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De l'éternel mouvement résulte l'éternel repos; donc

Tout est en repos dans l'univers (abs urde). Troisième syllogisme (genre démonstratif). Le mouvement, par sa nature connue, n'a aucune régularité ;

Il s'exerce dans toutes les dimensions et dans toutes les vitesses;

Il s'échappe par la tangente, coupe par la sécante, se plonge par la perpendiculaire, se roule par le cercle, se glisse par l'ellipse et la parabole;

Il se communique par le choc; il prend des directions nouvelles, selon l'opposition ou la réflexion des corps; or,

Les lois motrices des astres, du soleil et des planètes, s'accomplissent dans une inaltérable régularité géométrique; donc

Ces lois d'un mouvement permanent et régulier ne peuvent être engendrées par le mouvement confus et désordonné de la matière.

Il suit de ces trois syllogismes que le ment n'est point essentiel à la matière :

mouve

1° Parce qu'il y a des corps en repos; 2° Parce que l'universel mouvement serait le repos universel, ce qui choque l'expérience;

3° Parce que le mouvement irrégulier de la

matière ne peut jamais être admis comme créateur de l'ordre, de l'univers. Une cause ne peut pas produire un effet dont elle n'a pas en ellemême le principe, puisqu'il y aurait alors un effet sans cause; un composé ne peut pas avoir des vertus qui ne sont pas dans ses éléments simples. Enfin, si le mouvement était une qualité appartenant à la matière ou à l'arrangement de ses parties, depuis le temps que les plus habiles mécaniciens cherchent le mouvement perpétuel, n'est-il pas plus que probable qu'ils auraient trouvé la machine propre à le mettre en évidence? Mais l'expérience a démontré jusqu'à présent qu'il fallait un moteur étranger.

On doit conclure de ces arguments qu'il existe quelque part, hors de la matière, un mobile universel, premier agent du mouvement, à la fois immuable et dans un mouvement éternel. Voilà Dieu.

Eclaircissements sur ces dernières preuves touchant le mouvement.

Le mouvement de la matière fournissant une preuve sans réplique en faveur de l'existence de Dieu, il sera bon d'y jeter encore quelque lumière.

Ci

Pour démontrer l'impossibilité de la formation des mondes par le mouvement et le hasard, céron tire des lettres de l'alphabet cette objection. si connue.

par

«Ne dois-je pas m'étonner, » dit-il1, « qu'il y ait un homme qui se persuade que de certains corps solides et indivisibles se meuvent d'eux-mêmes leur poids naturel, et que, de leur concours fortuit, s'est fait un monde d'une si grande beauté? Quiconque croit cela possible, pourquoi ne croirait-il pas que si l'on jetait à terre quantité de caractères d'or, ou de quelque matière que ce fût, qui représentassent les vingt et une lettres, ils pourraient tomber arrangés dans un tel ordre, qu'ils formeraient lisiblement les Annales d'Ennius? Je doute si le hasard rencontrerait assez juste pour en faire un seul vers. Mais ces gens-là, comment assurent-ils que des corpuscules, qui n'ont point de couleur, point de qualité, point de sentiment, qui ne font que voltiger au gré du hasard, ont fait ce monde-ci, ou plutôt en font à chaque moment d'innombrables qui en remplacent d'autres? Quoi! si le concours des atomés peut faire un monde, ne pourrait-il pas faire des choses bien plus aisées, un portique, un temple, une maison, une ville?»

1 De Nat. Deor. 11, 37, traduct. de d'Olivet.

Cette absurdité, qui frappait si justement l'orateur romain, a aussi été relevée par Bayle. Nous aimons à citer Bayle aux athées. « Ce dialecticien (c'est Leibnitz qui parle) passe aisément du blanc au noir ; il s'accommode de tout ce qui lui convient pour combattre l'adversaire qu'il a en tête, n'ayant pour but que d'embarrasser les philosophes, et de faire voir la faiblesse de notre raison. Jamais Arcésilas et Carnéades n'ont soutenu le pour et le contre avec plus d'esprit et d'éloquence 1. »

Voici donc ce que dit Bayle sur la nécessité d'une cause intelligente.

«

Puisque, de l'aveu de toutes les sectes, les lois du mouvement ne sont pas capables de produire, je ne dirai pas un moulin, une horloge, mais le plus grossier instrument qui se voit dans la boutique d'un serrurier, comment seraientelles capables de produire le corps d'un chien, ou même une rose et une grenade? Recourir aux astres ou aux formes substantielles, c'est un pitoyable asile. Il faut ici une cause qui ait l'idée de son ouvrage, et qui connaisse les

1. Leibn. Théod. part. 111, paragr. 353. On sait ce que c'est que l'éloquence de Bayle; mais il faut pardonner ce jugement à Leibnitz.

2. Ar!. Sennert., note C.

moyens de le construire : tout cela est nécessaire à ceux qui font une montre et un vaisseau ; à plus forte raison se doit-il trouver dans ce qui fait l'organisation des êtres vivants. »

A la note R de l'article Démocrite, il s'exprime ainsi :

«En quittant le droit chemin, qui est le système d'un Dieu, créateur libre du monde, il faut nécessairement tomber dans la multiplicité des principes; il faut reconnaître entre eux des antipathies et des sympathies, les supposer indépendants les uns des autres, quant à l'existence et à la vertu d'agir, mais capables néanmoins de s'entre-nuire par l'action et la réaction. Ne demandez pas pourquoi, en certaines rencontres, l'effet de la réaction est plutôt ceci que cela; car on ne peut donner raison des propriétés d'une chose, que lorsqu'elle a été faite librement par une cause qui a eu ses raisons et ses motifs en la produisant. »

1

Crousaz, qui cite ce passage à la huitième section de son Examen du Pyrrhonisme, ajoute 1: Quand on supposerait les atomes éternels et en mouvement de toute éternité, on pourrait bien en conclure qu'en s'approchant ils forme

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