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les premiers temps de leur empire. On comprend l'influence que cette théorie donna aux astronomes qui, pour s'accréditer, firent des dieux des astres telle fut l'origine du sabéisme. Mais le crédit des astronomes aurait porté ombrage aux chefs des nations, il y aura alliance entre eux. Une des conditions de l'alliance sera de poser en principe que les chefs des nations descendent directement des astres; le Céleste Empire est encore gouverné par les fils . du Soleil. Ce petit arrangement, facile entre humains, n'était pas compatible avec l'affirmation de Dieu éternel, infini, père et protecteur de tous les hommes. On triomphe de cette difficulté à l'aide de l'heureuse invention de la philosophie différente, qui efface peu à peu l'idée gênante d'un Dieu unique, et qui rattache l'idée divine au cours régulier des astres. L'introduction de cette clause rend la philosophie souveraine; mais pour supporter cette souveraineté humaine il faut plus que de la patience, il faut de la stupidité aux peuples écrasés, avilis par le travail, la misère, le fouet, l'abrutissement et l'esclavage. Comprend-on qu'en l'an de grâce 1853 on ait pu, sans exciter l'indignation, se vanter d'avoir arraché la religion à la superstition (1)? L'homme rectifiant l'œuvre de Dieu! Mais cet homme, où prendra-t-il une idée pour la donner comme mesure à l'idée divine? Ah! les hommes n'ont que trop mêlé un impur alliage à l'idée de Dieu, pour dépopulariser une religion, admirable quand on peut la voir dans sa pureté.

La volupté révoltante des souverains n'ayant pas, aux yeux des peuples, une raison suffisante d'être, on inventa des dieux impurs; on les matérialisa. Babylone est deve

(1) Cousin, préface de la deuxième édition du Bien, du Beau, etc.

nue le synonyme de corruption et d'infamie. Tout y est Dieu, comme dit Bossuet, excepté Dieu lui-même. Du sein de la Chaldée sortirent donc l'astrologie, le sabéisme, le fatalisme, le matérialisme et l'idolâtrie, et nulle part la corrélation des doctrines et du sort des peuples n'est mieux marquée. Faut-il que le malheur des premières nations de l'univers ait si peu profité à l'humanité inattentive et oublieuse!

IX

La collection des théories philosophiques de la Perse est renfermée dans le Zend-Avesta (1), dont Zoroastre, qui eut Pythagore pour disciple, passe pour être l'auteur.

Le Zend-Avesta forme deux parties: l'une, composée du Vendidad, de l'Izeschné, du Vispered, traite principalement de la nature de Dieu et de la religion; l'autre, appelée le Boundehesh, traite de la création.

Au commencement existait le temps sans bornes, unitě première, source des êtres.

Le temps sans bornes produit Ormuzd, être pur et bon, lumière créatrice; il produit aussi Ahrimane, principe mauvais et ténébreux, chef de ceux qui n'ont pas de chefs. Voilà donc l'anarchie qui cesse d'appartenir à M. Proudhon.

Avec ces deux principes, l'antagonisme devient l'origine de l'univers. C'est encore ici une de ces absurdités qui ont fait d'insolentes fortunes philosophiques que rien ne justifie. Antagonisme est un mot vague; en faut-il plus pour le mettre en vogue? L'antagonisme n'est pas un mythe, il

(1) Le Zend-Avesta a été traduit dès 1771, par Anquetil-Duperron. MM. Polier, Burnouf fils, ont récemment publié des travaux trèsremarquables sur les philosophies orientales.

n'est pas une puissance mystérieuse, il n'est que la négation d'une qualité dans un être bon, il est le contraire de l'harmonie toute négation est une destruction.

Ormuzd produit d'abord les fervers, les types vivants de toutes choses, puis les Amschaspands et les Izeds, chefs des bons génies. Ahrimane produit les génies mauvais ou Dews.

