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sons profondément dans les entrailles de l'humanité, plus nous découvrons de grandeur dans l'homme. Mais plus nous contemplons, ravis, sa grandeur, plus aussi nous sommes frappés d'étonnement et de douleur en voyant des ruines, en voyant des pans de muraille abattus de ce monument magnifique élevé sur le globe terrestre par la main puissante du Créateur. La foudre a atteint l'image même de Dieu! et son empreinte est indélébile sur notre front!

Dans son état de pureté primitive, l'homme, on le conçoit, était environné des rayons du soleil incréé, inondé du torrent des lumières divines. L'homme, dans le délire de son enivrement, s'éloigne de Dieu; il brise lui-même le lien qui l'attache à son créateur. Privé de ses communications intimes avec le Verbe, privé en partie de ses lumières, l'homme ne voit plus aussi clairement les vérités à la connaissance desquelles Dieu l'avait destiné. L'ignorance est donc la peine fatale de son éloignement de la source des lumières. L'homme est devenu ignorant, mais il n'est pas devenu inintelligent. Voyez! à la moindre lueur de lumière comme il comprend; et, quand il a compris, voyez les prodiges qu'il opère! Homme! ô fils d'Adam, je t'en supplie avec amour, ne te laisse pas une seconde fois enivrer par l'orgueil. Privé de la plus grande partie de la lumière dont le Verbe divin t'illuminait intérieurement, tu sens le besoin que tu as de la lumière externe, tu la cherches avec des efforts inouïs; et ton intelligence, comme ton corps, ne vit que de son travail in laboribus comedes.

Tout te prouve ton objectivité, et conséquemment ta dépendance les récits bibliques, l'histoire tout entière du genre humain, les lettres, les arts, la tradition, toutes les

sciences; es sciences elles-mêmes ne sont qu'une objectivité pour toi; elles ne sont que l'histoire des faits permanents (1). La géologie n'est que l'histoire ou la description de la terre; la physique n'est que l'histoire ou la description du globe; la chimie n'est que l'histoire des éléments qui le constituent; l'astronomie n'est que l'histoire des corps célestes ; les mathématiques ne sont que l'histoire des grandeurs; la physiologie n'est que l'histoire de l'organisme vivant; la métaphysique n'est que l'histoire des vérités éternelles et indépendantes de la matière; la psychologie n'est que l'histoire des faits qui se passent au dedans de toi même : toutes les sciences donc, la vue intérieure qu'éclaire le flambeau divin, la voix de ta conscience, tout coïncide vers le même but et nous montre la vie de l'homme comme un fait arrivé dans le temps, mais comme un fait indestructible et magnifique. L'avenir s'ouvre radieux à nos regards; nos aspirations ne sont plus enchaînées à la matière; nous sentons en nous la puissance de la vérité; nous la voyons autour de nous. Nous ne sommes que d'hier; nous sommes le plus obscur des soldats de la plus sainte des causes; mais le mot inscrit sur notre bannière s'est trouvé gravé au fond des cœurs de tous les hommes généreux: Affranchissement universel par le triomphe du vrai dans les rapports sociaux : et le souffle de leur poitrine a dissipé la poussière des écoles de l'égoïsme et du pharisaïsme.

(1) On ne voit dans l'histoire que le récit d'un fait, que le témoignage rendu à un fait; et on voit dans la science surtout l'enchaînement des rapports des êtres, les déductions tirées des vérités premières. Mais ces déductions, ces rapports n'existent-ils pas dans l'essence des êtres; et leur exposition par conséquent est-elle autre chose qu'une description de ce qui est, qu'un témoignage rendu au fait de l'existence du vrai?

J'ai entendu le frémissement étouffé des sensualistes et

des Pharisiens!

