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l'Arioste, jusque dans son exposition. Er

cilla dit:

No las damas, amor, no gentilezas,
De cavalleros canto enamorados,
Ni las muestras, regalos y ternezas
De amorosos afectos y cuydados:
Mas el valor, los hechos, las proezas
De aquelos Españoles esforçados.,
Que a la cerviz de Arauco no domada
Pusieron duro yugo por la espada.

C'était encore un bien riche sujet d'épopée que celui de la Lusiade. On a de la peine à concevoir comment un homme du génie du Camoëns n'en a pas su tirer un plus grand parti. Mais enfin il faut se rappeler que ce poète fut le premier poète épique moderne, qu'il vivait dans un siècle barbare, qu'il y a des choses touchantes', et quelquefois sublimes, dans ses vers, et qu'après tout, il fut le plus infortuné des mortels. C'est un sophisme digne de la du

1. Néanmoins nous différons encore ici des critiques; l'épisode d'Inès nous semble pur, touchant, mais bien loin d'avoir les développements dont il était susceptible,

reté de notre siècle, d'avoir avancé que les bons ouvrages se font dans le malheur : il n'est pas vrai qu'on puisse bien écrire quand on souffre. Les hommes qui se consacrent

au culte des Muses se laissent plus vite submerger à la douleur que les esprits vulgaires un génie puissant use bientôt le corps qui le renferme : les grandes ames, comme les grands fleuves, sont sujettes à dévaster leurs rivages.

Le mélange que le Camoëns a fait de la fable et du christianisme nous dispense de parler du merveilleux de son poëme.

Klopstock est tombé dans le défaut d'avoir pris le merveilleux du christianisme pour sujet de son poëme. Son premier personnage est un Dieu; cela seul suffirait pour détruire l'intérêt tragique. Toutefois il y a de beaux traits dans le Messie. Les deux amants ressuscités par le Christ offrent un épisode charmant que n'auraient pu fournir les fables mythologiques. Nous ne nous rappelons point de personnages arrachés au tombeau, chez les anciens, si

ce n'est Alceste, Hippolyte et Hérès de Pamphylie 1.

L'abondance et la grandeur caractérisent le merveilleux du Messie. Ces globes habités par des êtres différents de l'homme, cette profusion d'anges, d'esprits de ténèbres, d'ames à naître, ou d'ames qui ont déjà passé sur la terre, jettent l'esprit dans l'immensité. Le caractère d'Abbadona, l'ange repentant, est une conception heureuse. Klopstock a aussi créé une sorte de

1. Dans le dixième livre de la République de Platon.

Voilà ce que portait la première édition. Depuis ce temps, l'un de nos meilleurs philologues, aussi savant que poli, M. Boissonade, m'a envoyé la note suivante des hommes ressuscités dans l'antiquité païenne par le secours des dieux ou de l'art d'Esculape.

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Esculape, qui ressuscita Hippolyte, avait fait d'autres miracles. Apollodore ( Bibl. III, 10, 3) dit, sur le témoi

gnage de différents auteurs, qu'il rendit la vie à Capanée, à Lycurgue, à Tyndare, à Hyménéus, à Glaucus. Télésarque, cité par le Scoliaste d'Euripide (Alc. 2), parle « encore de la résurrection d'Orion tentée par Esculape. Voyez les notes de MM. Heyne et Clavier sur le passage d'Apollodore, et celles de M. Walckenaer sur l'Hippolyte d'Euripide, p. 318.

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séraphins mystiques inconnus avant lui. Gessner nous a laissé dans la Mort d'Abel un ouvrage plein d'une tendre majesté. Malheureusement il est gâté par cette teinte doucereuse de l'idylle, que les Allemands répandent presque toujours sur les sujets tirés de l'Écriture. Leurs poètes pèchent contre une des plus grandes lois de l'épopée, la vraisemblance des moeurs, et transforment en innocents bergers d'Arcadie les rois pasteurs de l'Orient.

Quant à l'auteur du poëme de Noé, il a succombé sous la richesse de son sujet. Pour une imagination vigoureuse, c'était pourtant une belle carrière à parcourir, qu'un monde antediluvien. On n'était pas même obligé de créer toutes les merveilles: en fouillant le Critias, les chronologies d'Eusèbe, quelques traités de Lucien et de Plutarque, on eût trouvé une ample moisson. Scaliger cite un fragment de Polyhistor, touchant certaines tables écrites avant le déluge, et conservées à Sippary, la même vraisemblablement que la Sipphara

de Ptolémée 1. Les Muses parlent et entendent toutes les langues; que de choses ne pouvaient-elles pas lire sur ces tables!

1. A moins qu'on ne fasse venir Sippary du mot hébreu Sepher, qui signifie bibliothèque. Josèphe, liv. I, ch. 11, de Antiq. Jud., parle de deux colonnes, l'une de brique et l'autre de pierre, sur lesquelles les enfants de Seth avaient gravé les sciences humaines, afin qu'elles ne périssent point au déluge qui avait été prédit par Adam. Ces deux colonnes subsistèrent long-temps après Noé.

Rien n'empêche donc que l'inscription phénicienne trouvée à Malte en 1826, et relative au déluge de Noé, n'ait pu aussi être conservée. Elle se trouve à Paris, chez moi, et j'en ai publié deux lithographies. Mais elle n'a point encore été expliquée d'une manière satisfaisante. Seulement M. le baron de Sacy en a expliqué une autre écrite avec les mêmes caractères, ce qui donne un alphabet par le moyen duquel on peut expliquer la première. Cette autre inscription est à la vérité beaucoup plus courte. Elle a été trouvée à Cyrène en 1819, et est accompagnée d'une inscription grecque qui en détermine le sens. Je l'ai fait lithographier avec ia traduction.

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