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a que ténèbres ou erreurs dans les sciences; c'est donc elle que nous avons dû appliquer à la science du langage.

Nous avons compulsé les registres de notre littérature, et, aux idées qui se sont éveillées en nous, nous avons comparé les croyances grammaticales. Plus de cent écrivains ont été lus, médités, extraits, et nous ont fourni l'ample moisson des faits sur lesquels nous avons établi nos théories.

Le public est en possession de la Grammaire des grammaires, ce procès-verbal des croyances grammaticales.

C'est la Grammaire des Auteurs que nous venons lui pré

senter.

Nous voulions pénétrer dans l'idéologie du langage. Etaient-ce les grammaires que nous devions lire, c'est-à-dire ces recueils froids et arides de règles et d'abstractions, imaginées plutôt que trouvées, et si long-temps copiées sur parole? Ou bien, nous élevant à la fonction de juré, ne devions-nous pas interroger le génie de la langue dans ses sources mêmes, porter des jugements d'après nos propres impressions, présenter à nos lecteurs les mêmes faits qui nous avaient déterminé, pour les mettre à portée de descendre aussi, d'après leurs propres impressions, à des généralités, et de se faire une grammaire particulière?

En comparant notre méthode à celle du célèbre HornToocke, on pourra du moins, dit la Biographie universelle, ›examiner, DANS LE COURS DE LANGUE FRANÇAISE ( de M. Le› mare ), si la méthode historique n'est pas plus franche que l'ancienne méthode des raisonnements abstraits, qui, à force › de vouloir, dans toutes les relations possibles, substituer une ›idée générale à chaque mot, finit par se perdre dans des divisions subtiles (1). »

Prenons un exemple des deux manières.

(1) Biographie universelle, au mot Horn-Toocke.

Les grammairiens, nous ne savons trop sur quel raisonnement, ont établi cette règle :

Il faut répéter le verbe après mais, lorsque la phrase a deux › membres dont l'un est affirmatif, l'autre négatif.

D

Ainsi, sans s'informer quel est, en pareille circonstance, l'usage des auteurs, ils condamnent cette phrase (1):

Notre réputation ne dépend point du caprice des hommes, > mais des actions louables que nous fesons. Ils veulent qu'on dise, Ne dépend point.....; mais elle dépend.

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Nous ouvrons les dépôts de notre littérature:

PASCAL a dit : Ce n'est pas le mot d'in- | LA FONTAINE : Le gibier du lion, ce ne

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que l'i

Mille autres règles pareilles, qui n'ont d'autre base magination raisonneuse d'hommes presque tous étrangers à l'art d'écrire, forment en grande partie le symbole des grammairiens. Les vrais législateurs ont été négligés; des juges, qui se sont institués eux-mêmes, ont usurpé l'autorité; et à la place des lois, dont ils ne pouvaient être au plus que les organes, nous ont donné leur jurisprudence, c'est-à-dire leurs caprices, leurs visions.

(1) Voyez WAILLY, Principes de la langue française, au mot répétition.

ils

Il fallait donc refaire les idées grammaticales; il fallait donc recourir aux auteurs originaux, et pour rendre raison de l'usage qu'ils ont introduit, il fallait suivre l'esprit humain dans sa marche, qui n'est sûre que lorsqu'elle a pour terrain ou pour point d'appui les réalités.

Le style est tout l'homme, a dit Buffon. Nous avons donc pu reconnaître le cachet de chaque auteur en lisant et en analysant ses ouvrages. De ces différentes lectures et analyses, il est résulté pour nous autant de grammaires particulières, qui, comparées entre elles, ont donné naissance à des axiomes moyens, puis à des généralités plus vastes, mais dont les éléments ne cessent d'être sous les yeux. Ce sont ces collections de faits, d'axiomes et de règles que nous pourrions appeler Grammaire des Auteurs.

La Fontaine nous a fourni plus de 1,200 exemples; Voltaire plus de 600.

Quelle variété dans cet ensemble d'exemples! Quelle source d'étude et de méditation!

D'un côté, on croira que c'est moins un Cours de grammaire que nous avons voulu donner, que des leçons d'histoire, de mythologie, de morale, de droit public.

D'un autre, en voyant passer rapidement sous ses yeux tout ce que le talent et le génie ont produit de plus parfait dans notre littérature, on pourra s'imaginer que la grammaire est un cadre que nous avons choisi pour placer toujours, à quelque propos et sans arbitraire, des modèles de tous les styles et de tous les genres.

Un ou deux exemples sont insuffisants pour faire naître l'idée d'une analogie. Aussi avons-nous soin de les multiplier; mais nous voulons toujours qu'ils apprennent quelque chose. Parmi les passages que nous préférons, il faut compter surtout ceux qui font connaître le cœur humain, ou qui tendent à substituer quelque idée à quelque croyance, et qui donnent à l'homme le sentiment de sa force et de sa dignité.

S'agit-il de rassembler des faits qui puissent régler l'emploi si difficile des temps et des modes?

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Est-il question de montrer la différence de deux mots? Ne pouvant, selon le vœu de Jean-Jacques, les poser l'un sur l'autre pour les comparer, nous ne manquons jamais de les opposer dans deux colonnes latérales.

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Rien ne fait mieux comprendre le peu

PEU DE CHOSES.

Nous désirerions peu de choses avec ar

de chose que Dieu croit donner aux deur, si nous connaissions parfaitement hommes en leur abandonnant les riches-ce que nous désirons. ses, que la dispensation qu'il en fait et le

genre d'hommes qui en sont pourvus.

LA BRUYÈRE.

LA ROCHEFOUCAULT.

Notre ouvrage est plein de semblables oppositions.

Quoique cette édition comprenne un bien plus grand nombre de citations que la précédente, presque tous nos exem

ples ont été pris dans les auteurs. Ce n'est guères que pour l'orthographe d'usage que nous avons été obligé souvent d'en fabriquer pour grouper les faits, et abréger le travail. Exemples:

E ouvert par ê.

Laissons au journalier la bêche,
Au brasseur son orge et sa drêche,
Au riverain le droit de pêche,
Au jardinier l'abricot et la pêche,
Au diplomate la dépêche,

Le beau Narcisse, pâle et blême,
N'est amoureux que de lui-même ;
Se voir et se unirer, c'est son plaisir suprême.
Mais, si sa pâleur est extrême,

Ce n'est pas qu'il jeûne en carême :

Au teinturier le temps d'employer son Hier il a mangé jusqu'à dix pots de créme ; campeche.

Il est presque mourant, il attend le saint chrême.

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