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sable: il n'y avait point d'homme si souillé qu'elle n'admît à repentir; point de lépreux si dégoûtant qu'elle ne touchât de ses mains pures. Pour le passé, elle ne demandait qu'un remords; pour l'avenir, qu'une vertu : Ubi autem abundavit delictum, disaitelle, superabundavit gratia. « La grace a surabondé où avait abondé le crime'. >> Toujours prêt à avertir le pécheur, le Fils de Dieu avait établi sa religion comme une seconde conscience, pour le coupable qui aurait eu le malheur de perdre la conscience naturelle, conscience évangélique, pleine de pitié et de douceur, et à laquelle JésusChrist avait accordé le droit de faire grace, que n'a pas la première.

Après avoir parlé du remords qui suit le crime, il serait inuțile de parler de la satisfaction qui accompagne la vertu. Le contentement intérieur qu'on éprouve en faisant une bonne œuvre, n'est pas plus une combinaison de la matière, que le re

1. Rom. cap. v, V. 20.

proche de la conscience, lorsqu'on commet une méchante action, n'est la crainte des lois.

Si des sophistes soutiennent que la vertu n'est qu'un amour-propre déguisé, et que la pitié n'est qu'un amour de soi-même, ne leur demandons point s'ils n'ont jamais rien senti dans leurs entrailles, après avoir soulagé un malheureux, ou si c'est la crainte de retomber en enfance qui les attendrit sur l'innocence du nouveau-né. La vertu

et les larmes sont pour les hommes la source de l'espérance et la base de la foi: or, comment croirait-il en Dieu, celui qui ne croit ni à la réalité de la vertu, ni à la vérité des larmes?

Nous penserions faire injure aux lecteurs, en nous arrêtant à montrer comment l'immortalité de l'ame et l'existence de Dieu se prouvent par cette voix intérieure appelée conscience. « Il y a dans l'homme, » dit Cicéron', « une puissance

1. Ad Attic, XII, 28, trad. de d'Olivet.

qui porte au bien et détourne du mal, nonseulement antérieure à la naissance des peuples et des villes, mais aussi ancienne que ce Dieu par qui le ciel et la terre subsistent et sont gouvernés: car la raison est un attribut essentiel de l'intelligence divine; et cette raison, qui est en Dieu, détermine nécessairement ce qui est vice ou

vertu. >>

CHAPITRE III.

QU'IL N'Y A POINT DE MORALE S'IL N'Y A POINT D'AUTRE VIE.

PRÉSOMPTION En faveur de L'AME, TIRÉE DU RESPECT DE L'HOMME POUR LES TOMBEAUX.

La morale est la base de la société; mais si tout est matière en nous, il n'y a réellement ni vice ni vertu, et conséquemment plus de morale. Nos lois, toujours relatives et changeantes, ne peuvent servir de point d'appui à la morale, toujours absolue et inaltérable: il faut donc qu'elle ait sa source dans un monde plus stable que celui-ci, et des garants plus sûrs que des récompenses précaires, ou des châtiments passagers. Quelques philosophes ont cru que la religion avait été inventée pour la soutenir; ils ne se sont pas aperçus qu'ils prenaient

l'effet pour la cause. Ce n'est pas la religion qui découle de la morale, c'est la morale qui naît de la religion, puisqu'il est certain, comme nous venons de le dire, que la morale ne peut avoir son principe dans l'homme physique ou la simple matière; puisqu'il est certain que, quand les hommes perdent l'idée de Dieu, ils se précipitent dans tous les crimes en dépit des lois et des bourreaux.

Une religion qui a voulu s'élever sur les ruines du christianisme, et qui a cru mieux faire que l'Évangile, a déroulé dans nos églises ce précepte du Décalogue: Enfants, honorez vos pères et mères. Pourquoi les théophilanthropes ont-ils retranché la dernière partie du précepte, afin de vivre longuement? C'est qu'une misère secrète leur a appris que l'homme qui n'a rien ne peut rien donner. Comment aurait-il promis des années, celui qui n'est pas assuré de vivre deux moments? Tu me fais présent de la vie, lui aurait-on dit, et tu ne vois pas que tu tombes en poussière! Comme Jé

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