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dit également qu'un homme a la parole rude. I quent aux souverains, ces deux mots expriment

et un parler rude: un homme a la parole rude quand la parole, commune à tous, se trouve modifiée chez lui d'une façon qui lui est propre; et il a un parler rude quand il a un genre de parler qui est rude, genre applicable à plusieurs autres. Parole signifie le langage, et parler, un langage. Or, quoique le mot parole soit plus général séparément, il l'est moins que le mot parler, quand tous deux servent à qualifier la manière dont quelqu'un parle. De sorte que, dans le sens particulier, la parole est plus particulière que le parler. Chacun a sa parole, douce, rude, brève; et on distingue différents parlers, un parler rude, un parler doux, un parler picard, normand, provençal, etc.

Ensuite, le parler est plus constant, plus habituel et dépend moins des circonstances: un homme a la parole tremblante, faible, la parole d'un homme malade par suite de certains accidents, et dans ces exemples parler ne conviendrait pas. « Lorsque nous nous trouvons empêtrés dans un dangereux pas, nous savons bien couvrir notre jeu d'un bon visage et d'une parole assurée. » MONTAIGN. « C'était une certaine affeterie qui rendait le parler d'Alcibiade mol et gras. » ID. « Le parler que j'aime, c'est un parler simple et naïf. » ID.

D'un autre côté, le parler est plus abstrait que la parole, plus indépendant de tout ce qui n'est pas l'action de parler, c'est un terme purement formel: au lieu que la parole conserve toujours une certaine relation au sens, à l'esprit, aux idées qu'elle représente. C'est pourquoi on dit avoir le parler ou un parler gras (MONTAIGN., S. S.), et non la parole ou une parole grasse; c'est pourquoi Descartes accorde un parler aux perroquets, et leur refuse la parole. La rudesse ou la douceur du parler est une qualité de l'organe seul; la ru desse ou la douceur de la parole tient un peu à celle du caractère.

MARCHE, MARCHER. Mouvement des animaux et particulièrement de l'homme, en tant qu'ils

vont ou s'avancent.

L'une se considère relativement, l'autre absolument; l'une d'une manière concrète et comme un fait particulier, l'autre d'une manière abstraite et comme un certain genre d'action. Dans telles circonstances votre marche a été ralentie ou accélérée par telles causes.

ce que peuvent ceux qui possèdent la qualité dont ils sont les signes. Ils ont ensuite une acception plus restreinte, suivant laquelle ils indiquent une faculté ou disposition dans le sujet, par le moyen de laquelle il est capable d'agir ou de produire un effet.

Mais dans les deux sens, ces mots different de même l'un est plus concret, l'autre plus abstrait.

Comme l'observe justement Roubaud, ces termes correspondent aux deux mots latins potentia et potestas, lesquels signifient, suivant Gardin et Doderlein, l'un une force de fait, l'autre une force ou faculté de droit, l'un ce que nous pouvons effectivement, l'autre ce qui nous est permis. Ainsi puissance a plus de rapport avec force et se dit bien des agents naturels, la puissance d'une machine; pouvoir exprime une idée plus abstraite, plus idéale, il serait plutôt synonyme d'autorité ou de droit. C'est parce qu'il est abstrait et idéal que pouvoir, à la différence de puissance, signifie le crédit, l'empire, l'ascendant, l'influence toute morale qu'on exerce sur les hommes. « Le pouvoir, dit Condillac, est le droit d'user de la puissance; » et puissance marque les moyens qui sont à la disposition du pouvoir. Le despotisme est une puissance, puisqu'il a des forces; mais ce n'est point un pouvoir, puisqu'il n'a point de droit. Un pouvoir sans puissance est un pouvoir sans force. « La puissance, dit encore Condillac, est plus relative à la force et le pouvoir se rapporte plus à la liberté, c'està-dire à un usage raisonnable de la force; et c'est pourquoi l'homme juste use de son pouvoir, l'homme injuste abuse de sa puissance. » Vous pouvez soulever ce fardeau, renverser cet obstacle, vous en avez effectivement la force; voilà la puissance: vous pouvez vous permettre telle action, vous en avez le droit, vous y êtes autorisé; voilà le pouvoir. « Attribuer à Dieu quelque puissance et quelque liberté de faire le mal, c'est lui attribuer le pouvoir de pécher. » FÉN.

