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Que ceci soit vrai, quelque merveilleux qu'il paraisse, c'est une chose que les mathématiciens ne sauraient nier. Misérables Pyrrhoniens, qui espérez, en déduisant nécessairement les lois de la nature l'une de l'autre, d'éluder les preuves de la Providence divine! misérables Pyrrhoniens, montrez-nous par vos principes, si vous pouvez en aucune manière comprendre, non pas qu'une pareille chose arrive continuellement (car les mathématiques leur montreront ceci), mais comment et de quelle manière agit la force de ce petit grain de sable, de sorte que, pour peu qu'il pousse ces corps prodigieux, il les met non-seulement en mouvement, mais il les y conserve sans jamais cesser. »

Telle est la remarque de cet excellent homme qui, avec Hippocrate et Galien, avait reconnu dans la merveilleuse machine de notre corps, la main d'une intelligence divine.

Enfin le docteur Hancock se sert d'une comparaison frappante, pour faire sentir l'absurdité de ceux qui attribuent l'ordre de l'univers au concours fortuit des atomes.

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Supposons,» dit-il 1, « que tous les hommes qu'il y a sur la terre fussent aveugles, et que dans

1. Hancock, on the Exist. of God, sect. 5, trad. franç.

cet état il leur fût ordonné de se rendre dans les plaines de la Mésopotamie; combien de siècles leur faudrait-il pour trouver cette route et pour venir à leur commun rendez-vous? Y 'arriveraient-ils même jamais, quelque immense que fût leur durée? Cela serait pourtant infiniment plus facile à faire pour des hommes, qu'il ne l'a été aux atomes de Démocrite d'exécuter l'ouvrage qu'il leur attribue. Posé cependant que ce concours si heureux ne leur ait pas été impossible, comment est-il arrivé qu'il n'ait plus rien produit de nouveau, ou que le même hasard qui les assembla pour former l'univers, ne les ait pas dissipés pour le détruire? Dira-t-on que c'est un principe d'attraction et de gravitation qui les retient ainsi dans leur situation primitive? Mais ce principe d'attraction et de gravitation est ou antérieur ou postérieur à la formation de l'univers. S'il est antérieur, comment est-ce que l'activité en était suspendue? Et s'il est postérieur, quelle en est l'origine, et ne doit-elle pas venir d'ailleurs que de la matière, qui de sa nature est susceptible de se mouvoir en tout sens? Si l'on dit d'ailleurs que c'est la nature qui se maintient d'elle-même dans cet état permanent, on ne peut entendre par ce terme, dans le système de Démocrite, que le concours fortuit, et l'on sent

d'abord que cela ne suffit pas plus pour rendre raison de la conservation du monde, que pour cellé de sa formation. >>

Pour se tirer des difficultés insurmontables qui résultent de la formation du monde par le mouvement de la matière, Spinosa, d'après Straton, a soutenu qu'il n'y a dans l'univers qu'une seule substance; que cette substance est Dieu, à la fois esprit et matière, possédant l'attribut de la pensée et de l'étendue. Ainsi, mon pied, ma main, un caillou, tous les accidens physiques et moraux, toutes les saletés de la nature sont des parties de Dieu. Rare et admirable divinité: sortie toute forméc et sans douleur du cerveau d'un incrédule! Les païens avaient bien attaché des dieux aux objets les plus vils de la terre; mais il n'appartenait qu'à un athée de déifier, en une seule et éternelle substance, tous les crimes et toutes les immondices de l'univers. Il se passe d'étranges choses dans l'intérieur de ces hommes que Dieu a éloignés de lui, et les plus habiles gens trouveraient malaisé d'expliquer les mouvemens du cœur d'un athée. On peut voir comment Bayle, Clarke, Leibnitz, Crouzas, etc., ont renversé le spinosisme, qui est en même temps le plus impie et le plus insoutenable des systèmes.

Anaximandre, par une autre folie, voulait que

les formes et les qualités, provenues de la matière, eussent arrangé l'univers.

D'un autre côté, les Stoïciens supposaient des formes plastiques, destituées d'intelligence, et pourtant distinctes de la matière. A la vérité, quelques-uns les dérivaient de Dieu, et ne les avaient imaginées que pour expliquer l'action d'un être immatériel sur des êtres matériels.

Qu'est-il besoin d'appeler les mépris du lecteur sur ces rêveries philosophiques? Elles ont été combattues par les incrédules eux-mêmes.

Il ne reste donc plus à faire valoir que la loi banale de la nécessité. On s'en sert d'autant plus volontiers, qu'on ne sait ce que c'est, et qu'en lâchant ce grand mot, on se croit dispensé de l'expliquer. Mais cette terrible nécessité est-elle une chose créée ou incréée? Si elle est créée, qui est-ce qui en est le créateur? Si elle est incréée, cette nécessité qui arrange tout, qui produit tout dans un si bel ordre, qui est une, indivisible, sans étendue, est-elle autre que Dieu?

La pensée.

D'OU VIENT La pensée de l'HOMME, ET QUELLE EST LA NATURE de cette PENSÉE?

Elle ne peut être que matière, mouvement

ou repos,

la chose même, ou les deux accidens de cette chose, puisqu'il n'y a dans l'univers que matière, mouvement et repos.

Que la pensée n'est pas matérielle, cela parle

de soi.

Que la pensée n'est pas le repos de la matière, cela est encore prouvé, puisqu'au contraire la pensée est un mouvement.

La pensée est donc un mouvement. Est-elle le mouvement matériel, ou l'effet du mouvement matériel?

Examinons.

Si la pensée est l'effet du mouvement ou le mouvement lui-même, elle doit ressembler à cet effet de mouvement, ou à ce mouvement. Or, Le mouvement rompt, désunit, déplace; la pensée ne fait rien de tout cela!

Elle touche les corps, sans les séparer, sans les mouvoir.

Le mouvement lui-même est aussi un déplacement. Un corps qui se meut change de disposition, s'arrange d'une autre manière, occupe une autre place, acquiert d'autres proportions: la pensée ne fait rien de tout cela:

Elle se meut sans cesser d'être en repos et sans quitter son siège; elle n'a ni dimension, ni localité, ni forme.

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