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1694

Emploi extraordinaire des deux-points.

Je ne suis pas de ceux qui disent: ce n'est rien,
C'est une femme qui se noie. La F. 3,16.
Les Troglodytes envoyèrent au-devant
d'eux des ambassadeurs qui leur parlèrent
ainsi :

• Que vous ont fait les Troglodytes?
Ont-ils enlevé vos femmes, dérobé vos
» bestiaux? MONTESQ. Lettr. pers.

Lorsque j'entendis les scènes du paysan dans le faux généreux, je dis : Voilà qui plaira à toute la terre et dans tous les temps. DIDEROT.

Je disais à la nuit sombre:
O nuit! tu vas dans ton ombre
M'ensevelir pour toujours.

Je redisais à l'aurore :

Le jour que tu fais éclore

Est le dernier de mes jours. J.-B. R.

Non-seulement les deux-points sont employés comme signe graduel, mais ils le sont encore pour annoncer une citation ou discours.

Cet emploi ne se lie point à l'idéologie de la ponctuation, cependant il est consacré par l'usage. Heureusement il n'offre aucune difficulté d'application.

Abus des deux-points.

M. Domergue ponctue ainsi : Dénominations vicieuses, fausse classification, définitions inexactes, règles peu sûres, nul principe qu'avoue la logique telles sont la plupart des grammaires. DoMERGUE.

Tout plaît dans les synonymes de l'abbé Girard : la finesse des remarques, la justesse des pensées, le choix des exemples. DoMERGUE.

Observations.

Il y a dans cette ponctuation un intermédiaire de franchi; le point-virgule suffisait, et dès-lors les deux-points ne pouvaient trouver place.

Il fallait Tout plaît dans les synonymes de l'abbé Girard; la finesse des remarques, etc.

Car il n'y a dans ces deux phrases que division et subdivision: il n'y faut donc que le point-virgule et la virgule. Il est impossible d'y mieux marquer les sens partiels que par ces deux premiers signes divisionnaires. Les deux-points seraient une indication fausse; car ils annonceraient que dans la phrase il y a trois degrés de division, tandis qu'il n'y en a que deux.

Suite.

Les deux-points sont donc aussi vicieux dans les exemples suivants ·

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Trompeurs, c'est pour que j'écris :
Attendez-vous à la pareille. LA F. 1, 18.

18.}

Le point-virgule suffisait.

Il en est du véritable amour, comme de l'apparition des esprits : tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu. LA ROCHEF. Edit. stéréotype.

Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le
monde :

On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
LA F. 2, 21.

Voyez l'observation précédente.

Au lieu des deux-points, il fallait ou un point, ou un point-virgule.

Un air fin est comme l'étincelle de Dans ces sortes de phrases, il faut l'esprit : un air doux promet des égards opter entre le point ou la virgule. Voyez flatteurs un air noble marque l'éléva-ce qui a été dit de la manière de ponction du sentiment un air tendre sem-tuer dans le style coupé.

ble être le garant d'un retour d'amitié.

Théorie du sentiment cité par Fabre.

Les deux-points, dit Wailly, se mettent après une phrase finie, mais suivie d'une autre qui sert à l'étendre ou à l'éclaircir.

Nous dirons à M. Wailly Si la phrase est vraiment finie, pourquoi la distinguer par une ponctuation qui annonce qu'elle ne l'est pas ? ou si vraiment elle n'est pas finie, ce n'est donc qu'une partie de phrase. Alors pourquoi ne pas marquer, par un signe graduel (une virgule, un point-virgule, etc.,) dans quel rapport est cette partie avec le

tout?

D'ailleurs que faut-il entendre par une phrase qui en étend ou en éclaircit une autre? Dans tout un chapitre, toutes les phrases qui suivent n'étendent-elles pas, n'éclaircissent-elles pas celles qui précèdent?

Il semble, dit Beauzée à l'occasion de la dernière phrase, qu'un détail de maximes, adaptées à la même fin, doivent être' distinguées par les deux-points.

Mais si ces maximes sont enchaînées en une seule phrase ou période, pourquoi ne les pas soumettre à la ponctuation graduelle; et si elles sont totalement isolées, pourquoi ne pas les séparer par le point, à moins qu'elles ne puissent être regardées comme des phrases du style coupé, et qu'on ne se contente de la virgule ?

De fait, quels sont les fruits de toutes ces règles? On a vu, dans la ponctuation comparée, comment les mêmes phrases sont ponctuées diversement par différents auteurs, ou par le même en différents temps. Or cette étrange bigarrure est due surtout à l'abus que l'on fait tant des deuxpoints que du point-virgule.

En général, on ne s'est pas encore douté de la difficulté de la ponctuation; car, pour en connaître le génie, il faut savoir embrasser, diviser et subdiviser dans ses diverses parties l'immense tableau de la parole, en apprécier toutes les combinaisons, toutes les complications. Aussi est-ce

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une entreprise évidemment au-dessus des forces de l'homme que celle de faire sur cette partie des règles qui soient toujours à l'abri de toute contradiction, et sur-tout qui puissent toujours être facilement appliquées.

CHAPITRE IX.

DU POINT INTERROGATIF ET DU POINT EXCLAMATIF.

Il est temps de dire que nous avons trois sortes de ponctuations; une pour les phrases positives, une pour les interrogatives, et une pour les phrases exclamatives. Nous avons déjà traité de la première; nous avons vu qu'elle a quatre signes graduels, qui sont le point, les deux-points, le point-virgule et la virgule.