α

Girard et Roubaud donnent à peu près la même distinction, mais le premier la propose d'une manière beaucoup plus nette, quand il considère puissance et pouvoir dans leur sens restreint, dans le sens physique et littéral où ils sont synonymes de faculté. « Le pouvoir, dit-il, vient des secours ou de la liberté d'agir; la puissance vient Ne te donna-t-on pas des avis quand la cause des forces. L'homme, sans la grâce, n'a pas le Du marcher et du mouvement, pouvoir de faire le bien; la jeunesse manque de Quand les esprits, le sentiment, savoir pour délibérer et la vieillesse manque de Quand tout faillit en toi? LAF. puissance pour exécuter. L'habitude diminue beauVous dites dans un récit que la marche des enne- coup le pouvoir de la liberté; l'àge n'affaiblit que mis a été lente; mais vous caractérisez l'éléphant la puissance et non le désir de satisfaire ses paset la tortue en disant qu'ils ont un marcher lent sions. » Condillac établit la même différence en (LAF.). Le marcher, dans ce dernier sens, est la termes encore plus catégoriques : « Notre puisdémarche ou la manière habituelle de marcher de sance consiste, dit-il, dans les forces que nous quelqu'un, mais sous le rapport physique seule- sommes maîtres d'employer, notre pouvoir dans ment et indépendamment des sentiments qui ani- l'éloignement des obstacles qui pourraient gèner ment cette personne. « Je ne connais pas J. C. à notre liberté. » Et ailleurs : « La puissance de la voix, ni au visage, ni au marcher, ni par le l'âme est plus relative aux facultés nécessaires rapport d'aucun de mes sens. » Boss. pour exécuter, le pouvoir est plus relatif aux déPUISSANCE, POUVOIR. Dans leur sens le plus terminations de la volonté.» «Se figurer des conétendu, dans celui, par exemple, où ils s'appli-tradictions entre le pouvoir souverain de la grâce

sur le libre arbitre et la puissance qu'a le libre f desquelles on puisse les distinguer de leurs synoartitre de résister à la grâce. » PASC.

Telle est bien la différence de puissance et de pouvoir, et cette différence résulte bien de ce que le premier de ces mots est un substantif ordinaire à terminaison significative et le second un infinitif pris substantivement. Mais la terminaison de puissance étant significative doit imprimer à ce mot une nuance propre dont nous n'avons encore rien dit. Ance, outre l'action, indique quelque chose de durable, , de permanent, tandis que l'infinitif pouvoir marque l'action simplement. D'où il suivrait que pouvoir signifierait spécialement l'acte, et puissance l'état permanent de pouvoir; pouvoir serait distributif. exécutoire relativement à puissance, il aurait un rapport particulier à l'acte, une idée particulière d'efficacité et le soin de l'exécution. « Affirmer que Dieu n'ait pas le pouvoir d'accorder la pensée à tel être qu'il voudra, c'est borner la puissance du Créateur qui est sans bornes. » VOLT. En conséquence, on a la puissance et on exerce le pouroir de faire une chose. « Quand, étant enfermé, vous voulez rester chez vous, vous exercez le pouvoir que vous avez de demeurer: vous avez cette puissance, mais vous n'avez pas celle de sortir. VULT. Ce caractère a été longuement développé par Roubaud. Mais, quoique également réel, il a moins d'importance que le premier. Rien n'empêche, néanmoins, de les garder l'un et l'autre.

