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heur à vous, Pharisiens, qui fermez le royaume des cieux aux hommes; qui n'entrez ni ne laissez la voie libre aux autres (1). »

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Comment! ni ne laissez la voie libre aux autres?

Parce que si l'on ne rencontre que leur orgueil sur son passage, on abandonne la route, plutôt que d'être dupe de leurs ruses s'ils n'ont pas la force, victime de leur dureté s'ils sont au pouvoir, et dupe et victime tout à la fois s'ils veulent cumuler le bénéfice de vos hommages et de votre perte. « Gardez-vous, dit le Christ, gardez-vous des faux prophètes qui viennent à vous sous des vêtements de brebis et qui sont intérieurement des loups avides. » L'aviditė est une aspiration de l'égoïsme c'est l'élément païen. « Ne suivez pas ces prophètes, ils sont aveugles et conducteurs d'aveugles... (2). Examinez bien, poursuit le Christ, et méfiez-vous du ferment des Scribes et des Pharisiens (3); » c'est-à-dire n'acceptez point l'idée qui vient de l'homme ; l'idée, pour être salutaire à l'homme, doit avoir une origine divine. L'homme vit de la parole, mais de la parole qui procède de Dieu (4). Jésus lui-même établit en un mot le principe de l'idée religieuse ou exclusivement theocratique, et cette idée-là détruit radicalement toute domination humaine : « Tu es heureux, Simon; ce ne sont point la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est

(1) Væ vobis, Pharisæi, quia clauditis regnum cœlorum ante ho. mines; vos enim non intratis, nec introeuntes sinitis intrare. (Sanct. MATTH., XXIII, v. 13.)

(2) Sinite illos; cæci sunt, et duces cæcorum cæcus autem si cæco ducatum præstet, ambo in foveam cadunt. (S. MATTH., xv, v. 14.)

(3) Intuemini et cavete à fermento Pharisæorum et Sadducæorum. (S. MATTH., c. XVI, v. 6.)

(4) Vivit de omni verbo quod procedit de ore Dei.

dans les cieux. » Voilà la vérité nettement, complétement dégagée de tout mélange humain ; et si l'intégrité de l'abnégation humaine ne correspond pas à l'intégrité de la vérité divine, Jésus marque aussitôt l'impureté de l'élément humain : « Loin de moi, séducteur! tu es un scandale pour moi, car ta sagesse ne vient pas de Dieu, elle vient des hommes (1). » Je défie que, sans renoncer au Christ, on puisse nier la théocratie dans l'ordre des idées religieuses. Cette théorie ébranle la domination du clergé !

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·J'ai déjà déclaré que je ne reconnaissais aucune domination sur l'homme que celle de Dieu; et le jour où j'accepterais la domination humaine, de quelque côté que l'on voulût me l'imposer, ce jour-là je me croirais idolâtre, selon la parole du Christ, qui déclare que les idolâtres seuls reconnaissent la domination de leurs chefs. « Vous savez que les chefs des nations les dominent; il n'en sera point ainsi parmi vous celui qui voudra être au premier rang sera le serviteur de tous (2). » Le pontife romain, chef de l'Église, se nomme lui-même le serviteur des serviteurs, synthèse sublime de la foi, de la charité, de la hiérarchie catholique!

Jamais, dans l'histoire du monde entier, je n'ai vu le principe de la domination humaine sortir de l'idée chrétienne. J'en ai constamment vu sortir la domination divine; et l'Église vit si bien de la parole de Dieu, que toutes ses prières, toutes ses actions, tous ses mouvements commencent et finissent par ces mots : Per Jesum Christum Dominum nostrum. Dans l'Église, rien d'humain, rien qui parte d'elle. Que si elle a une volonté, elle en affirme aus

(1) S. MATTH., c. XVI, v. 23.

(2) S. MATTH., xx, v. 25.

sitôt la subordination et en justifie la droiture par sa conformité à la volonté de Dieu (1). En sorte que je ne vois là que soumission, obéissance de la volonté humaine à la vòlonté divine, et c'est cette soumission même qui constitue l'infaillibilité de l'Église. Église catholique, apostolique et romaine, c'est toi qui as élevé mon cœur à Dieu; c'est toi, et toi seule, qui m'as appris qu'aucune créature ne pouvait être le dernier terme de mes vœux et de mes hommages; c'est toi qui m'as appris que je n'étais chrétien que parce que je voulais l'être, que la vertu était le fruit de la liberté, aidée de la grâce, grâce que tu ne cesses de demander, dans tes prières à Dieu, pour tous les enfants des hommes; reçois, Église vénérable, mon amour; je m'attache à toi plus qu'aux biens, plus qu'à la vie; car ce n'est que ta voix sainte et maternelle qui peut me conduire dans le sein du père des mortels!

