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une partie des charmes que le Créateur prodigua à notre première mère, et la philosophie est mortelle à cette sorte d'attraits.

La femme qui a naturellement l'instinct 'du mystère, qui prend plaisir à se voiler, qui ne découvre jamais qu'une moitié de ses graces et de sa pensée, qui peut être devinée, mais non connue, qui, comme mère et comme vierge, est pleine de secrets, qui séduit surtout par son ignorance, qui fut formée pour la vertu et le sentiment le plus mystérieux, la pudeur et l'amour; cette femme, renonçant au doux instinct de son sexe, ira d'une main faible et téméraire chercher à soulever l'épais rideau qui couvre la Divinité! A qui pense-t-elle plaire par cet effort sacrilège? Croit-elle, en joignant ses ridicules blasphèmes et sa frivole métaphysique aux imprécations des Spinosa et aux sophismes des Bayle, nous donner une grande idée de son génie? Sans doute elle n'a pas dessein de se choisir un époux: quel homme de bon sens voudrait s'associer une compagne impie?

L'épouse incrédule a rarement l'idée de ses devoirs ; elle passe ses jours ou à raisonner sur la vertu sans la pratiquer, ou à suivre ses plaisirs dans le tourbillon du monde. Sa tête est vide, son ame creuse; l'ennui la dévore; elle n'a ni Dieu, ni soins domestiques, pour remplir l'abîme de ses

moments.

Le jour vengeur approche; le Temps arrive, menant la Vieillesse par la main. Le spectre aux cheveux blancs, aux épaules voûtées, aux mains de glace, s'assied sur le seuil du logis de la femme incrédule; elle l'aperçoit et pousse un cri. Mais qui peut entendre sa voix? Est-ce un époux? il n'y en a plus pour elle : depuis longtemps il s'est éloigné du théâtre de son déshonneur. Sont-ce des enfants? perdus par une éducation impie et par l'exemple maternel, se soucient-ils de leur mère? Si elle regarde dans le passé, elle n'aperçoit qu'un désert où ses vertus n'ont point laissé de traces. Pour la première fois, sa triste pensée se tourne vers le ciel ; elle commence

à croire qu'il eût été plus doux d'avoir une religion. Regret inutile! la dernière punition de l'athéisme dans ce monde est de désirer la foi sans pouvoir l'obtenir. Quand, au bout de sa carrière, on reconnaît les mensonges d'une fausse philosophie; quand le néant, comme un astre funeste, commence à se lever sur l'horizon de la mort, on voudrait revenir à Dieu, et il n'est plus temps: l'esprit abruti par l'incrédulité rejette toute conviction. Oh! qu'alors la solitude est profonde, lorsque la Divinité et les hommes se retirent à la fois ! Elle meurt cette femme, elle expire entre les bras d'une garde payée, ou d'un homme dégoûté par ses souffrances, qui trouve qu'elle a résisté au mal bien des jours. Un chétif cercueil renferme toute l'infortunée: on ne voit à ses funérailles ni une fille échevelée, ni des gendres et des petits-fils en pleurs; digne cortège qui, avec la bénédiction du peuple et le chant des prêtres, accompagne au tombeau la mère de famille. Peut-être seulement un fils inconnu, qui ignore le hon

teux secret de sa naissance, rencontre par hasard le convoi; il s'étonne de l'abandon de cette bière, et demande le nom du mort à ceux qui vont jeter aux vers le cadavre qui leur fut promis par la femme athée.

Que différent est le sort de la femme religieuse! ses jours sont environnés de joie, sa vie est pleine d'amour: son époux, ses enfants, ses domestiques la respectent et la chérissent tous reposent en elle une aveugle confiance, parce qu'ils croient fermement à la fidélité de celle qui est fidèle à son Dieu. La foi de cette chrétienne se fortifie par son bonheur, et son bonheur par sa foi; elle croit en Dieu parce qu'elle est heureuse, et elle est heureuse parce qu'elle croit en Dieu.

Il suffit qu'une mère voie sourire son enfant, pour être convaincue de la réalité d'une félicité suprême. La bonté de la Providence se montre tout entière dans le berceau de l'homme. Quels accords touchants! ne seraient-ils que les effets d'une insensible matière? L'enfant naît, la mamelle est

pleine; la bouche du jeune convive n'est point armée, de peur de blesser la coupe du banquet maternel; il croît, le lait devient plus nourrissant; on le sèvre, la merveilleuse fontaine tarit. Cette femme si faible a tout à coup acquis des forces qui lui font surmonter des fatigues que ne pourrait supporter l'homme le plus robuste. Qu'est-ce qui la réveille au milieu de la nuit, au moment même où son fils va demander le repas accoutumé? D'où lui vient cette adresse qu'elle n'avait jamais eue ? Comme elle touche cette tendre fleur sans la briser! Ses soins semblent être le fruit de l'expérience de toute sa vie, et cependant c'est là son premier-né. Le moindre bruit épouvantait la vierge : où sont les armées, les foudres, les périls, qui feront pâlir la mère? Jadis, il fallait à cette femme une nourriture délicate, une robe fine, une couche molle; le moindre souffle de l'air l'incommodait à présent un pain grossier, un vêtement de bure, une poignée de paille, la pluie et les vents ne lui impor

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