MOL.

SCIENCE, SAVOIR. Choses apprises et sues. La science est relative, le savoir absolu; on dit la science du navigateur, les sciences naturelles, les sciences philosophiques. « Quelque éclairé que vous soyez, vous apprendrez du moins, dans les instructions de l'Eglise, que votre savoir n'est rien, si vous ignorez la science du salut. » MASS. Non, le savoir chez moi n'est pas tout retiré; Mais, en un mot, je sais, pour toute ma science, Du faux avec le vrai faire la différence. Savoir se dit absolument par rapport aux travaux de l'esprit, et c'est pourquoi il ne s'emploie qu'au singulier. Ensuite, le savoir n'étant pas spécial comme la science, est moins approfondi par cela même. Le savoir n'est que la science d'un homme qui n'est pas ignorant. « COND. « Quelques-uns, par une intempérance de savoir, aiment mieux savoir beaucoup que de savoir bien, et être faibles et superficiels dans diverses sciences, que d'être sûrs et profonds dans une seule. LABR. Enfin, comme le savoir suppose des connaissances étendues, mais superficielles sur chaque chose, il a naturellement plus de rapport à la pratique : la science en a davantage à la spéculation. « Ce médecin a acquis un grand sacoir par son expérience. » ACAD. Molière fait voir dans la comédie des Femmes savantes que la science messied aux femmes, qu'elles la doivent laisser aux docteurs.

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nymes; ils équivalent donc à des substantifs sans terminaisons significatives, et c'est comme tels que nous avons traité repentir et souvenir, dont la différence d'avec repentance et souvenance provient de ce que la terminaison de ces deux derniers marque une durée, un exercice continu, habituel, modification étrangère, comme toute autre, aux noms infinitifs repentir et souvenir.

SYNONYMIE DES SUBSTANTIFS ORDINAIRES AVEC DES PARTICIPES PASSÉS PASSIFS PRIS SUBSTAN

TIVEMENT.

§ I. Narration, narré. Exposition, exposé. Enonciation, énoncé. Prononciation, prononcé. Délibération, délibéré. Production, produit. Composition, composé. Dénégation, déni. Contradiction, contredit. Institution, institut. Fusion, fonte. Perdition, perte. Imposition, impôt. Croissance, crue.

SII. Rôt, rôti. Arrêt, arrêté. Fosse, fossé.

Suivant que les substantifs, avec lesquels les participes passés passifs ont des rapports de synonymie, sont ou ne sont pas à terminaisons significatives, les synonymes de cette classe se partagent en deux espèces, qui exigent chacune une règle de distinction particulière. Cet article doit donc se diviser en deux parties. Ensuite, il est à remarquer que dans la première espèce on ne trouve, comme synonymes des participes passés, que des substantifs en ion, à l'exception d'un seul qui est en ance. Ce dernier devra faire l'objet d'un examen à part. La seconde espèce donne lieu à une remarque analogue: parmi les substantifs à terminaison indifférente, qui ont pour synonymes des participes passés, deux, rôt et arrêt, sont eux-mêmes des participes passés; seulement ils s'éloignent un peu plus, par la forme, du verbe primitif et ne s'y rattachent pas aussi directement; mais un troisième, fosse, semble ne devoir pas être soumis à la même règle que les deux précédents, parce qu'il ne tire pas comme eux son origine d'un verbe antérieur.

SI. Substantifs à terminaisons significatives comparés avec des substantifs primitivement participes passés passifs et synonymes des premiers.

