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trionale ont leur temps de migrations, toujours correspondant aux besoins de l'homme. Il n'y a pas jusqu'aux ours blancs de Terre-Neuve, dont la fourrure est si nécessaire aux Esquimaux, qui ne soient envoyés à ces Sauvages par une providence miraculeuse. Ces monstres marins abordent aux côtes du Labrador, sur des glaces flottantes, ou sur des débris de navires où ils se tiennent comme de forts matelots sauvés du naufrage.

Les éléphants voyagent aussi en Asie; la terre tremble sous leurs pas; et cependant il n'y a rien à craindre: chaste, intelligent, sensible, Behmot est doux parce qu'il est fort, paisible parce qu'il est puissant. Premier serviteur de l'homme, et non son esclave, il tient le second rang dans l'ordre de la création : après la chute originelle, les animaux s'éloignèrent du toit de l'homme; mais on pourrait croire que les éléphants, naturellement généreux, se retirèrent avec le plus de regret, car ils sont toujours restés aux environs du ber

ceau du monde. Ils sortent de temps en temps de leur désert, et s'avancent vers un pays habité, afin de remplacer leurs compagnons, morts sans se reproduire, au service des fils d'Adam'.

1. Les plumes éloquentes qui ont décrit les mœurs de ces animaux, nous dispensent de nous étendre sur ce sujet. Nous dirons seulement que les éléphants ne nous paraissent d'une structure si étrange, que parce que nous les voyons séparés des végétaux, des sites, des eaux, des montagnes, des couleurs, de la lumière, des ombres et des cieux qui leur sont propres. Les productions de nos latitudes, mesurées sur une petite échelle, les formes généralement rondes des objets, la finesse de nos herbes, la dentelure légère de nos feuillages, l'élégance du port de nos arbres, nos jours trop pales, nos nuits trop fraîches, les teintes trop fuyardes de nos verdures, enfin la couleur même, le vêtement, l'architecture de l'Européen n'ont aucune concordance avec l'éléphant. Si les voyageurs observaient plus exactement, nous saurions comment ce quadrupède se marie à la nature qui le produit. Pour nous, nous croyons entrevoir quelques-unes de ces relations. La trompe de l'éléphant, par exemple, a des rapports marqués avec les cierges, les aloës, les lianes, les rotins, et dans le règne animal, avec les longs serpents des Indes; ses oreilles sont taillées comme les feuilles du figuier oriental; sa peau est écailleuse, molle, et pourtant rigide, comme la bourre qui enveloppe une partie du trone du

palmier, ou plutôt comme la filasse ligneuse du coco; beaucoup de plantes grasses des tropiques s'appuient sur la terre comme ses pieds, et en ont la forme lourde et carrée ; son cri est à la fois grêle et fort, comme celui du Cafre, ou comme le cri de guerre du Cipaye. Lorsque couvert de riches tapis, chargé d'une tour, semblable aux minarets d'une pagode, l'éléphant apporte quelque pieux monarque aux débris de ces temples qu'on trouve dans la presqu'île des Indes, sa masse, les colonnes de ses pieds, sa figure irrégulière, sa pompe barbare, s'allient avec cette architecture colossale, formée de quartiers de roches entassés les uns sur les autres: la bête et le monument en ruine semblent être deux restes du temps des géants.

CHAPITRE X.

AMPHIBIES ET REPTILES.

On trouve au pied des monts Apalaches, dans les Florides, des fontaines qu'on appelle puits naturels. Chaque puits est creusé au centre d'un monticule planté d'orangers, de chênes-verts et de catalpas. Ce monticule s'ouvre en forme de croissant, du côté de la savane, et un courant d'eau sort du puits par cette ouverture. Les arbres, en s'inclinant sur la fontaine, rendent sa surface toute noire au-dessous : mais à l'endroit où le courant d'eau s'échappe de la base du cône, un rayon du jour, pénétrant par le lit du canal, tombe sur un seul point du miroir de la fontaine, qui imite l'effet de la glace dans la chambre obscure du peintre. Cette charmante re

traite est ordinairement habitée par un énorme crocodile qui se tient immobile au milieu du bassin': à son écaille verdoyante, à ses larges naseaux qui lancent les ondes en deux ellipses colorées, vous le prendriez pour un dragon de bronze, dans quelque grotte des bosquets de Versailles.

Les crocodiles ou caïmans des Florides ne vivent pas toujours solitaires. Dans certain temps de l'année, ils s'assemblent en troupes et se mettent en embuscade, pour attaquer des voyageurs qui doivent arriver de l'Océan. Lorsque ceux-ci ont remonté les fleuves, que l'eau manque à leur multitude, qu'ils meurent échoués sur les rivages, et menacent de répandre la peste dans l'air, la Providence les livre tout à coup à une armée de quatre ou cinq mille crocodiles. Les monstres, poussant un cri, et faisant claquer leurs mâchoires, fondent sur les étrangers. Bondissant de

1. Voyez Bartram, Voyage dans les Carolines et dans les Florides.

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