Les deux autres ont chacnne un signe unique, qui par conséquent remplace tantôt un des quatre signes graduels, tantôt un autre.

Exemple du point interrogatif.

S'il fallait condamner
Tous les ingrats qui sont au monde,
A qui faudrait-il pardonner? La F.

Je porte à manger

A ceux qu'enclôt la tombe noire.
Le mari repart, sans songer:
Tu ne leur portes point à boire?

LA F. 5, 7:

Style énonciatif ou positif.

S'il fallait condamner, etc., dites-moi à qui il faudrait pardonner.

Je porte, etc. Le mari repart, sans songer; dis-moi donc si tu ne leur por tes point à boire.

Dites-moi si c'est la première CatiliN'est-ce pas la première Catilinaire quinaire qui commence ainsi : Jusques à

commence ainsi? Jusques à quand, etc.

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quand, etc.

Le Pirée a part aussi

A l'honneur de votre présence;
Vous le voyez souvent, je pense.
Je voudrais savoir ce que vous fesier
au temps chaud, dit-elle à cette emprun

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Je vois que vous osez, dit-elle, vous produire à mes yeux, après que votre race a tâché de me nuire.

Je dis qu'il faut mépriser le plaisir que la crainte peut corrompre.

Je désire que la gent qui fend les airs vive.

Voilà un bel emploi que tu nous don

nes.

Je voudrais qu'il plût à Dieu qu'on réglât ainsi tous les procès.

Dites-moi ce que je vois, cria-t-il.

L'enfant lui crie: Je vous prie de venir à mon secours, car je péris.

A la vue des exemples ci-dessus et autres semblables, on peut remarquer :

1° Que le point interrogatif et le point exclamatif remplacent les quatre signes graduels du langage positif ou énonciatif; qu'ainsi, lorsque les grammairiens disent : On met le point quand un sens est fini, savoir : le point simple dans les phrases positives, le point interrogatif dans les phrases interrogatives, et le point exclamatif, lorsqu'on s'écrie: ils ne sont pas même à l'abécé de la ponctuation;

2°. Que l'interrogation et l'exclamation peuvent être dans la forme même de la phrase, ou seulement dans le ton;

3° Que souvent, sous la forme interrogative, il y a une véritable exclamation, comme dans : Que vois-je! cria-t-il. Quoi! vous osez, etc.;

4°. Que l'interrogation et l'exclamation supposent toujours une grande ellipse, qui, étant rétablie, ferait disparaître le point interrogatif et le point exclamatif. Voyez les phrases de la deuxième colonne; elles équivalent sans doute à celles de la première, quoiqu'elles exigent une autre ponctuation.

NOTA. Il ne faut pas confondre, comme on le fait souvent, Pinterrogation et l'exclamation. L'interrogation exprime, dans celui qui parle, un doute réel ou un doute simulé, qu'il met en avant pour obtenir, ou comme s'il voulait obtenir une réponse.

L'exclamation exprime un sentiment, et non pas un doute ni une apparence de doute. Celui qui s'écrie est vivement ému, et il élève le ton en signe d'une grande persuasion.

Maintenant

Nous allons ponctuer d'après nos principes la fable du corbeau et du re

nard, afin qu'on puisse comparer notre ponctuation avec celle de La Fon taine 1 et 2, et celle de Barbou et de Didot.

Maître corbeau, sur un arbre perché,
Tenait, en son bec, (*) un fromage.

Une fois que ces deux vers ont été admis comme phrase, il a fallu la terminer par un point, et distinguer par la virgule la partie séparable sur un arbre perché. Pour cet effet il a fallu deux virgules.

Car si l'on avait écrit: maître corbeau sur un arbre perché, tenait en son bec un fromage, il n'y avait plus moyen de lier, de rapprocher le sujet. Il était séparé du verbe par une barrière infranchissable, la virgule.

Si l'on avait écrit: maître corbeau, sur un arbre perché tenait en son bec un fromage, la même barrière séparait le sujet et le verbe.

Il est de principe, comme il est de fait qu'une virgule exige invinciblement une autre virgule, ou un autre signe de ponctuation, de sorte qu'elle fonctionne, comme on verra plus tard, à la manière de la parenthèse.

Maitre renard, par l'odeur alléché,

Lui tint, à peu près, (*) cel angage>

Hé! bonjour, monsieur du corbeau !
Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!

Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois.

On a vu que par un usage extraordinaire les deux-points s'emploient pour annoncer un discours. Sans cela, c'était un point que réclamait la ponctuation usuelle.

Hé! équivaut à une phrase exclamative et a dû être séparé du reste de la phrase par un point exclamatif.

Bonjour est un incident séparable, et en effet séparé à gauche par le point d'exclamation et à droite par la virgule.

Otez sans mentir, la phrase est divisée en deux parties: Si votre ramage se rapporte à votre plumage, vous êtes le phéniz des hôtes de ces bois. Jusque là il n'y a fallu que le point et la virgule. Sans mentir est censé placé comme par paren thèse, et ne rien changer.

(*) La Fontaine, Barbou et Didot ont ici négligé la virgule, et c'est l'usage à peu près una nime lorsque les compléments séparés sont si courts. Mais c'est introduire dans la ponctuation une difficulté de plus. Il faudra toujours juger arbitrairement si tel ou tel complément est assez court pour n'être pas ponctué.

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