La différence des uns aux autres varie nécessairement suivant la valeur de la terminaison des substantifs proprement dits. Or, ceux-ci se terminant presque tous en ion, tout se réduit à savoir d'abord ce qui distingue les substantifs français ainsi terminés d'avec les substantifs participes dont il s'agit ici. Ion marque l'action, la réalisation présente de l'idée exprimée par le verbe; c'est une désinence subjective, c'est-àdire qui montre le sujet faisant l'action. Le participe passif signifie un résultat, la chose constituée et faite; c'est une désinence objective,

REPENTIR, REPENTANCE; SOUVENIR, SOUVENANCE. Les deux premiers mots signifient regret de ses fautes; les deux derniers, idée que la mé-c'est-à-dire qui désigne la chose comme un objet moire conserve de quelque chose.

L'infinitif étant abstrait, les substantifs à forme infinitive n'offrent point de déterminations à l'aide

ayant des qualités, mais sans rapport à l'agent qui l'a produite. De là résulte une telle distance entre les noms en ion et les participes correspon

dants, qu'on conçoit à peine la possibilité de leur synonymie. Cette synonymie n'a lieu en effet que quand le substantif se prend objectivement comme le participe pour exprimer le résultat de l'action, une chose faite, quand, par exemple, production veut dire, comme produit, une chose qui a été produite. Alors subsistent entre les deux mots des différences qui tiennent à la diversité de leur signification primitive.

chements, ni les modifications; il faut qu'il n'ait
rien de personnel, que le narrateur n'y mette
rien du sien, que rien n'y soit laissé à son ar-
bitraire. « Il y a dans ce discours d'Eschine un
narré aussi long qu'infidèle de l'administration
de Démosthène. » LAH. « Autant de mots, autant
d'erreurs grossières dans ce narré de La Beau-
melle, sur lequel il lui était aisé de s'instruire. »
VOLT.

Un simple fait conté naïvement,
Ne contenant que la vérité pure,
Narré succinct sans frivole ornement,
Voilà de quoi désarmer la censure. Id.

En littérature, on donne les règles de la narra-
tion, parce que dans la narration presque tout
est relatif et à la discrétion de l'auteur; on ne
donne pas de règles pour le narré, car il dépend
entièrement de la nature des faits. Lorsqu'on veut
exercer le talent des écoliers par des narrations.
on leur dicte pour sujet le narré des faits qu'ils
doivent raconter à leur manière.

Les substantifs proprement dits sont relatifs et concrets; les participes, absolus et abstraits. Les uns font connaître la chose extrinsèquement, ils la présentent dans ses particularités, dans ses rapports au temps, aux personnes, aux circonstances, à la manière; les autres la font connaître intrinsèquement, en elle-même, sans considération relative, indépendamment de tout rapport à l'agent et à son mode d'agir, abstraction faite de toutes les circonstances qui ont accompagné l'action. En un mot, quoique le substantif ne signifie pas l'action particulière de faire la chose, mais la chose faite, il la rappelle avec toutes ses particularités; tandis que le participe désigne la chose absolument, telle qu'elle est au fond, intrinsèquement, en soi. L'exposition admet plus de détails, elle laisse å De sorte que le participe se trouve, à l'égard l'auteur quelque invention et une manière prodes substantifs en ion, identiquement dans le pre; l'exposé est plus abstrait, ce n'est point une même rapport que les substantifs sans terminai-explication détaillée, mais un récit dans lequel son significative, dans le même rapport, par exemple, qu'acte et action, progrès et progression, concept et conception.

NARRATION, NARRÉ. Le sens commun à ces deux mots est l'idée d'un fait raconté, ou de la relation d'un fait.

EXPOSITION, EXPOSÉ. Chose exposée, mise sous les yeux par la parole; récit d'un fait avec ses circonstances.

