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Ce n'est jamais par là que l'on en vient à bout ! Il y faut une autre manière :

Servez-vous de vos rets; la puissance fait tout.

FABLE XII.

Les deux Perroquets, le Roi, et son Fils.

Deux perroquets, l'un père et l'autre fils,
Du rôt d'un roi faisaient leur ordinaire ;
Deux demi-dieux, l'un fils et l'autre père,
De ces oiseaux faisaient leurs favoris.
L'âge liait une amitié sincère

Entre ces gens : les deux pères s'aimaient ;
Les deux enfants, malgré leur cœur frivole,
L'un avec l'autre aussi s'accoutumaient,
Nourris ensemble, et compagnons d'école.
C'était beaucoup d'honneur au jeune perroquet ;
Car l'enfant était prince, et son père monarque.
Par le tempérament que lui donna la Parque,
Il aimait les oiseaux. Un moineau fort coquet,
Et le plus amoureux de toute la province,
Faisait aussi sa part des délices du prince.
Ces deux rivaux un jour ensemble se jouants,
Comme il arrive aux jeunes gens,

Le jeu devint une querelle.
Le passereau, peu circonspec',
S'attira de tels coups de bec,
Que, demi-mort et traînant l'aile,
On crut qu'il n'en pourrait guérir.
Le prince indigné fit mourir
Son perroquet. Le bruit en vint au père.
L'infortuné vieillard crie et se désespère,

Le tout en vain, ses cris sont superflus;
L'oiseau parléur est déjà dans la barque :
Pour dire mieux, l'oiseau ne parlant plus
Fait qu'en fureur sur le fils du monarque
Son père s'en va fondre, et lui crève les yeux.'
Il se sauve aussitôt, et choisit pour asile

Le haut d'un pin: là, dans le sein des dieux,
Il goûte sa vengeance en lieu sûr et tranquille.
Le roi lui-même y court,
et dit pour l'attirer :
Ami, reviens chez moi; que nous sert de pleurer ?
Haine, vengeance, et deuil, laissons tout à la porte.
Je suis contraint de déclarer,
Encor que ma douleur soit forte,

Que le tort vient de nous; mon fils fut l'agresseur; Mon fils! non; c'est le Sort qui du coup est l'auteur. La Parque avait écrit de tout temps en son livre Que l'un de nos enfants devait cesser de vivre,'

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'VAR. Édit. de 1679: Fan. Cette leçon a été conservée dans quelques éditions; non pas que ce mot s'écrivit différemment du temps de la Fontaine qu'il ne s'écrit aujourd'hui, mais parce qu'il se prononce fan, et que les poëtes pouvaient alors alté rer l'orthographe des mots, pour rimer aux yeux comme aux oreilles. Le mot faon est ici inpropre; car, bien avant la Fonlaine, il ne s'employait que pour désigner le petit d'une biche, d'un chevreuil, ou d'un daim. « On ne peut dire faon d'une

beste mordante, comme laye, ourse, lionne, éléphante, ains ⚫ont autres noms particuliers. » Nicot, Thrésor de la langue françoyse, 1606, in-folio, au mot faon. Cependant plus anciennement ce mot paraît avoir été employé pour désigner les petits de tous les animaux; du moins nous avons un exemple qui prouve que le mot faoner s'employait pour engendrer en général, quand il s'agissait des animaux.

Les oisiaux, aussi les poissons,
Qui moult sont blaux à regarder,
Savent bien mes regles garder;
Tous faonent à lor usages,
Et font honneur à lor lignages
Roman de la Rose.

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a

Ayant au haut cet écriteau :

Seigneur aventurier, s'il te prend quelque envie

De voir ce que n'a vu nul chevalier errant,

Tu n'as qu'à passer ce torrent ;

Puis, prenant dans tes bras un éléphant de pierre « Que tu verras couché par terre,

« Le porter, d'une haleine, au sommet de ce mont
Qui menace les cieux de son superbe front. »>
L'un des deux chevaliers saigna du nez 2. Si l'onde
Est rapide autant que profonde,
Dit-il... et supposé qu'on la puisse passer,
Pourquoi de l'éléphant s'aller embarrasser ?

Quelle ridicule entreprise!

