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y a une ressemblance de mœurs et de destinées tout-à-fait attendrissante. Oh! que la nature est sèche, expliquée par des sophistes mais combien elle paraît pleine et fertile aux cœurs simples qui n'en recherchent les merveilles que pour glorifier le Créateur!

Si le temps et le lieu nous le permettaient, nous aurions bien d'autres migrations à peindre, bien d'autres secrets de la Providence à révéler. Nous parlerions des grues des Florides, dont les ailes rendent des sons si harmonieux, et qui font de si beaux voyages au-dessus des lacs, des savanes, des cyprières, et des bocages d'orangers et de palmiers; nous montrerions le pélican des bois, visitant les morts de la solitude, ne s'arrêtant qu'aux cimetières indiens, et aux monts des tombeaux; nous rapporterions les raisons de ces migrations toujours relatives à l'homme; nous dirions les vents, les saisons que les oiseaux choisissent pour changer de climats, les aventures qu'ils éprouvent, les obstacles qu'ils ont à sur

monter, les naufrages qu'ils font; comment ils abordent quelquefois, loin du pays qu'ils cherchent, sur des côtes inconnues; comment ils périssent en passant sur des forêts embrasées par la foudre, ou sur des plaines où les Sauvages ont mis le feu.

Dans les premiers âges du monde, c'était sur la floraison des plantes, sur la chute des feuilles, sur le départ et l'arrivée des oiseaux, que les laboureurs et les bergers réglaient leurs travaux. De là, l'art de la divination chez certains peuples: on supposa que des animaux qui prédisaient les saisons et les tempêtes, ne pouvaient être que les interprètes de la Divinité. Les anciens naturalistes et les poètes (à qui nous sommes redevables du peu de simplicité qui reste encore parmi nous), nous montrent combien était merveilleuse cette manière de compter par les fastes de la nature, et quel charme elle répandait sur la vie. Dieu est un profond secret; l'homme, créé à son image, est pareillement incompréhensible: c'était donc une ineffable harmonie de voir

les périodes de ses jours réglées par des horloges aussi mystérieuses que lui-même.

Sous les tentes de Jacob ou de Booz, l'arrivée d'un oiseau mettait tout en mouveinent; le patriarche faisait le tour de son champ à la tête de ses serviteurs armés de faucilles. Si le bruit se répandait que les petits de l'alouette avaient été vus voltigeant, à cette grande nouvelle, tout un peuple, sur la foi de Dieu, commençait avec joie la moisson. Ces aimables signes, en dirigeant les soins de la saison présente, avaient l'avantage de prédire les vicissitudes de la saison prochaine. Les oies et les sarcelles arrivaient-elles en abondance, on savait que l'hiver serait long. La corneille commençait-elle à bâtir son nid au mois de janvier, les pasteurs espéraient en avril les roses de mai. Le mariage d'une jeune fille, au bord d'une fontaine, avait tel rapport avec l'épanouissement d'une plante; et les vieillards, qui meurent ordinairement en automne, tombaient avec les glands et les fruits mûrs. Tandis que le philosophe,

tronquant ou allongeant l'année, promenait l'hiver sur le gazon du printemps, le laboureur ne craignait point que l'astronome qui lui venait du ciel se trompât. Il savait que le rossignol ne rossignol ne prendrait point le mois des frimas pour celui des fleurs, et ne ferait point entendre, au solstice d'hiver, les chansons de l'été. Aussi les soins, les jeux, les plaisirs de l'homme champêtre étaient déterminés, non par le calendrier incertain d'un savant, mais par les calculs infaillibles de celui qui a tracé la route du soleil. Ce souverain Régulateur voulut luimême que les fêtes de son culte fussent assujetties aux simples époques empruntées de ses propres ouvrages; et, dans ces jours d'innocence, selon les saisons et les travaux, c'était la voix du zéphyr ou de la tempête, de l'aigle ou de la colombe, qui appelait l'homme au temple du Dieu de la

nature.

Nos paysans se servent encore quelquefois de ces tables charmantes, où sont gravés les temps des travaux rustiques. Les

peuples de l'Inde en font le même usage; les Nègres et les Sauvages américains gardent cette manière de compter. Un Siminole de la Floride vous dit : «La fille s'est mariée à l'arrivée du colibri. - L'enfant est mort quand la non-pareille a mué. — Cette mère a autant de fils qu'il y a d'œufs dans le nid du pélican. »

Les Sauvages du Canada marquent la sixième heure du soir par le moment où les ramiers boivent aux sources, et les Sauvages de la Louisiane par celui où l'éphémère sort des eaux. Le passage des divers oiseaux règle la saison des chasses; et le temps des récoltes du maïs, du sucre d'érable, de la folle-avoine, est annoncé par certains animaux qui ne manquent jamais d'accourir à l'heure du banquet.

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