Page images
PDF
EPUB

dans ses yeux, la dignité et l'amour dans tous ses mouvements. Elle s'appelle la femme; elle est née de l'homme. L'homme quittera pour elle son père et sa mère.»> Malheur à celui qui ne sentirait pas là-dedans la Divinité!

Le poète continue à développer ces grandes vues de la nature humaine, cette sublime raison du christianisme. Le caractère de la femme est admirablement tracé

dans la fatale chute. Ève tombe par amourpropre elle se vante d'être assez forte pour s'exposer seule; elle ne veut pas qu'Adamn l'accompagne dans le lieu où elle cultive des fleurs. Cette belle créature qui se croit invincible, en raison même de sa faiblesse, ne sait pas qu'un seul mot peut la subjuguer. L'Écriture nous peint toujours la femme esclave de sa vanité. Quand Isaïe menace les filles de Jérusalem : « Vous perdrez,» leur dit-il; « vos boucles d'oreilles, vos bagues, vos bracelets, vos voiles. >> On a remarqué, de nos jours, un exemple frappant de ce caractère. Telles femmes,

pendant la révolution, ont donné des preuves multipliées d'héroïsme; et leur vertu est venue depuis échouer contre un bal, une parure, une fête. Ainsi s'explique une de ces mystérieuses vérités cachées dans les Écritures en condamnant la femme à enfanter avec douleur, Dieu lui a donné une très-grande force contre la peine; mais en même temps, et en punition de sa faute, il l'a laissée faible contre le plaisir. Aussi Milton appelle-t-il la femme, fair defect of nature; «< beau défaut de la nature. »

La manière dont le poète anglais a conduit la chute de nos premiers pères mérite d'être examinée. Un esprit ordinaire n'aurait pas manqué de renverser le monde au moment où Ève porte à sa bouche le fruit fatal; Milton s'est contenté de faire pousser un soupir à la terre qui vient d'enfanter la mort: on est beaucoup plus surpris, parce que cela est beaucoup moins surprenant. Quelles calamités cette tranquillité présente de la nature ne fait-elle point entrevoir dans

l'avenir! Tertullien, cherchant pourquoi l'univers n'est point dérangé par les crimes des hommes, en apporte une raison sublime: cette raison, c'est la PATIENCE de Dieu.

Lorsque la mère du genre humain présente le fruit de science à son époux, notre premier père ne se roule point dans la poudre, ne s'arrache point les cheveux, ne jette point de cris. Un tremblement le saisit, il reste muet, la bouche entr'ouverte, et les yeux attachés sur son épouse. Il aperçoit l'énormité du crime d'un côté, s'il désobéit, il devient sujet à la mort; de l'autre, s'il reste fidèle, il garde son immortalité, mais il perd sa compagne, désormais condamnée au tombeau. Il peut refuser le fruit; mais peut-il vivre sans Ève? Le combat n'est pas long : tout un monde est sacrifié à l'amour. Au lieu d'accabler son épouse de reproches, Adam la console, et prend de sa main la pomme fatale. A cette consommation du crime, rien ne s'altère encore dans la nature : les

pas

sions seulement font gronder leurs premiers orages dans le cœur du couple malheureux.

Adam et Ève s'endorment; mais ils n'ont plus cette innocence qui rend les sónges légers. Bientôt ils sortent de ce sommeil agité, comme on sortirait d'une pénible insomnie (as from unrest). C'est alors que leur péché se présente à eux. « Qu'avonsnous fait ?» s'écrie Adam; « pourquoi estu nue? Couvrons-nous, de peur qu'on ne nous voie dans cet état. » Le vêtement ne cache point une nudité dont on s'est aperçu.

Cependant la faute est connue au ciel, une sainte tristesse saisit les anges; mais that sadness mixt with pity, did not alter their bliss; « cette tristesse, mêlée à la pitié, n'altéra point leur bonheur;» mot chrétien et d'une tendresse sublime. Dieu envoie son Fils pour juger les coupables : le juge descend; il appelle Adam : « Où es-tu?» lui dit-il. Adam se cache. « Seigneur, je n'ose me montrer à vous, parce

que je suis nu. » — « Comment sais-tu que tu es nu? Aurais-tu mangé du fruit de science?» Quel dialogue! cela n'est point d'invention humaine. Adam confesse son crime; Dieu prononce la sentence: «Homme! tu mangeras ton pain à la sueur de ton front; tu déchireras péniblement le sein. de la terre; sorti de la poudre, tu retourneras en poudre. - Femme, tu enfanteras avec douleur.» Voilà l'histoire du genre humain en quelques mots. Nous ne savons pas si le lecteur est frappé comme nous; mais nous trouvons dans cette scène de la Genèse quelque chose de si extraordinaire et de si grand, qu'elle se dérobe à toutes les explications du critique; l'admiration manque de termes, et l'art rentre dans le

néant.

Le Fils de Dieu remonte au ciel, après avoir laissé des vêtements aux coupables. Alors commence ce fameux drame entre Adam et Ève, dans lequel on prétend que Milton a consacré un événement de sa vie, un raccommodement entre lui et sa pre

« PreviousContinue »