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lique. S'ils aperçoivent du haut des airs quelque manoir gothique environné d'étangs et de forêts, c'est là qu'ils se préparent à descendre : ils attendent la nuit, et font des évolutions au-dessus des bois. Aussitôt que la vapeur du soir enveloppe la vallée, le cou tendu et l'aile sifflante, ils s'abattent tout à coup sur les eaux qui retentissent. Un cri général, suivi d'un profond silence, s'élève dans les marais. Guidés par une petite lumière, qui peut-être brille à l'étroite fenêtre d'une tour, les voyageurs s'approchent des murs, à la faveur des roseaux et des ombres. Là, battant des ailes et poussant des cris par intervalles, au milieu du murmure des vents et des pluies, ils saluent l'habitation de l'homme.

Un des plus jolis habitants de ces retraites, mais dont les pèlerinages sont moins lointains, c'est la poule d'eau. Elle se montre au bord des joncs, s'enfonce dans leur labyrinthe, reparaît et disparaît encore, en poussant un petit cri sauvage; elle se promène dans les fossés du château ; elle aime

à se percher sur les armoiries sculptées dans les murs. Quand elle s'y tient immobile, on la prendrait avec son plumage noir et le cachet blanc de sa tête, pour un oiseau en blason, tombé de l'écu d'un ancien chevalier. Aux approches du printemps, elle se retire à des sources écartées. Une racine de saule minée par les eaux lui offre un asile, elle s'y dérobe à tous les yeux. Les convolvulus, les mousses, les capillaires d'eau, suspendent devant son nid des draperies de verdure; le cresson et la lentille lui fournissent une nourriture délicate; l'eau murmure doucement à son oreille; de beaux insectes occupent ses regards, et les Naïades du ruisseau, pour mieux cacher cette jeune mère, plantent autour d'elle leurs quenouilles de roseaux, chargées d'une laine empourprée.

Parmi ces passagers de l'aquilon, il s'en trouve qui s'habituent à nos mœurs, et refusent de retourner dans leur patrie : les comme les compagnons d'Ulysse, sont captivés par la douceur de quelques fruits;

uns,

les autres, comme les déserteurs du vaisseau de Cook, sont séduits par des enchanteresses, qui les retiennent dans leurs îles. Mais la plupart nous quittent après un séjour de quelques mois: ils s'attachent aux vents et aux tempêtes qui ternissent l'éclat des flots, et leur livrent la proie qui leur échapperait dans des eaux transparentes; ils n'aiment que les retraites ignorées, et font le tour de la terre par un cercle de solitudes.

Ce n'est pas toujours en troupes que ces oiseaux visitent nos demeures. Quelquefois deux beaux étrangers, aussi blancs que la neige, arrivent avec les frimas: ils descendent, au milieu des bruyères, dans un lieu découvert, et dont on ne peut approcher sans être aperçu; après quelques heures de repos, ils remontent sur les nuages. Vous courez à l'endroit d'où ils sont partis, et vous n'y trouvez que quelques plumes, seules marques de leur passage, que le vent a déjà dispersées: heureux le favori des Muses qui, comme le cygne,

a quitté la terre sans y laisser d'autres débris et d'autres souvenirs que quelques plumes de ses ailes !

Des convenances pour les scènes de la nature, ou des rapports d'utilité pour l'homme, déterminent les différentes migrations des animaux. Les oiseaux qui paraissent dans les mois des tempêtes, ont des voix tristes et des mœurs sauvages, comme la saison qui les amène; ils ne viennent point pour se faire entendre, mais pour écouter: il y a dans le sourd mugissement des bois quelque chose qui charme leurs oreilles. Les arbres qui balancent tristement leurs cimes dépouillées, ne portent que de noires légions, qui se sont associées pour passer l'hiver; elles ont leurs sentinelles et leurs gardes avancées : souvent une corneille centenaire, antique sibylle du désert, se tient seule perchée sur un chêne avec lequel elle a vieilli : là, tandis que ses sœurs font silence, immobile, et comme pleine de pensées, elle abandonne aux vents des monosyllabes prophétiques.

Il est remarquable que les sarcelles, les canards, les oies, les bécasses, les pluviers, les vanneaux, qui servent à notre nourriture, arrivent quand la terre est dépouillée, tandis que les oiseaux étrangers qui nous viennent dans la saison des fruits, n'ont avec nous que des relations de plaisirs ce sont des musiciens envoyés pour charmer nos banquets. Il en faut excepter quelques-uns, tels que la caille et le ramier, dont toutefois la chasse n'a lieu qu'après la récolte, et qui s'engraissent dans nos blés, pour servir à notre table. Ainsi, les oiseaux du nord sont la manne des aquilons, comme les rossignols sont les dons des zéphyrs: de quelque point de l'horizon que le vent souffle, il nous ap

porte un présent de la Providence.

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