l'homme d'entendement.

De même systématique et prétentieux ne font allusion à aucun système, à aucune prétention en particulier, mais laissent entendre toutes sortes de systèmes, de prétentions; au lieu que à systèmes et à prétentions donne l'idée de certains systèmes, de certaines prétentions, qui se sont produits dans certaines circonstances.

Toutefois une seconde différence s'ajoute à cellelà, lorsque la préposition de la locution adjective est à, au lieu d'être de. A est alors proprement indicatif : il sert à exprimer ce à quoi on reconnaît les choses, ce qu'elles portent et présentent (præ se ferunt) comme une enseigne : bêtes à cornes, chaise à bras, chandelier à branches, damas à fleurs. L'adjectif qualifie; il marque la qualité dans le sujet : la phrase adjective dépeint; elle représente la qualité au dehors, extérieurement. Ainsi arbre fruitier signifie la sorte d'arbre, la nature de l'arbre; arbre à fruits exprime l'idée ou l'image de la chose que porte effectivement l'arbre : un pépiniériste tient des arbres fruitiers; il faut étayer certains arbres à fruits, de peur que les branches trop chargées ne rompent. Demandez à un jardinier, qui sait parler sa langue, qu'il vous fasse voir ses arbres fruitiers, il vous mènera à sa pépinière; demandez-lui à visiter ses arbres à fruits, il vous introduira dans son verger. L'homme systématique ou prétentieux a tel défaut : l'homme à systèmes ou à prétentions fait ou dit telles choses. On plaint l'homme systématique et le prétentieux, ou on en rit, on ne voudrait pas leur ressembler; on attaque et on réfute l'homme à systèmes, et on ne peut souffrir l'homme à prétentions, on l'évite ou on le relance.-L'arbre fruitier et l'homme systématique ou prétentieux sont tels en eux-mêmes, quant à la nature; l'arbre à fruits, et l'homme à systèmes ou à prétentions sont tels de fait, se montrent tels. Il est à remarquer que la différence est la Cette distinction est si vraie, que dans les locuime quand le substantif de la phrase adjective tions adjectives composées de à et d'un substanest precedé non plus de la préposition de, mais tif, ce substantif se met au pluriel, à fruits, à de la préposition à. Exemples: arbre fruitier et systèmes. à prétentions; or c'est un des caractères arbre à fruits; homme systématique et homme à du pluriel de marquer la manifestation, le phésystemes; homme prétentieux et homme à préten-nomène, la réalisation, l'action extérieure. (Voy. p. I et suiv.) - Mème différence entre l'homme L'adjectif a toujours un sens plus étendu et plus ou l'esprit paradoxal et l'homme ou l'esprit à vague, et la phrase adjective un sens plus res-paradoxes.

D'autres exemples pourraient encore être ajoutés aux précédents. Il suffira d'en citer quelques-uns, les arts agréables et les arts d'agrément; objet précieur et objet de prix, pays conquis et pays de conquête, pays montagneux et pays de montagres, etc. La même règle de distinction s'y apphique aussi aisément, et de nouveaux détails sement, sinon fastidieux, au moins superflus.

tions.

[ocr errors]
[ocr errors]

SYNONYMIE DES ADJECTIFS ORDINAIRES AVEC DES
PARTICIPES PASSÉS PRIS ADJECTIVEMENT.

Epais, épaissi. Faible, affaibli. Convive, convié.

Haut, haussé. Gros, grossi. Faux, falsifié.
Courbe, courbé. Froid, froidi. Uns, unis. In-
quiet, inquiété. Cher, chéri. Insigne, signalé
Quitte, acquitté.

Mais, quoique dans le participe passé la qualité n'apparaisse pas comme absolue, elle y est

plus saillante que dans l'adjectif, elle y appelle davantage l'attention; précisément parce qu'elle n'y est que par accident, elle s'y fait remarquer davantage. Aussi le participe se met toujours après le substantif, au lieu que l'adjectif peut se mettre avant; et il est certain que, placé après le substantif, un qualificatif a quelque chose de plus spécial et sur quoi l'on insiste plus particulièrement. Sur ce vers de Racine :

reil cas, Mme de Sévigné dit toujours : Je suis inquiétée, inquiète lui aurait paru faible. »

Les adjectifs, ainsi que les participes passés, expriment dans les choses ou les personnes la qualité signifiée par le radical commun, mais avec des différences assez sensibles. Ils marquent La Grèce en ma faveur est trop inquiétée, cette qualité, les premiers, comme inhérente à Marmontel observe que le participe inquiétée est l'objet, comme lui étant propre et naturelle; les plus expressif qu'inquiète. « On ne dit pas, ajouteseconds, comme lui étant survenue, comme ac-t-il, être inquiet en faveur de quelqu'un. En paquise, comme étant l'effet d'une modification accidentelle. La qualité exprimée par l'adjectif est présentée comme tenant à la constitution de l'objet, et le fait concevoir tel qu'il est; la même qualité exprimée par le participe est présentée comme tenant aux circonstances, et le dépeint tel qu'on l'a fait, tel qu'il est devenu. Le participe suppose donc un changement de l'état antérieur, idée totalement étrangère à l'adjectif, lequel au contraire désigne la qualité comme habituelle, si c'est une manière d'agir, et comme naturelle, s'il s'agit d'une manière d'être.