les faits sont présentés d'une manière nue et simple. Un acte d'accusation contient l'exposé des faits qui ont provoqué les poursuites, et dont l'avocat donne ensuite l'exposition. Dans l'exposé de la cause, le juge d'instruction ne doit mettre que de l'impartialité; dans l'exposition de la même cause, l'avocat se montre plus ou moins habile. - L'exposition se considère sous le point de vue de la manière, de la forme, de l'art. « Quel sera le meilleur modèle d'exposition dans une tragédie? Celle de Bajazet passe pour un chef-d'œuvre de l'esprit humain. » VOLT. « L'éloquence propre aux historiens consiste dans l'art de préparer les événements, dans leur exposition toujours élégante, tantôt vive et pressée, tantôt étendue et fleurie.» ID. « Exposition lumineuse, animée. attachante. » LAH.-Dans l'exposé, on ne regarde que le contenu ou le fond des idées : un exposé fidèle ou infidèle (LAH.), faux (Boss., LAH.), absurde (LAH.), très-court (ID.). « Il résulte de cet exposé trois vérités incontestables. » J. J. « Il fallait cet exposé pour entendre ce qui va être raconté. » S. S.

La narration se rapporte à celui qui fait le récit, et à la manière dont il le fait; elle indique de sa part des détails, de l'invention pour les circonstances accessoires, une manière à lui propre. Le narré ne se rapporte qu'aux choses narrées, au fond du récit; il le présente de la façon la plus simple, la plus brève, la plus abstraite, la plus absolue, indépendamment de tous les détails de forme et de tous les ornements qui ne tendent qu'à faire valoir le narrateur ou sa cause c'est le récit pur et simple du fait, sans rapport à la manière. On donnera plutôt à narration les épithètes qui s'appliquent à l'auteur, à son style et à l'arrangement de son récit; à narré, celles qui conviennent au fait une narration intéressante plaît par la manière fleurie, élégante, bien ménagée dont les faits sont racontés; un narré intéressant plaît par ces faits eux-mêmes. La narration se qualifie comme une œuvre littéraire, poétique, ou oratoire; ce qu'on y consi- L'énonciation est relative; elle se rapporte à la dère le plus, ce n'est pas le fond, mais la forme manière dont on énonce, ou dont on s'énonce; ou la manière; les incidents y dépendent du nar- c'est la chose énoncée de telle façon, par telles rateur, qui peut à son gré les modifier. « Avoir personnes, dans telles circonstances de temps, de le talent de la narration. » LAH. « Le cardinal lieu ou autres. L'énoncé est absolu; il consiste Dubois avait des pointes de vivacité et des narra- dans la formule courte et claire, dans les termes tions amusantes. » S. S. « Les Grecs sont plus qui portent les idées à l'esprit; c'est la chose éloquents dans leur narration que curieux dans énoncée, abstraction faite de tout rapport et de leurs recherches. » Boss. « Bocace est le premier tout détail de circonstances. « Les lettres de modèle en prose pour le naturel de la narra- Voisin n'étaient que l'énoncé court de ce qu'il tion. » VOLT. Le narré se qualifie comme l'œuvre ordonnait en maître. S. S. « Il n'y a pas là la d'un historien ou d'un témoin; il doit être d'une moindre trace de figure ni de recherche : c'est le fidélité rigoureuse; il ne comporte ni les retran- | simple énoncé d'un fait. » LAH. On emploie bien

ÉNONCIATION, ÉNONCÉ. Ce qu'on énonce, expression d'une idée, d'une proposition.

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énoncé, surtout en mathématiques, c'est-à-dire dans les sciences où il ne doit rien apparaître de la manière propre du savant l'énoncé d'une question, d'un théorème. L'énonciation se qualife par rapport à l'agent qui énonce : elle est agréable, habile, intéressante, ou le contraire. L'énoncé se considère par rapport au sens de la proposition énoncée. Il est évident par cet énonce que... (VOLT.) « Eginhard met Rome et Ravenne parmi les villes métropolitaines de Charlemagne ; | n'est-il pas certain par cet énoncé que Rome et Ravenne n'appartenaient point aux papes? » VOLT. Condamner quelqu'un sur son énoncé (Boss.) « Il importe, pour avoir bien l'énoncé de la volonté générale, qu'il n'y ait pas de société partielle dans l'Etat. » J. J.