- Si ce n'est pas à l'entendement divin que l'homme doit soumettre sa volonté, à quel entendement la soumettra-t-il? A son propre entendement ou à l'entendement d'un autre homme? Mais tout homme est faillible (2). Donc, la domination humaine est impossible, car l'erreur est une négation. La souveraineté est féconde par essence; la négation est le néant. Que de ruines, à tous les âges, la négation n'a-t-elle pas entassées sur la terre!

Le corps de la doctrine divine a l'univers pour gardien (3). Les religions hérétiques ou humaines ont pour gardiens un royaume, un État, une force quelconque, qui, sous le rapport hérétique, se sépare de la grande famille (1) Visum est enim Spiritui sancto et nobis. (Act. Apost., c. xv, v. 28.)

(2) Omnis homo mendax.

(3) Credo in Ecclesiam catholicam.

humaine, de tous ceux du moins qui, dans cette grande famille, ne prennent pas la volonté d'un homme pour le centre des pensées humaines.

La domination de la pensée humaine étant impossible, et la domination, dans la conduite de la vie, n'étant que l'application de la pensée, il s'ensuit que la seconde devient, comme la première, également impossible. Tous les empires établis sur la force se sont avilis quand ils n'ont pas disparu, parce que la force, la domination humaine anéantissant la personnalité de l'homme, les rois, les souverains de ces peuples ne se sont plus trouvés, au bout d'un certain temps, que des conducteurs de troupeaux. L'homme ne peut pas vivre sous la domination de l'homme sans s'abrutir.

L'homme ne dépend que d'un maître (1), et ce maître unique, c'est Dieu (2). Or, comme Dieu est le créateur, le père de tous les hommes, comme il les aime tous également (3), il n'est pas possible qu'il y ait sous son gouvernement une victime. Sous la loi divine, l'homme ne peut être victime que de lui-même. S'il s'éloigne de la loi naturelle, il altère par cela même sa nature; si cette altération n'est pas volontaire, si elle lui vient d'une cause étrangère, cette cause étrangère est d'origine humaine; elle ne part pas de Dieu, elle part de la domination humaine, c'est-àdire de l'usurpation par l'homme de la souveraineté divine. L'homme n'a reçu (4) qu'une mission, et il prend l'initiative à son profit, voilà le caractère de la domina

(1) Unus dominus.

(2) Magister vester unus est Christus.

(3) Non est personarum acceptio apud Deum. (4) Dedi spiritum meum. (ISA., c. 42.)

tion. Dieu distingue en ces termes la mission de la domination: «Bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu ! » Appelez, appelez toujours! c'est là votre douce et sainte mission; mais ne persécutez jamais. Celui qui est appelé n'aura à répondre qu'à Dieu de son adhésion ou de son refus (1). «Malheur à vous, qui faites du prosélytisme » et qui rendez vos prosélytes deux fois plus corrompus » que vous (2), » car ils ne sont point venus à Dieu dans la liberté de leur cœur.

<< Vous préférez l'or au temple (3), vous levez la dîme et vous abandonnez la miséricorde et la foi (4). Vous relevez l'extérieur sans purifier l'intérieur (5). Sépulcres blanchis, qui ne brillez qu'aux yeux, vous paraissez justes, et vous êtes remplis d'hypocrisie et d'iniquitės (6). »

<< Malheur au pasteur qui, au lieu de paître ses brebis et de les défendre contre les bêtes féroces, les conduit avec brutalité, se couvre de leur toison, s'engraisse de leur chair et les persécute quand elles sont faibles, jusqu'à ce qu'il les ait abattues. » Puisse cette divine voix, protectrice de l'innocence opprimée, consoler les victimes que je con

(1) Domino suo stat aut cadit. (S. PAUL. ad Rom., c. XIV, v. 4.) (2) Hypocritæ, quia circuitis mare et aridam, ut faciatis unum proselytum, et cum fuerit factus, facitis eum filium gehennæ duplò quàm vos. (S. MATTH., ch. XXIII, v. 15.)

(3) Quicumque juraverit in altari, nihil est quicumque autem juraverit in dono, quod est super illud, debet. (Id., v. 18.)

(4) Decimatis mentham, et anethum et cyminum, et reliquistis quæ graviora sunt legis, judicium et misericordiam et fidem. (Idem, v. 23.)

(5) Mundatis quod deforis est calicis et paropsidis : intus autem pleni estis rapinâ et immunditiâ. (Id., v. 25.)

(6) Similes estis sepulcris dealbatis, quæ à foris parent hominibus speciosa, intùs verò plena sunt ossibus mortuorum et omni spurcitiâ. (Id., v. 27.)

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