[ocr errors]

La règle est sans exception, elle s'étend à tous les exemples. On naît avec un esprit épais; l'esprit épaissi est l'esprit devenu épais. On dit d'un corps solide qu'il est épais; d'un corps liquide, devenu solide, qu'il est épaissi. Certains hommes ont naturellement la langue si épaisse qu'ils ne peuvent parler qu'avec peine; il arrive à beaucoupde malades d'avoir la langue épaissie. « Quand l'air est plein de brouillards épais,... » FÉN. Si l'air devenait plus épais, nous nous noierions dans les flots de cet air épaissi. » ID. Un homme est faible par lui-même; il est affaibli quand il a subi une action qui l'a affaibli ou rendu faible. | «Combien de vierges déjà faibles par elles-mêmes, encore plus affaiblies par les abstinences, par les jeûnes..., n'ont pris néanmoins jamais aucun relâche?» BOURD. Convive marque un état habituel; convié désigne une qualité reçue, une modification, le résultat d'une invitation; l'un représente l'homme tel qu'il est, l'autre tel qu'on l'a fait.

Prenons, pour y appliquer ces distinctions, les deux mots cher et chéri. Ce qui nous est cher est aimé de nous dans l'ordre naturel, parce qu'il est dans nos goûts, dans nos habitudes de l'aimer; les personnes qui nous sont chères sont celles avec qui nous nous trouvons dans des rapports naturels de parenté, ou habituels d'amitié. Chéri exprime une affection qui sort du cercle commun, qui pourrait bien ne pas être, qui est plus spéciale, qui a lieu pour un fait particulier, ou dans une circonstance accidentelle, qu'on remarque davantage et dont on a, en quelque sorte, droit d'ètre surpris. Une mère ne parle guère de son fils, sans dire, mon cher fils, parce que dans son cœur l'idée de fils et celle qu'exprime cher sont intimement unies l'une à l'autre; mais dans un moment de tendresse elle l'appelle son fils chéri. « Mes parents sont partis ce matin, en accablant des plus tendres caresses une fille chérie, et trop indigne de leurs bontés.... Une secrète angoisse étouffait mon âme après le départ de ces chers parents. » J. J. Un roi cher à son peuple l'est habituellement, constamment; un roi chéri de son peuple s'est attiré par quelque action particulière une affection plus vive, mais qu'il peut perdre prochainement.

Deux synonymistes, Roubaud et M. Guizot, se sont déjà servis, mais l'un sans les généraliser, et l'autre sans les généraliser assez, des mêmes principes de distinction. Nous placerons ici leurs articles, parce que les synonymes qui y sont traités rentrent dans la classe de ceux dont nous venons de nous occuper plutôt que dans toute

autre.

<< INSIGNE, SIGNALÉ. Ce qui a ou porte des signes, des traits qui le font remarquer, reconnaître, distinguer: »

«

Un autre caractère distinctif consiste en ce que l'adjectif est absolu et le participe relatif. La qualité marquée par ce dernier peut aller jusqu'à un très-haut degré sans doute, mais elle n'a pas lieu constamment et sous tous les rapports. Ce qui est haussé peut bien n'être pas absolument haut. Et il en est de même de ce qui est épaissi, grossi, Insigne, simple adjectif, indique proprement falsifié, courbé, affaibli, froidi, etc., à l'égard ce que la chose est en elle-même. Signalé, partide ce qui est épais, gros, etc. « Le duc de Che-cipe du verbe signaler, désigne proprement, en vreuse et le duc de Beauvilliers étaient unis jus- cette qualité, que la chose est devenue ou a été qu'à n'être qu'un. » S. S. « Quelque uns, car c'est faite telle. » trop peu dire unis, que fussent en tout M. de Chevreuse et M. de Beauvilliers, celui-ci n'approuvait pas les chimères de son beau-frère. » ID. « Je ne sais ce que veut dire cette douce attention distinguée du recueillement. Il ne faut pas distinguer des choses si unies, ou plutôt si unes.» Boss.

Il est impossible de mieux exprimer la différence principale qui existe entre les synonymes de cette sorte. L'auteur développe ensuite les différences accessoires qui en résultent relativement aux deux mots qu'il considère uniquement. « La chose signalée est marquée et remarquée: la chose insigne est marquante et remarquable. On est si

« PreviousContinue »