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PRONONCIATION, PRONONCÉ. On dit prononciation et prononcé de la sentence, du jugement, de l'arrêt, pour signifier ce que prononce celui qui porte la sentence, le jugement, l'arrêt, les paroles qui expriment sa décision.

Prononciation se rapporte à l'action et à la manière de prononcer; il présente la chose comme un événement. « On nous fit entrer pour entendre la prononciation de l'arrêt. » S. S. Mais si on considère les paroles du juge relativement à leur sens et à leur portée, c'est du mot prononcé qu'il faut se servir. Pendant la prononciation de la sentence, j'ai fait de vains efforts pour en comprendre le prononcé.

DÉLIBÉRATION, DÉLIBÉRÉ. A vrai dire, il y a peu de synonymie entre ces deux mots; le second signifie une délibération qui a lieu à huis clos entre les juges d'un tribunal. Nous les plaçons ici uniquement pour montrer que leur différence s'explique par notre règle générale, et par conséquent la confirme. Délibération est un terme concret, représentatif, faisant image; il peint une foule d'incidents, la tergiversation, l'opposition, l'attaque, la défense, la lutte du pour et du contre. Délibéré étant un terme absolu et abstrait, qui signifie la chose indépendamment de toutes ces circonstances, convient merveilleusement pour exprimer une délibération à huis clos.

PRODUCTION, PRODUIT. Chose produite ou ce qui est produit.

L'un reporte l'attention sur la manière dont la chose a été produite, l'autre la retient tout entière sur la chose, telle qu'elle est maintenant, en elle-même, bonne ou mauvaise. Quand on dit que tel ouvrage est une production remarquable de l'intelligence humaine, on a égard au travail qu'il a fallu pour le produire et à la capacité de la cause qui l'a produit. « Considérer dans les productions des esprits les efforts qu'ils font pour parvenir à la vérité. » PASC. Se borne-t-on à consurer la chose comme un simple résultat, on dira mieux produit: le produit d'une multiplication, des produits chimiques, l'exposition des produits de l'industrie française. Les productions sont les effets d'une cause active ou productrice dont elles rappellent l'action; les produits sont les resultats en soi d'une opération, d'un travail, d'un mélange, d'une combinaison, d'une transformation quelconque. Aussi dit-on les productions

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de l'esprit ou de la nature, et les produits de l'art ou des arts. « Les productions secondaires de la nature sont les seules auxquelles nous puissions comparer les produits de notre art.» Buff. A la vérité, on appelle aussi quelquefois produits les biens de la terre, mais c'est lorsqu'on les apprécie en eux-mêmes, sous le point de vue de l'économie politique, relativement à leur valeur vénale et à leur quantité. Le coton est une production abondante, et le produit d'un arpent suffit pour habiller trois ou quatre cents personnes. (COND.). L'habitant de la campagne contemple et suit avec intérêt les progrès des productions de ses arbres, et il porte au marché les produits de ses terres.

COMPOSITION, COMPOSÉ. Ce qui résulte de l'action de composer.

Composition, comme production, se rapporte à l'agent et à sa manière d'agir; au lieu que composé, comme produit, fixe l'esprit sur la chose en soi, telle qu'elle est. On trouve à redire à la composition d'une chose, quand on s'en prend à celui qui l'a composée et qu'on critique sa manière; mais dans Lafontaine Jupiter dit aux ani maux:

Si dans son composé quelqu'un trouve à redire, Il peut le déclarer sans peur; Je mettrai remède à la chose. DÉNÉGATION, DÉNI. Ces deux mots signifient, en termes de jurisprudence principalement, désaveu, refus de reconnaître qu'on ait fait ou dit quelque chose.