3

Le sage l'aura fait par tel art et de guise Qu'on le pourra porter peut-être quatre pas :

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4

Mais jusqu'au haut du mont! d'une haleine! il n'est pas
Au pouvoir d'un mortel; à moins que la figure
Ne soit d'un éléphant nain, pygmée, avorton,
Propre à mettre au bout d'un bâton :
Auquel cas, où l'honneur d'une telle aventure?
On nous veut attraper dedans cette écriture;
Ce sera quelque enigme à tromper un enfant :
C'est pourquoi je vous laisse avec votre éléphant.
Le raisonneur parti, l'aventureux se lance,
Les yeux clos, à travers cette eau.
Ni profondeur ni violence

Ne purent l'arrêter; et, selon l'écriteau',
Il vit son éléphant couché sur l'autre rive.
Il le prend, il l'emporte, au haut du mont arrive,
Rencontre une esplanade, et puis une cité.
Un cri par l'éléphant est aussitôt jeté :

Le peuple aussitôt sort en armes.
Tout autre aventurier, au bruit de ces alarmes,
Aurait fui: celui-ci, loin de tourner le dos,
Veut vendre au moins sa vie, et mourir en héros.
Il fut tout étonné d'ouïr cette cohorte
Le proclamer monarque au lieu de son roi mort.
Il ne se fit prier que de la bonne sorte ;
Encor que le fardeau fût, dit-il, un peu fort.
Sixte en disait autant quand on le fit saint-père;
(Serait-ce bien une misère

Que d'être pape ou d'être roi ? )

On reconnut bientôt son peu de bonne foi.

Fortune aveugle suit aveugle hardiesse.
Le sage quelquefois fait bien d'exécuter
Avant que de donner le temps à la sagesse
D'envisager le fait, et sans la consulter. ·

FABLE XV.

Les Lapins.

DISCOURS A M. LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULD?.

Je me suis souvent dit, voyant de quelle sorte
L'homme agit, et qu'il se comporte

En mille occasions comme les animaux :
Le roi de ces gens-là n'a pas moins de défauts
Que ses sujets; et la Nature

A mis dans chaque créature

Quelque grain d'une masse où puisent les esprits:
J'entends les esprits-corps, et pétris de matière.
Je vais prouver ce que je dis,

A l'heure de l'affût, soit lorsque la lumière
Précipite ses traits dans l'humide séjour,

1 C'est-à-dire, où sera l'honneur. Ellipse.

Sur M. le duc de la Rochefoucauld, voyez liv. 1, fab. x1,

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L'œil éveillé, l'oreille au guet,

Tous les maîtres de l'art, et tiens qu'il faut laisser Dans les plus beaux sujets quelque chose à penser : Ainsi ce discours doit cesser.

Vous qui m'avez donné ce qu'il a de solide,
Et dont la modestie égale la grandeur,
Qui ne pûtes jamais écouter sans pudeur
La louange la plus permise,

La plus juste et la mieux acquise;

S'égayaient, et de thym parfumaient leur banquet. Vous enfin, dont à peine ai-je encore obtenu

Le bruit du coup fait que la bande
S'en va chercher sa sûreté

Dans la souterraine cité :

Mais le danger s'oublie, et cette peur si grande
S'évanouit bientôt ; je revois les lapins,
Plus gais qu'auparavant, revenir sous mes mains.

Ne reconnait-on pas en cela les humains ?
Dispersés par quelque orage,
A peine ils touchent le port
Qu'ils vont hasarder encor
Même vent, même naufrage;
Vrais lapins, on les revoit

Sous les mains de la Fortune.

Joignons à cet exemple une chose commune.

[droit

Quand des chiens étrangers passent par quelque en-
Qui n'est pas de leur détroit',
Je laisse à penser quelle fête !

Les chiens du lieu, n'ayant en tête
Qu'un intérêt de gueule, à cris, à coups de dents
Vous accompagnent ces passants
Jusqu'aux confins du territoire.

Un intérêt de biens', de grandeur, et de gloire,
Aux gouverneurs d'états, à certains courtisans,
A gens de tous métiers, en fait tout autant faire.
On nous voit tous, pour l'ordinaire,
Piller le survenant, nous jeter sur sa peau.
La coquette et l'auteur sont de ce caractère :

Malheur à l'écrivain nouveau !

Que votre nom reçût ici quelques hommages,
Du temps et des censeurs défendant mes ouvrages,
Comme un nom qui, des ans et des peuples connu,
Fait honneur à la France, en grands noms plus féconde
Qu'aucun climat de l'univers,
Permettez-moi du moins d'apprendre à tout le monde
Que vous m'avez donné le sujet de ces vers.

