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rions les vapeurs et les exhalaisons qui s'élèven continuellement, et qui, comme des nuages épais, nous cacheraient tous les autres objets visibles : cela n'est que trop connu de ceux qui se servent de ces instruments.

« De même, si l'odorat était aussi fin et aussi délicat dans les hommes qu'il paraît l'être dans de certains chiens de chasse, il n'est personne, il n'est aucune créature qui pût nous joindre; et il nous serait impossible de passer par les endroits où elles auraient passé, sans ressentir de fortes impressions des corpuscules qui en partent : mille distractions partageraient malgré nous notre attention; et, lorsque nous serions obligés de nous appliquer à des objets plus relevés, nous serions obligés de nous fixer à des choses méprisables.

« Si notre langue était d'un tissu si délicat qu'elle nous fit éprouver autant de goût dans les choses qui n'en ont presque pas, que dans celles dont le goût est aussi fort que celui des ragoûts ou des épiceries, il n'est personne qui n'avouât que cela seul suffirait pour nous rendre les aliments très-désagréables, après que nous en aurions mangé seulement deux ou trois fois.

« L'oreille pourrait-elle distinguer tous les

sons avec la même exactitude qu'elle les distingue à présent, lorsque, par le moyen d'un porte-voix, quelqu'un parle doucement dans son extrémité la plus évasée, ou ferait-on plus d'attention à un grand nombre de choses? On n'en ferait certainement pas plus que lorsque nous nous trouvons au milieu d'un bruit confus et d'un grand nombre de voix, au milieu du bruit des tambours et du canon. Ceux qui ont été témoins des inconvénients que souffrent les malades qui ont l'ouïe trop fine, n'auront pas de peine à être convaincus de cette vérité.

« Si dans toutes les parties de notre corps le toucher était aussi délicat que dans les endroits extrêmement sensibles et dans les membranes des yeux, ne faut-il pas avouer que nous serions bien malheureux, et que nous souffririons de grandes douleurs, lors même qu'une plume très-légère nous toucherait.

Enfin, peut-on réfléchir sur tout cela sans reconnaître la bonté de celui qui en est l'auteur; qui non-seulement nous a donné des organes aussi nobles que nos sens extérieurs, sans quoi il ne serait pas à préférer à un morceau de bois; mais qui a même, par un effet de son adorable sagesse, renfermé nos sens dans de certaines

bornes, sans lesquelles ils ne nous auraient servi que d'embarras, et il nous aurait été impossible d'examiner mille objets de plus grande conséquence. » (Nieuwentyt, Exist. de Dieu. L. 1, chap. II, p. 131.)

LIVRE SIXIÈME.

IMMORTALITÉ DE L'AME, PROUVÉE PAR LA MORALE

ET LE SENTIMENT.

CHAPITRE PREMIER.

DÉSIR DE CONHEUR DANS L'HOMME.

QUAND il n'y aurait d'autres preuves de l'existence de Dieu que les merveilles de la nature, ces preuves sont si fortes, qu'elles suffiraient pour convaincre tout homme qui ne cherche que la vérité. Mais si ceux qui nient la Providence ne peuvent expliquer sans elle les miracles de la création, ils sont encore plus embarrassés pour répondre aux objections de leur propre cœur. En renonçant à l'Etre Suprême, ils sont obligés de renoncer à une autre vie, et cependant leur ame les agite, elle se présente,

pour ainsi dire, devant eux, et les force, en dépit des sophistes, à confesser son existence et son immortalité.

Qu'on nous dise d'abord, si l'ame s'éteint au tombeau, d'où nous vient ce désir de bonheur qui nous tourmente? Nos passions ici-bas se peuvent aisément rassasier : l'amour, l'ambition, la colère, ont une plénitude assurée de jouissance; le besoin de félicité est le seul qui manque de satisfaction comme d'objet, car on ne sait ce que c'est que cette félicité qu'on désire. Il faut convenir que si tout est matière, la nature s'est ici étrangement trompée : elle a fait un sentiment qui ne s'applique à rien.

Il est certain que notre ame demande éternellement; à peine a-t-elle obtenu l'objet de sa convoitise, qu'elle demande encore l'univers entier ne la satisfait point. L'infini est le seul champ qui lui convienne; elle aime à se perdre dans les nombres, à concevoir les plus grandes comme les plus petites dimensions. Enfin gonflée, et non rassasiée de ce qu'elle a dévoré, elle se pré

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