Où ailleurs que dans la tradition primitive Zoroastre eût-il puisé l'idée de cette création première comprenant deux mondes opposés, les bons et les mauvais génies? L'abaissement graduel de l'intelligence humaine commence à se révéler. La théorie divine de Zoroastre est loin de présenter le même caractère de majesté que celle des Védas. Elle n'embrasse qu'un aspect de l'infini: l'éternité, ou la durée sans bornes. L'antagonisme, principe de l'univers, est un système complétement illogique; il est cependant la source de toutes les théories postérieures du dualisme, qui n'est lui-même qu'une altération de la tradition première; en sorte que les faits révélés d'abord, altérés ensuite, ont donné naissance à toutes les théories philosophiques de l'univers. Voilà pourquoi il n'y a pas encore un vrai système de philosophie, puisque la philosophie n'a été par essence que la vérité altérée. L'homme a mal combiné et mal associé les idées révélées; c'est là toute son invention. Était-il plus heureux dans l'explication du monde visible, lorsqu'au lieu d'en observer les lois, comme le lui a appris Bacon, il lui donnait des lois au gré de sa folle imagination? Une idée n'a jamais été produite par l'esprit humain; les idées ont été objectivées dans l'intelligence humaine, mais le miroir altéré les a mal reproduites: c'est là tout le secret de l'antagonisme.

X

L'Égypte a été peuplée par des colonies éthiopiennes composées des premières migrations de l'Orient. La cité éthiopienne de Méroé se vantait de posséder la tradition d'une haute et antique philosophie. L'Égypte, regardée comme l'institutrice des nations, n'a pu leur transmettre que la science qu'elle avait elle-même reçue, ce qui explique naturellement l'universelle propagation de l'erreur.

Le droit divin était institué en Égypte comme dans la Chaldée et comme dans l'Indoustan : la dernière déduction de ce système sacrilége était un impitoyable despotisme. Les pyramides se conservent dans le cours des siècles comme des témoins irrécusables de la dureté des maîtres et de la servitude des peuples.

Dieu, chez les Égyptiens, est sans nom; il est le principe invisible de tout ce qui existe; il est l'être incompréhensible, l'obscurité primitive, la source cependant de la lumière et de la vie, la suprême intelligence, l'homme par excellence. Sa première émanation est la raison efficiente des choses; la seconde est l'organisation du monde. Le principe actif est l'esprit, Osiris; le principe passif est la matière, Isis. Tout ce qui existe est produit par l'union de l'esprit et de la matière. L'esprit, Osiris, est identifié avec le soleil; la matière, Isis, est identifiée avec la lune. Le panthéisme est dans l'union des deux principes, le dualisme se montre dans leur simple énonciation, leur identification avec le soleil et la lune manifeste le sabéisme, d'où dérive l'androlâtrie, et bientôt après toute espèce d'idolâtric. La philosophie égyptienne ne me paraît être qu'un informe mélange des systèmes hindous, chaldéens et persans, un

éclectisme aussi judicieux que celui qui outrage aujourd'hui le bon sens public en Allemagne et en France. Je n'ai pu découvrir dans cette philosophie un caractère qui lui fût propre. Il faut s'en rapporter aux savants de Méroé : ils n'ont été que les dépositaires de la tradition d'une ancienne philosophie.

ΧΙ

La philosophie, qui a toujours voulu attirer exclusivement les regards des hommes, quand elle n'a pas travaillé à les corrompre pour les asservir, a gardé un silence si habilement calculé sur le peuple juif, ou a parlé de lui avec tant de haine et de dédain, que, parmi mes lecteurs, plusieurs seront surpris peut-être de me voir consacrer quelques lignes à l'exposition de la doctrine des Hébreux. Cette haine et ce dédain sont de vieille date; les passions et les intérêts, qui multipliaient les dieux, ne devaient pas faire grâce aux hommes fidèles à la tradition de l'enseignement primitif, restés les seuls propagateurs de la doctrine de l'unité divine. Cette doctrine contenait en germe l'avenir du monde.

Héber, petit-fils de Noè, et l'un des aïeux d'Abraham, fut la souche du peuple hébreu. Cet ancêtre du grand patriarche conserva seul son idiome lors de la confusion des langues sur le sol où Babylone fut bâtie, et le transmit à ses auteurs tel que nous le lisons dans la Bible (1). C'est par lui que la vraie notion de Dieu fut transmise de génération en génération à la postérité d'Abraham, qui refusa avec un si noble courage d'adorer les astres et de profaner ainsi le culte du vrai Dieu. La notion du vrai Dieu passa (1) Voyez saint Augustin,

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