FABLE XVI.

Le Marchand, le Gentilhomme, le Patre, et le Fils de Roi.

Quatre chercheurs de nouveaux mondes,
Presque nus, échappés à la fureur des ondes,
Un trafiquant, un noble, un pâtre, un fils de roi,
Réduits au sort de Bélisaire',
Demandaient aux passants de quoi
Pouvoir soulager leur misère.

De raconter quel sort les avait assemblés,
Quoique sous divers points tous quatre ils fussent nés,
C'est un récit de longue haleine.

Ils s'assirent enfin au bord d'une fontaine :
Là le conseil se tint entre les pauvres gens.
Le prince s'étendit sur le malheur des grands.
Le påtre fut d'avis qu'éloignant la pensée
De leur aventure passée,

Chacun fit de son mieux, et s'appliquât au soin
De pourvoir au commun besoin.

La plainte, ajouta-t-il, guérit-elle son homme?

Le moins de gens qu'on peut à l'entour du gâteau, Travaillons : c'est de quoi nous mener jusqu'à Rome.

C'est le droit du jeu, c'est l'affaire.

Cent exemples pourraient appuyer mon discours;

Mais les ouvrages les plus courts

Un pâtre ainsi parler! Ainsi parler ? croit-on

• Bélisaire était un grand capitaine, qui, ayant commandé les

Sont toujours les meilleurs. En cela j'ai pour guides armées de l'empereur et perdu les bonnes grâces de son maître,

• Indépendamment de sa signification ordinaire, le mot detroit désignait, du temps de la Fontaine, une étendue de pays soumise à une juridiction spirituelle ou temporelle. C'est dans ce sens qu'il est employé ici. On dit actuellement district.

VAR. Dans les éditions modernes il y a bien au singulier; c'est à tort.

Dans les éditions modernes il y a guide au singulier. La Fontaine a mis le pluriel, parce que ainsi l'exige la correction de la phrase; la rime demanderait le singulier. C'est une de ces négligences qui étonnent dans notre poëte.

tomba dans un tel point de misère qu'il demandait l'aumône sur les grands chemins '. (Note de la Fontaine.)

⚫ Tous les arts semblent avoir conspiré contre l'histoire en consacrant le récit touchant, mais romanesque, des dernières années de Bélisaire, devenu aveugle et demandant l'aumône; il n'en est pas moins prouvè que ce récit est entièrement faux, et qu'il a été inventé longtemps après la mort de ce grand homme. Les faits rapportés par les histo riens les plus voisins de son temps y sont contraires : le porte Tzelzès. au douzième siècle, est le plus ancien auteur qui en fasse mention, et Jul-même le contredit dans un autre passage de son insipide puěme. Consultez à ce sujet Gibbon's Hist. of the deel, and fail of the rom empire, ch. XLIII, t. VII, p. 408, édit. ¡797, in-8°, London.

Que le ciel n'ait donné qu'aux têtes couronnées

De l'esprit et de la raison ;

Et que de tout berger, comme de tout mouton, Les connaissances soient bornées?

L'avis de celui-ci fut d'abord trouvé bon
Par les trois échoués aux bords de l'Amérique.
L'un ( c'était le marchand) savait l'arithmétique :
A tant par mois, dit-il, j'en donnerai leçon.

J'enseignerai la politique,

Reprit le fils de roi. Le noble poursuivit :
Moi, je sais le blason; j'en veux tenir école :
Comme si, devers l'Inde, on eût eu dans l'esprit
La sotte vanité de ce jargon frivole!

Le pâtre dit: Amis, vous parlez bien; mais quoi!
Le mois a trente jours: jusqu'à cette échéance
Jeûnerons-nous, par votre foi ?

Vous me donnez une espérance
Belle, mais éloignée; et cependant j'ai faim.
Qui pourvoira de nous au diner de demain?

Ou plutôt sur quelle assurance
Fondez-vous, dites-moi, le souper d'aujourd'hui ?
Avant tout autre, c'est celui
Dont il s'agit. Votre science

Est courte là-dessus : ma main y suppléera.
A ces mots, le pâtre s'en va

Dans un bois il y fit des fagots, dont la vente,
Pendant cette journée et pendant la suivante,
Empêcha qu'un long jeûne à la fin ne fit tant
Qu'ils allassent là-bas exercer leur talent

Je conclus de cette aventure

Vieux routier, et bon politique.

