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H

1836

Quand l'enjambement est permis, et quand il fait une beauté.

Vous connaissez l'impétueuse ardeur

De nos Français; ces fous sont pleins
d'honneur.

Ainsi qu'au bal, ils vont tous aux batailles.
VOLTAIRE.

J'ai peu loué. J'eusse mieux fait encor
De louer moins. Non que pincer sans rire
Soit de mon goût. Je tiens qu'en fait d'é-
crire,

Le meilleur est de rire sans pincer.
Nous ne devons les vices caresser,

Mais d'autre part, il ne faut les reprendre
Trop aigrement. Les hommes, à tout pren-
dre,

Ne sont méchants que parce qu'ils sont fous,
Ce sont enfants moins dignes de courroux
Que de risée. J.-B. ROUSSEAU,

Le trou de l'escarbot se rencontre en chemin.
Je laisse à penser si le gîte

Etait sûr. Mais où mieux? Jean lapin s'y
blottit. LA F.

L'enjambement se souffre dans les vers familiers et dans les fables, il y a même souvent quelque chose de pittoresque. On l'emploie surtout avec grace dans le style marotique.

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fils. Id.

Une belette, un beau matin,
Du palais d'un jeune lapin
S'empara. C'est une rusée. La F.

Là du sommet lointain des roches buisson

neuses

Je vois la chèvre pendre. DELILle.

Elle parle; un roi tremble, et l'oracle homi- Soudain le mont liquide élevé dans les airs

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d'horreurs. Id.

Retombe. Un noir limon bouillonne au fond des mers. Id.

L'enjambement est plutôt une beauté qu'un défaut, lorsque par la passion on s'interrompt soi-même, ou que, dans le dialogue, on est interrompu par un autre.

L'enjambement est une beauté quand il fait image (1).

(1) C'est précisément parce qu'en général l'enjambement n'est pas permis dans notre versification, que par la rareté de son emploi, il est propre à faire image. C'est dans ce but que les poètes latins, finissaient, contre l'usage ordinaire, le vers hexamètre par un monosyllabe. ...Procumbit humi BOS. VIRG.

....Insequitur tumulo proruptus aquæ MONS. Idem.
Spes Danaum, fractæ vires, aversa deœ MENS. Idem.
Littoreis ingens inventa sub ilicibus sus. Idem.
Unus qui nobis cunctando restituis REM. Idem.
Parturiunt montes, nascetur ridiculus mus. Hon.

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Cette rime, comme on verra, est très riche.

Cette rime a trois parties, i qui est le son dominant, es qui suit, et t qui précède.

Ici la rime n'a qu'une partie in, car in ne fait qu'un son.

Nous pouvons faire sur ces 12 vers trois sortes de remarques : 1° La rime se compose tantôt de trois parties, tantôt de deux, tantôt d'une seule.

Celle qui ne manque jamais, c'est celle qui renferme toujours un son plein, une voyelle sonore :

Tel est a dans cou-r-a-ge, ouv-r-a-ge,

ez dans repoli-ss-ez, effac-ez,

i dans f-ourm-i-llent, pét-i-llent,
eu dans li-eu, mili-eu,

i dans par-t-i-es, assort-i-es,
in dans August-in, lutr-in.

A cette partie qui ne manque jamais dans aucune rime, nous donnons le nom de DOMINANTE.

Souvent après la dominante vient une ou plusieurs lettres sonores, Ou muettes, ou nulles; tel est ge, llent, es, dans coura-ge, fourmi-llent, parti-es, et c'est ce que nous appelons la SUBDOMINANTE.

Mais souvent la dominante est appuyée sur une consonne ou une voyelle semblable dans les deux times,

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Tel quer dans cou-r-a-ge,

ss ou c dans repoli-ss-ez, effa-c-ez,

i dans mil-i-eu, l-i-eu,

t dans par-t-i-es, assor-t-i-es.

D'après l'analogie, cette partie a dû prendre le nom de PREDOMINANTE. Ces trois parties seront le sujet de trois paragraphes.

2o On voit que dans la rime, repoli-ss-ez, effa-c-ez, ss et c ne sont semblables que pour le son, c'est-à-dire qu'ils sont seulement homonymes, et qu'il y a identité et de son et de forme dans la dominante ez. Cette différence, homonymie, (ou équivalence de son) et identité, se reproduit souvent dans une ou plusieurs parties de la rime, ce sera le sujet d'un premier paragraphe. Ce chapitre comprendra donc quatre paragraphes, et il sera terminé par des observations générales, qui seront le sujet d'un cinquième paragraphe.

