Page images
PDF
EPUB

heureux qu'ils songeaient intérieurement à déchirer: néanmoins la Providence n'a pas voulu qu'on s'y méprît tout-à-fait; et, pour peu qu'on examine de près les hommes féroces, on trouve sous leurs feintes douceurs un air faux et dévorant, mille fois plus hideux que leur furie.

CHAPITRE VI.

NIDS DES OISEAUX.

UNE admirable Providence se fait remarquer dans les nids des oiseaux. On ne peut contempler, sans être attendri, cette bonté divine qui donne l'industrie au faible, et la prévoyance à l'insouciant.

Aussitôt que les arbres ont développé leurs fleurs, mille ouvriers commencent leurs travaux. Ceux-ci portent de longues pailles dans le trou d'un vieux mur, ceuxlà maçonnent des bâtimens aux fenêtres d'une église; d'autres dérobent un crin à une cavale, ou le brin de laine que la brebis a laissé suspendu à la ronce. Il y a des bûcherons qui croisent des branches dans la cime d'un arbre; il y a des filandières qui recueillent la soie sur un chardon. Mille pa

lais s'élèvent, et chaque palais est un nid; chaque nid voit des métamorphoses charmantes: un œuf brillant, ensuite un petit couvert de duvet. Ce nourrisson prend des plumes; sa mère lui apprend à se soulever sur sa couche. Bientôt il va jusqu'à se percher sur le bord de son berceau, d'où il jette un premier coup d'œil sur la nature. Effrayé et ravi, il se précipite parmi ses frères, qui n'ont point encore vu ce spectacle; mais rappelé par la voix de ses parents, il sort une seconde fois de sa couche, et ce jeune roi des airs, qui porte encore la couronne de l'enfance autour de sa tête, ose déjà contempler le vaste ciel, la cime ondoyante des pins, et les abîmes de verdure au-dessous du chêne paternel. Et pourtant, tandis que les forêts se réjouissent, en recevant leur nouvel hôte, un vieil oiseau, qui se sent abandonné de ses ailes, vient s'abattre auprès d'un courant d'eau; là, résigné et solitaire, il attend tranquillement la mort au bord du même fleuve où il chanta ses amours, et dont les arbres

portent encore son nid et sa postérité harmonieuse.

C'est ici le lieu de remarquer une autre loi de la nature. Dans la classe des petits oiseaux, les œufs sont ordinairement peints d'une des couleurs dominantes du måle. Le bouvreuil niche dans les aubépines, dans les groseilliers et dans les buissons de nos jardins; ses œufs sont ardoisés comme la chape de son dos. Nous nous rappelons avoir trouvé une fois un de ces nids dans un rosier; il ressemblait à une conque de nacre, contenant quatre perles bleues : une rose pendait au-dessus, tout humide: le bouvreuil mâle se tenait immobile sur un arbuste voisin, comme une fleur de pourpre et d'azur. Ces objets étaient répétés dans l'eau d'un étang avec l'ombrage d'un noyer, qui servait de fond à la scène, et derrière lequel on voyait se lever l'aurore. Dieu nous donna, dans ce petit tableau, une idée des graces dont il a paré la na

ture.

Parmi les grands volatiles, la loi de la

couleur des œufs varie. Nous soupçonnons qu'en général l'œuf est blanc chez les oiseaux où le mâle a plusieurs femelles, ou chez ceux dont le plumage n'a point de couleur fixe pour l'espèce. Dans les classes aquatiques et forestières, qui font leurs nids, les unes sur les mers, les autres dans la cime des arbres, l'œuf est communément d'un vert bleuâtre, et pour ainsi dire teint des éléments dont il est environné. Certains oiseaux qui se cantonnent au haut des tours et dans les clochers, ont des œufs verts comme les lierres', ou rougeâtres comme les maçonneries qu'ils habitent. C'est donc une loi qui peut passer pour constante, que l'oiseau étale sur son œuf la livrée de ses amours, et le symbole de ses mœurs et de ses destinées. On peut, au seul aspect de ce monument fragile, dire à peu près quel était le peuple auquel il a appartenu, quel était son costume, ses habitudes, ses goûts; s'il passait des jours de danger sur les mers,

1. Le choucas, etc.

2. La grande chevêche, etc.

« PreviousContinue »