Tu crains, ce lui dit-il, lionceau mon voisin;
Son père est mort; que peut-il faire?
Plains plutôt le pauvre orphelin.

Il a chez lui plus d'une affaire,

Et devra beaucoup au Destin

S'il garde ce qu'il a, sans tenter de conquête.
Le renard dit, branlant la tête :
Tels orphelins, seigneur, ne me font point pitié;
Il faut de celui-ci conserver l'amitié,

Ou s'efforcer de le détruire

Avant que la griffe et la dent

Lui soit crue, et qu'il soit en état de nous nuire.
N'y perdez pas un seul moment.

J'ai fait son horoscope : il croitra par la guerre;
Ce sera le meilleur lion

Pour ses amis, qui soit sur terre :

Tâchez donc d'en être; sinon

Tâchez de l'affaiblir. La harangue fut vaine.`
Le sultan dormait lors; et dedans son domaine
Chacun dormait aussi, bêtes, gens: tant qu'enfin
Le lionceau devient vrai lion. Le tocsin
Sonne aussitôt sur lui; l'alarme se promène
De toutes parts; et le vizir,
Consulté là-dessus, dit avec un soupir :
Pourquoi l'irritez-vous? La chose est sans remède.
En vain nous appelons mille gens à notre aide :
Plus ils sont, plus il coûte; et je ne les tiens bons
Qu'à manger leur part des moutons.
Apaisez le lion seul il passe en puissance
Ce monde d'alliés vivant sur notre bien.

:

Qu'il ne faut pas tant d'art pour conserver ses jours; Le lion en a trois qui ne lui coûtent rien,

Et, grâce aux dons de la nature,

La main est le plus sûr et le plus prompt secours.

LIVRE ONZIÈME.

FABLE PREMIÈRE.

Le Lion.

Sultan léopard autrefois

Eut, ce dit-on, par mainte aubaine',

Force bœufs dans ses prés, force cerfs dans ses bois,
Force moutons parmi la plaine.

Il naquit un lion dans la forêt prochaine.
Après les compliments et d'une et d'autre part,

Comme entre grands il se pratique,

Le sultan fit venir son vizir le renard,

Par les successions des étrangers, confisquées à son profit en vertu du droit d'aubaine dont il jouissait comme sultan.

Son courage, sa force, avec sa vigilance.
Jetez-lui promptement sous la griffe un mouton;
S'il n'en est pas content, jetez-en davantage :
Joignez-y quelque bœuf; choisissez, pour ce don,
Tout le plus gras du pâturage.

Sauvez le reste ainsi. Ce conseil ne plut pas.
Il en prit mal; et force états
Voisins du sultan en pâtirent :
Nul n'y gagna, tous y perdirent.
Quoi que fit ce monde ennemi,
Celui qu'ils craignaient fut le maitre.

Proposez-vous d'avoir le lion pour ami,

Si vous voulez le laisser craître '.

I VAR. Croître, dans toutes les éditions modernes. Mais la Fontaine a écrit craître pour la rime, en vertu de cette licence poétique dont nous avons déjà vu dans notre auteur plusieurs exemples. D'ailleurs on prononce encore craître dans plusieurs provinces, et peut-être était-ce la prononciation de ce mot la plus usitée à l'époque où notre poëte écrivait. Nous avons entendu, dans notre jeunesse, plusieurs vieillards prononcer ainsi ce mol.

FABLE II.

Les Dieux voulant instruire un fils de Jupiter.

POUR MONSEIGNEUR LE DUC DU MAINE '.

Jupiter eut un fils, qui, se sentant du lieu
Dont il tirait son origine,

Avait l'âme toute divine.
L'enfance n'aime rien celle du jeune dieu
Faisait sa principale affaire

Des doux soins d'aimer et de plaire.
En lui l'amour et la raison

Devancèrent le temps, dont les ailes légères
N'amènent que trop tôt, hélas! chaque saison.
Flore aux regards riants, aux charmantes manières,
Toucha d'abord le cœur du jeune Olympien.
Ce que la passion peut inspirer d'adresse,
Sentiments délicats et remplis de tendresse,
Pleurs, soupirs, tout en fut: bref, il n'oublia rien.
Le fils de Jupiter devait, par sa naissance,
Avoir un autre esprit, et d'autres dons des cieux,
Que les enfants des autres dieux :

Il semblait qu'il n'agit que par réminiscence
Et qu'il eût autrefois fait le métier d'amant,
Tant il le fit parfaitement !