L'éclectisme, cette chaîne de boue qui les unissait, a été brisé. Sa chute se cache dans le silence; je le dis bien haut, parce que dans Paris, cette ville de l'audace et de l'énergie, cette capitale de la générosité humaine, j'ai vu la phalange serrée des hommes de l'avenir; et j'ai vu, nouveau labarum sacré, planer sur nos têtes les âmes des grands citoyens, séparés de nous par la tombe; ils vivent immortels au milieu de nous, leur vie est notre vie; les barrières qui divisent les générations disparaissent; les limites qui fractionnent les peuples s'effacent; l'univers entier, voilà notre république! Il n'y a plus d'accès que pour les doctrines généreuses. On est las de subir le joug de doctrines étroites, bizarres, sans nom, et sorties des vieux décombres du paganisme; une électrique sympathie entre les âmes que séparait un stupide antagonisme fait déjà pressentir le règne futur de l'universelle justice. Que nous importe à nous l'orgueil égoïste d'une école? que nous importe un homme imposant ou un homme qui se pose? La raison la plus vraisemblable que l'on puisse donner de l'établissement du paganisme, c'est l'aspiration de l'homme à la divinité. Et cette aspiration, je la retrouve partout où je vois une infraction à la loi de la justice universelle. Nous ne voulons plus de ces divinités-là; nous rejetons avec mépris la devise païenne: Paucis vivit humanum genus. Nous ne légitimons d'autre passion que celle du bien de tous Loin de nous les dieux faux et trompeurs! La liberté de l'homme ne vivra jamais dans l'ignominie de l'apothéose d'un homme! Et nous prenons notre essor vers la liberté. Pour nous, la victoire, c'est la vérité; la dignité, c'est la

vertu; le triomphe, c'est la justice. L'hypocrisie, c'est la prière à Dieu d'un homme qui n'aime pas l'homme; le cynisme, c'est l'hommage public à Dieu d'un homme qui prostitue la dignité humaine. Jamais l'homme n'ira à Dieu sans l'homme. C'est donc au nom de la justice universelle que je vous invite à élever vos désirs vers Dieu, intrépides athlètes de la vérité; en me révélant la générosité de votre âme, votre voix a porté l'espérance dans mon âme. Il n'y a point d'espérance sans la foi. La foi, qui n'est que la victoire de la raison sur l'emportement, prépare de nouveaux prodiges à notre siècle. L'homme de l'univers le plus capable de soutenir l'honneur d'un duel, écrit contre le duel un livre éminemment énergique et chrétien (1). L'idée, qui grandit les âmes, fixe aussi l'amour d'une génération pleine de vie. Je suspens ici, non sans effort, l'expression de mes joies et de mon admiration. Laissons germer dans la sainteté du recueillement l'œuvre des hommes qui guideront le jugement et qui détermineront le sort de la postérité. La reconnaissance publique donnera, en temps opportun, assez d'éclat à leurs noms. Le présent bientôt sera consolé par les espérances de l'avenir. Sans doute il brille dans l'homme un principe naturel de vertu; sans doute l'homme pense naturellement, puisqu'il est l'image de Dieu. Mais l'homme n'est pas éternel, donc il est nécessairement objectif, et sa loi dans ses rapports sociaux, c'est la loi éternelle, en d'autres termes, c'est l'idée divine objectivée dans l'âme humaine. Cette loi-là ne conduira jamais à l'injustice. Les biens temporels ont des avantages, une nécessité que je ne conteste pas; mais ils se multiplieraient

(1) M. Th. A. Mendez publie, en outre, un livre sur la peine de mort, un livre contre le suicide et un livre contre l'usure.

au gré de nos désirs, de nos besoins sous le règne de la Justice.

L'homme est naturellement raisonnable, je l'affirme; mais j'affirme qu'il est nécessairement objectif, et que sa vraie grandeur dépend de l'idée qu'il objective librement en lui. Il devient déraisonnable, petit, s'il objective en lui une idée fausse ou étroite.

Ainsi, l'objectivité humaine est le fondement de ma théorie; la négation de la souveraineté humaine en est la conséquence logique. Sans concevoir l'homme souverain, je pourrais le concevoir heureux; je ne pourrais même pas le concevoir malheureux, s'il m'apparaissait intègre dans sa nature. Le spectacle de ses maux est pour moi une preuve invincible qu'il est privé de son intégrité. L'intégrité d'un être consiste dans la double harmonie de ses éléments constitutifs entre eux et avec les objets externes. Celui qui oserait affirmer l'existence de cette harmonie complète pourrait me convaincre de l'existence de l'intégrité humaine. L'harmonie de nos éléments matériels entre eux et avec les corps d'où dépend notre existence constitue l'intégrité de notre vie matérielle. L'harmonie de nos rapports avec la loi divine, qui est aussi notre loi de nature, constitue l'intégrité de notre vie morale. Notre âme et notre corps, appartenant à deux substances d'une nature différente, sont formés sur le même type. Chaque faculté de l'âme a sa corrélative dans une faculté physique. Tout ce qui entretient notre vie animale nous vient des corps externes; tout ce qui entretient notre vie morale, tout le bien qu'il y a dans le monde, nous vient d'une lumière externe, de vérités primitivement révélées; l'homme vit de pain et de la parole de Dieu; cette affirmation n'a rien de contraire à la

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