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Nous disons ordinairement; car dans le style familier, on trouve des

exemples contraires.

Manquant de tout dans mon chagrin poi

gnant,

J'allai trouver Lefranc de Pompignan,
Ainsi que moi, natif de Montauban.

VOLT. Pauvre diable.

J'ignore quel objet alors il dévoila ;

Le goût de l'avoir s'envola;
Les ris ont raconté que la nymphe parla.
GREC. Poésies div.

Mais à vos cris on entrera,
Votre costume est payen; l'on rira,
Peut être aussi, quelqu'un se fàchera.

Se plaindre un peu, menacer, sans colère,
Beaucoup rougir, c'est en pareille affaire,
Tout ce qu'on peut, et tout ce qu'on doit faire.
Multipliez, Carmes, Bénédictins,
Frères Prêcheurs, frères Ignorantins,
Dominicains, Bernardins, Franciscains.

Ce bataillon subitement formé,

De javelots et de lances armé,

Frappant toujours et jamais entamé..... PARNY.

Il y a certaines pièces de poésies qui exigent une distribution particulière de rimes, et même une quantité déterminée de vers. Ce sont le sonnet, le rondeau, le triolet, la ballade, le lai, le virelai, la vilanelle, le chant royal. Il nous suffira de dire que ces sortes de pièces sont tombées en désuétude; que c'est une espèce de honte de s'occuper à ces bagatelles difficiles. Les curieux en pourront chercher les principes daus Richelet, augmenté par Wailly. Cependant nous citerons un sonnet et un rondeau, non à cause du genre, mais pour la nature des idées qu'ils renferment.

Sonnet.

Doris, qui sait qu'aux vers quelquefois je me | Si du premier tercet je puis faire les frais.

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Menait par fois à noble jouissance,

net.

Et, qui plus est, fesait bouillir le pot.
Or, est passé ce temps, où d'un bon mot,
Stance ou dizain, on payait son écot:
Plus n'en voyons qui prènent pour finance
Le bel esprit.

1885

A prix d'argent l'auteur, comme le sot,
Boit sa chopine et mange son gigot;
Heureux encor d'en avoir suffisance!

Maints ont le chef plus rempli que la panse:

Dame ignorance a fait enfin capot
Le bel esprit.
Mad. DESHOULIERES.

Qui pourrait douter que les mêmes idées n'eussent pu être rendues, aussi bien, et peut-être mieux, en d'autres mesures, et avec une autre distribution de rimes? Aujourd'hui, dit Domergue, que l'orgueilleux sonnet est déchu de sa noblesse et de ses prétentions, nous sommes étonnés que le sage Boileau ait dit de cette pièce :

Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème.

Ils n'est que trop vrai que les hommes les plus habiles ont leurs faiblesses, qui sont inconcevables. La contrainte du sonnet est un des ridicules qui n'out point échappé à la sagacité de Molière.

S 2.

Dispositions des vers.

1 Lorsqu'une pièce est composée en vers de différentes mesures, les uns grands, les autres petits, sans aucun ordre symétrique, on dit qu elle est en vers libres; telles sont les Fables de La Fontaine, excepté onze, savoir: 1o Le rat de ville et le rat des champs; 2° le coq et la perle ; 3° le meinier, son fils et l'âne ; 4° le lion amoureux, etc.

Les épigrammes, les madrigaux, et en général toutes les pièces légères peuvent être en vers libres de même que les fables.

2° La tragédie, la comédie, le poème épique sont toujours en grands vers. C'est aussi selon cette mesure qu'on a coutume de composer les épîtres, les satires, les idylles, les églogues.

La mesure de dix syllabes convient singulièrement à l'épigramme, aut poèmes érotiques, et à tous ceux où doit régner un ton badin, familier et caustique. C'est en cette mesure que sont composés le Ver-Vert et le Lutrin vivant, de Gresset; la Dunciade, de Palissot; le paurre diable, par Voltaire, et un poème tout entier du même auteur. Notre sujet nous force aussi de citer La guerre des Dieux, de Parny, ouvrage étincelant d'esprit et de génie, mais peu édifiant.

Les pièces de vers susceptibles d'être chantées, et que pour cela on appèle lyriques, telles que les odes, les hymnes, les chansons, les romances, et les vaudevilles, etc., se composent par stances.

Une stance est un nombre déterminé de vers, après lequel le sens est fini. Dans l'ode on l'appèle le plus souvent strophe, et dans les chansons elle prend le nom de couplet.

Nous ne connaissons point de stances de moins de quatre vers, et de

plus de seize. Il y en a peu de cinq, et beaucoup moins encore au-dessus de dix.

La mesure des vers et le mélange des rimes y varient presque à l'infini.

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EXEMPLES DE DIVERSES SORTES DE STANCES.

Stance de quatre vers.

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Stance de huit vers.

Dans les plaisirs qu'offre le monde
L'épine accompagne la fleur,
Et la piqûre est plus profonde
Que le plaisir n'eût de douceur;

Mais de cette vertu divine (la bienfesance
Quand on a goûté les attraits,
C'est une rose sans épine,

Et qui ne se fane jamais. Par l'Auteur.

Stance de neuf vers.

Quel rempart, quelle autre barrière,
Pourra défendre l'innocent
Contre la fraude meurtrière,
De l'impie adroit et puissant?
Sa langue aux feintes préparée,
Ressemble à la flèche acérée,
Qui part et frappe au même instant,
C'est un léger feu dès l'entrée
Que suit un long embrâsement.
J.-B. ROUSSEAU.

Stance de dix vers.

Quoi Rome et l'Italie en cendre
Me feront honorer Sylla!
J'admirerai dans Alexandre,
Ce que j'abhorre en Attila!
J'appelerai vertu guerrière
Une vaillance meurtrière,

Qui dans mon sang trempe ses mains!
Et je pourrai forcer ma bouche,
A louer un héros farouche,
Né pour le malheur des humains!
J.-B. ROUSSEAU.

Selon que toutes les stances d'une pièce sont 10 uniformes, tant pour la mesure et le nombre des vers que pour la combinaison des rimes; 2° ou qu'elles ont une forme différente et sans symétrie; 3. ou qu'elles ont une forme différente, mais symétrique, on dit qu'elles sont régulières, irrégulières ou mixtes.

Stances régulières. Voyez Jean-Baptiste Rousseau, le premier de nos poètes lyriques, livre premier, ode deuxième : Les cieux instruisent la terre, et les treize odes suivantes.

Stances irrégulières. Voyez ibid, Epodes, livre premier, cantique.
Stances mixtes. Rousseau n'en offre point d'exemples.

On en trouve un dans Lefranc de Pompignan. Dieu se lève.

En général presque toutes les odes, tous les hymnes, toutes les chansons, romances, vaudevilles, sont en stances régulières.

Les stances peuvent s'exécuter de mille manières différentes par des vers de même mesure ou de nesure différente; par de grands vers, ou de petits vers, ou même de vers entremêlés avec des rimes suivies, melées ou croisées.

Nous ne nous amuserons point ici à donner des règles. L'oreille est le juge souverain en fait d'harmonie, c'est à la lecture de nos bons poètes lyriques, et surtout de J.-B. Rousseau, qu'elle doit s'exercer et se för

mer.

ART ÉTYMOLOGIQUE,

NEUVIÈME PARTIE

DU COURS DE LANGUE FRANÇAISE.

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