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Jupiter cependant voulut le faire instruire.
Il assembla les dieux, et dit : J'ai su conduire,
Seul et sans compagnon, jusqu'ici l'univers;

Mais il est des emplois divers
Qu'aux nouveaux dieux je distribue.
Sur cet enfant chéri j'ai donc jeté la vue :
C'est mon sang; tout est plein déjà de ses autels.
Afin de mériter le rang des immortels,

Il faut qu'il sache tout. Le maître du tonnerre
Eut à peine achevé, que chacun applaudit.
Pour savoir tout, l'enfant n'avait que trop d'esprit.

Je veux, dit le dieu de la guerre,
Lui montrer moi-même cet art
Par qui maints héros ont eu part

Aux honneurs de l'Olympe, et grossi cet empire.
Je serai son maitre de lyre,

Dit le blond et docte Apollon.

Et moi, reprit Hercule à la peau de lion',

Son maitre à surmonter les vices,

A dompter les transports, monstres empoisonneurs, Comme hydres renaissants' sans cesse dans les cœurs:

'Louis-Auguste de Bourbon, DUC DU MAINE, fils de Louis XIV et de madame de Montespan, et élève de madame de Maintenon. Il naquit à Versailles, le 30 mai 1670; et il n'avait que sept à huit ans lorsque la Fontaine lui adressa cette jolie allégorie, à laquelle il a donné le titre de fable. Le duc du Maine fut légitimé le 29 décembre 1673, et mourut le 14 mai 1756.

VAR. Renaissant, dans toutes les éditions modernes, excepté celle de Montenault, in-folio (t. IV, p. 48), qui a conservé

Ennemi des molles délices,

Il apprendra de moi les sentiers peu battus
Qui mènent aux honneurs sur les pas des vertus.
Quand ce vint au dieu de Cythère,

Il dit qu'il lui montrerait tout.

L'Amour avait raison. De quoi ne vient à bout L'esprit joint au désir de plaire!

FABLE III.

Le Fermier, le Chien, et le Renard.

Le loup et le renard sont d'étranges voisins!
Je ne bâtirai point autour de leur demeure.
Ce dernier guettait à toute heure
Les poules d'un fermier; et, quoique des plus fins,
Il n'avait pu donner d'atteinte à la volaille.
D'une part l'appétit, de l'autre le danger,
N'étaient pas au compère un embarras léger,
Hé quoi dit-il, cette canaille
Se moque impunément de moi !

Je vais, je viens, je me travaille,
J'imagine cent tours le rustre, en paix chez soi,
Vous fait argent de tout, convertit en monnoie
Ses chapons, sa poulaille'; il en a même au croc;
Et moi, maitre passé, quand j'attrape un vieux coq,
Je suis au comble de la joie!
Pourquoi sire Jupin m'a-t-il donc appelé
Au métier de renard? Je jure les puissances
De l'Olympe et du Styx, il en sera parlé.
Roulant en son cœur ces vengeances,

Il choisit une nuit libérale en pavots:
Chacun était plongé dans un profond repos;
Le maître du logis, les valets, le chien même,
Poules, poulets, chapons, tout dormait. Le fermier,
Laissant ouvert son poulailler,
Commit une sottise extrême.

Le voleur tourne tant qu'il entre au lieu guetté,
Le dépeuple, remplit de meurtres la cité.

Les marques de sa cruauté
Parurent avec l'aube on vit un étalage
De corps sanglants et de carnage.
Peu s'en fallut que le soleil

Ne rebroussat d'horreur vers le manoir liquide.
Tel, et d'un spectacle pareil,
Apollon irrité contre le fier Atride?

avec raison la leçon des éditions originales, Voyez à ce sujet la note sur la fable xvi du livre VII.

On dit un poulailler pour désigner celui qui fait métier de vendre de la volaille; mais je ne connais pas d'au ́orité plus ancienne que la Fontaine, relativement à l'emploi du mot poulaille. J. B. Rousseau s'en est servi d'après lui.

* Agamemnon, l'aîné des Atrides ou des petits fils d'Atrée, ayant enlevé Chryséis à Chrysès son père, pontife d'Apollon, le

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