Mais dénégation est subjectif et déni objectif: l'un représente la chose comme se passant et telle qu'elle se passe, et l'autre comme étant et telle qu'elle est; en sorte que la dénégation est la manifestation dans un cas particulier de la chose appelée déni. Aussi la dénégation reçoit des épithètes qui rappellent un fait, sa manière, ses circonstances, sa durée ou son auteur; au lieu que celles qui sont applicables au déni le caractérisent en lui-même, intrinsèquement, essentiellement, quant à sa nature on dit une dénégation formelle, nette ou équivoque; persister dans ses dénégations; entendre des dénégations; et un déni suspect ou digne de foi. On rapporte en historien des dénégations qui ont été faites; on examine ou on décide théoriquement, en légiste, quelle est la valeur d'un déni qui serait fait dans tels cas, dans telles conditions. Fénelon avait cherché, dans une Instruction pastorale, à adoucir certaines propositions contenues dans son livre des Maximes des saints. Bossuet le reprend ainsi : « C'est là une explication directement contraire au texte; c'est là une de ces sortes de dénégations qui servent à la conviction d'un coupable, où le déni d'un fait évident marque seulement le reproche de la conscience. >>

CONTRADICTION, CONTREDIT. Ces deux mots signifient un dissentiment, une opposition que l'on fait à une proposition: tous deux emportent l'idée de contredire quelqu'un, ses pensées, ses opinions, ses paroles, c'est-à-dire de soutenir le contraire de ce qu'il avance.

Mais l'un se rapporte à l'idée du contradicteur, à son opposition manifestée, à la lutte qu'il in

stitue avec éclat; l'autre ne se rapporte qu'à la

public.

IMPOSITION, IMPÔT. Contribution, ce qui est chose objectée en elle-même, à sa valeur intrin-imposé aux citoyens, ce qu'ils payent au trésor sèque, à son sens, à sa portée. L'une est de fait et concrète, l'autre de droit et abstraite. C'est Le premier de ces mots est relatif, le second seulement dans les deux locutions adverbiales | absolu. « L'imposition, dit Roubaud, est l'impôt sans contradiction et sans contredit que ces mots sont vraiment synonymes. Sans contradiction, c'est-à-dire, sans qu'on contredise; sans contredit, c'est-à-dire sans qu'on puisse contredire. Une proposition passe sans contradiction (PASC., VOLT.), et elle est vraie sans contredit (DESC., BOURD., VOLT.).

INSTITUTION, INSTITUT. Établissement fondé pour plus ou moins de temps.

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considéré relativement à l'acte d'imposer. C'est un tel impôt particulier, ou une telle portion du revenu public établi en tel temps, de telle manière, avec telles conditions. » Et il faut ajouter, sur telles ou telles personnes. On répartit l'impôt, et, l'impôt reparti, chacun paye ses impositions, c'est-à-dire son contingent, sa part de l'impôt général. L'impôt, réunion des impositions, constitue le revenu public et pèse sur la masse; l'imposition, variable suivant les membres de l'Etat, pèse sur les individus. « La crusade est une imposition sur le clergé, que les papes ont accordée souvent aux rois d'Espagne pour la guerre des Maures. » S. S. « Les censeurs mirent sur Emilius une imposition huit fois plus forte que celle qu'il avait payée jusqu'alors. » COND. « On fait, dit encore Roubaud, l'histoire économique de l'impôt et le détail historique des impo

L'institution est relative, peu durable, et n'a qu'une existence précaire; l'institut est absolu et fondé à toujours. Il y a entre ces deux mots la même difference qu'entre corporation et corps, signifiant une réunion de personnes qui vivent d'après des règles communes. La première société savante de France porte le nom d'Institut, parce que c'est une institution créée à perpétuité. On appelle aussi institut la règle de vie prescrite à un ordre religieux au temps de son établisse-sitions. » Il remarque aussi que quelquefois les ment, et ce mot en marque la fixité, l'invariabilité. « Les religieuses de Port-Royal avaient joint à leur règle (c'est-à-dire à leur institut) l'institution du saint sacrement; elles avaient demandé et obtenu de Rome la confirmation de cette institution.» PASC.