PARAGRAPHE 1°.

de l'identité et DE L'ÉQUIVALENCE, OU HOMONYMIE.
Cherchons des rimes au mot pen-s-an-t, nous aurons:

1° pen-s-an-t,
ver-s-an-t,

2° pen-s-an-t,
ab-s-en-t,

3° pen-s-an-t,
per-c-an-t,

4° pen-s-an-t,)

al-s-an-d,

où les 3 parties, dominante, subdominante, et prédominante, sont identiques à l'œil et à l'oreille, c'est-àdire, pour l'orthographe et pour le son.

où il n'y a identité que dans la subdominante et la prédominante, et où la dominante an et en n'est qu'équivalente.

où la prédominante (s etc,) n'est qu'équivalente.

où la subdominante (t et d,) n'est qu'équivalente.

5° pen-s-an-t, où la prédominante (s et c,) et la dominante (an et en,)
ré-c-en-t, ne sont qu'équivalentes.
S

6. pen-s-an-t,

il de-sc-end,

où les trois parties ne sont qu'équivalentes.

PRINCIPE. La rime est également bonne, soit qu'elle soit composée totalement ou partiellement de parties identiques ou de parties équivalen

tes.

La dominante et la prédominante (identiques ou équivalentes) sont toujours sonores. Il n'en est pas de même de la subdominante.

Dans les rimes ci-dessus, t et d sont pour l'oreille des lettres nulles.

1839

Etpour rassasier son appétit gourman-d
Ilfaut joindre au mari le ragoût d'un aman-t.
MOLIÈRE.
Tout le bien que je veux je le fais sur le
cham-p.

Faute de tabouret je m'asseois sur un ban-c.
L'empereur Adrien sans songer à son ran-g,
Comme un simple écolier s'asseoyait sur un
ban-c.

Toutes ces subdominantes, d, t, p, c, étant nulles pour l'oreille, sont admises à la rime. On verra que par le privilége des monosyllabes, champ, banc, rang, ont pu rimer sans prédominante.

Chaque moment d'attente ôte de notre pri-x, Le Piémont riche en prés, champ, blé, lin,
Et fille qui vieillit tombe dans le mépri-s. MOL.

soie et ri-z,

Pleure sa liberté, loin des jeux et des ri-s.

X, z et s insonores, peuvent figurer indifféremment à la subdominante. Lorsque la subdominante est composée de plusieurs consonnes, dont la dernière est a ou, on ne compte pour rien l'avant dernière.

On dirait qu'un esprit anime mille corp-s,
C'est bien là que les gens sont de simples res-

sort-s.

On devait au bout de dix an-s
Mettre son âne sur les ban-cs.

LA F. 6, 19.

– Tu peux choisir ou de manger trente auls, J'entends sans boire et sans prendre rep-os.

LA F. On doit la Barbe-Bleue et le Louvre à Perrault Et la postérité rend justice à Quin-aut,

Dans cor-ps, ressor-ts, ban-cs, au-la, Perrau-lt, la pénultième est vraiment nulle et ne contribue point à former un son.

Mais vergers ne rimerait point avec conges, parce que r ne fait qu'un avec l'e qui précède, ôtez r de vergers, on aurait verges et non le son é.

S 2.

DE LA DOMINANTE.

On a vu qu'il n'y a point de rime qui n'ait au moins la dominante, soit identique, soit équivalente.

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Qu'ils tremblent à leur tour pour leurs propres e, dans foyers, er se prononce é.

foy-er-s.

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Pour épargner des renvois nous allons citer un nouveau passage, et noter les subdominantes. Cette partie seule sera distinguée par l'itali que.

C'est en vain qu'au Parnasse un téméraire au- O vous donc qui brûlant d'un ardeur péril

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Les deux dernières rimes, consumer, rimer, n'ont point de subdominante, car il faut les deux lettres e et r pour former le son e; er, dans consu mer et rimer, font donc fonction de dominante.

C'est ainsi que ez, dans poliss-ez et effac-ez, ne constitue que la dominante. Il n'en serait point ainsi, d'er, ez, dans Jupiter, enfer, Suarez, Alvarez, l'e jouerait le rôle de dominante, et ret z sonore, celui de subdominante.

-

1 RÈGLE GÉNÉRALE. Quand un vers a une subdominante, il en faut une dans l'autre vers.

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2 RÈGLE. La subdominante doit être identique ou équivalente.

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