FUSION, FONTE. Liquéfaction, destruction de la cohésion.

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La fusion est une action, et la fonte un état. « Il faut que le zinc soit chauffé presque au rouge avant qu'il puisse entrer en fusion. Dans cet état de fonte, sa surface se calcine et se convertit en chaux grise.» BUFF. Cela est si vrai, que, dans une acception particulière, fonte signifie la matière même fondue fer de fonte. « Il ne reste alors à la mine que la quantité de calcaire nécessaire à sa fusion, ce qui fait la bonne qualité de la fonte. : BUFF. Que si fonte exprime aussi quelquefois l'action, il la représente comme un effet, comme une modification reçue on facilite la fusion des métaux (BUFF.) en les aidant à se fondre; on leur donne une ou plusieurs fontes (BUFF., REGN.). D'ailleurs, fusion étant formé immédiatement du latin fusio, au lieu que fonte dérive du verbe français fondre, fusion est un terme scientifique de métallurgie, et fonte un mot du langage commun. « C'est un prodige que la fonte et la fabrication du veau d'or en vingt-quatre heures. >> VOLT. « Le goût nous donne la sensation par la fonte de certaines parties de matière. » BUFF. La fonte des neiges, la fonte des humeurs.

PERDITION, PERTE. Ces mots n'ont de synonymie que dans le langage de la dévotion, car perdition n'est point usité ailleurs.

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impositions désignent particulièrement des charges variables, non pas constitutives de l'impôt primitif et permanent, mais qui y sont ajoutées. « Outre les tailles, il y avait encore d'autres impôts, nommés aides, gabelle.... Le comte de Soissons tenta d'obtenir du roi une imposition de quinze sols sur chaque ballot de toile. » Cond. « On n'a jamais rien tiré des Pays-Bas par des impositions arbitraires. » VOLT.

Il est à remarquer que outre que les substantifs examinés jusqu'ici ont la désinence ion, laquelle se distingue par un caractère de noblesse comme dérivant du latin, ils sont tous latins dans la composition de leurs radicaux. Au contraire, la plupart des participes qui leur sont unis par des liens de synonymie, au lieu d'être directement traduits de participes latins, se présentent sous les formes que prennent d'ordinaire ces sortes de mots dans notre langue. Il s'ensuit pour les premiers une supériorité qui les rend plus propres à figurer dans le style relevé. De là vient en partie qu'on dit plutôt les productions de l'intelligence et les produits de l'industrie; de là vient surtout que fusion s'emploie seul au figuré pour signifier alliance et mélange, fusion de deux systèmes, fusion de deux partis', et que perdition n'est d'usage qu'en matière de religion et de moralité.

On peut s'étonner de voir traiter ici comme participes passés les mots fonte et perte, tandis que nous avons considéré ailleurs comme des radicaux nus, progrès, acte, concept. (Voy. ces mots.) Cette irrégularité, vraie en elle-même, n'entraîne aucun inconvénient, et par conséquent importe fort peu. Tous ces mots, comme

Ils signifient l'état d'une personne qui est dans une croyance contraire à celle de l'Eglise, ou qui se livre habituellement au vice. La perdition est relative, elle a des degrés; elle dure: la perte est absolue, c'est une chose faite, accomplie, ir-fectait pas le langage technique. rémédiable par conséquent; elle se considère après et non pendant. Si l'on ne quitte la voie de perdition, on est bien sûr d'arriver à sa perte.

époque plus ancienne de notre langue, où on avait 4. Fonte s'est bien dit aussi au figuré, mais à une d'autres préoccupations qu'à présent et où on n'af

Remettez, pour le mieux, ces deux vers à la fonte. Law. « Il faut qu'il se fasse comme une fonte universelle du cœur, pour purifier l'amour divin.» FÉN.

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