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cruel, pouvez-vous croire

Que je suis moins que vous jalouse de ma
gloire? RAC. Bajazet.

Ils fatiguent plus les portes des mai-
sons à coups de marteau que les vents et
les tempètes. MONTESQ. 87o Lettre pers.
Le crime fait la honte, et non pas l'échafaud.

Atalide veut dire pouvez-vous croire que je suis moins jalouse de ma gloire que vous ne l'etes de la vôtre?

L'auteur veut dire que les vents et les tempêtes ne les fatiguent.

L'auteur veut dire que le crime fait Passage déjà cité.la honte, et que l'échafaud ne la fait

pas.

L'ellipse, qui est une si grande source de beautés, en est aussi une d'équivoques:

J'évite d'être long, et je deviens obscur.

Mais il y a pour construire une adresse, qui fait que souvent on sait être court et clair ; c'est le secret des grands écrivains.

Que leurs doctes écrits, par les grâces dictés,

Ne quittent point vos mains, jour et nuit feuilletés.

Équivoques instantanées.

Il leur donna le temps de quitter le parti d'Antigone et de passer dans le sien. C'est en effet le parti qu'ils prirent.

Et c'est en effet le parti laisse croire un moment que c'est le parti dont il a été mention dans le premier membre

Phrase blamée par Wailly.de phrase; ce n'est que la suite qui détrompe.

Exemples.

La civilité exige qu'on ait de l'atten-
tion à ce qu'on nous dit.

Phrase blámée pur Wailly.
Par un indigne obstacle il n'est point retenu;
Et, fixant de ses vœux l'inconstance fatale,
Phedre depuis long-temps ne craint plus de
rivale. RAC. Phedre.

Observations.

Voilà deux on appliqués différemment à diverses sortes de personnes.

Et semble d'abord additionner une action de Thésée; tout le deuxième vers continue cette illusion ; et ce n'est qu'au troisième qu'on voit qu'il s'agit d'une action de Phèdre.

Je condamne sa paresse, et les fautes Il semble d'abord que la paresse et ses que sa nonchalance lui fait faire en fautes soient un complément de je con beaucoup d'occasions m'ont toujours | damne, et qu'on veuille dire : je condamne paru inexcusables. sa paresse et les fautes que sa nonch ilance

Phrase blámée par l'Académie. lui fait faire.

La répétition du même mot avec des applications différentes, en produisant au moins un instant d'équivoque, fatigue l'esprit, forcé de s'arrêter et de revenir en arrière.

Il y a aussi d'autres constructions qui sont trompeuses en ce qu'elles

font d'abord regarder d'un côté, tandis qu'en se développant, on voit qu'elles conduisent réellement d'un antre telles sont celles des deux dernières citations.

C'est ainsi que nos indiscrètes persécutions augmentent la somme des sen sations déplaisantes aux dépens des agréables. J.-J. R. Emil. 1.

Je regarde votre amitié comme le`

Voilà une construction malheureuse.

A la prononciation il semble qu'on plus grand des avantages que vous puis-dise le plus grand désavantage. siez me faire. Phrase blámée par Wailly.

Le plus grand des plaisirs que vous puissiez me faire, c'est de m'écrire souvent. Id.

On croit entendre le plus grand déplaisir.

Défaut de clarté par l'impropriété des termes.

Exemples.

[652 Tout l'empire n'est plus la dépouille d'un

653

maître.

Observations.

Racine voulait dire la proie d'un maître; car la dépouille d'un maître

Le peuple au champ de Mars nomme ses ma- réveille l'idée d'un maître dépouillé,

gistrats. RAC. Britan. 1, 2.

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et non point celle d'un maître qui dépouille.

Racine voulait dire : Loin de révoquer cette promesse, je voulus y souscrire; car révoquer des ambassadeurs est autre chose, et souscrire à des ambassadeurs ne se dit point.

On met des gardes, et on donne des ordres, dit Voltaire; mais on ne met pas des ordres.

Nous répéterons avec Voltaire : que le mot propre est rare, et pourtant qu'il est nécessaire !

Du galimatias.

« Le galimatias, dit l'Académie, est un discours embrouillé et confus qui » semble dire quelque chose, et ne dit rien. »

'Cest le plus souvent un vice de construction, en ce qu'on assemble des mots qui ne peuvent point aller ensemble, du moins pour former tel ou tel sens

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5. C'est elle (la logique) qui enseigne\

les trois opérations de l'esprit. Qui

Observations.

Peut-on jamais voir, dit Boileau, de plus plat galimatias?

Des sœurs qui sont une morale,............. une morale vivante, etc., etc.

Sans doute il y a un accord nécessaire entre les cœurs et les violons.

La vie est l'image de la mort! Le mou vement est l'image du repos! Le mot presque est surtout admirable.

sont-elles? La première, la seconde, la Il était impossible de mieux ridiculiser troisième. La première est de bien con-la logique d'Aristote, sérieusement procevoir, des universaux; la fessée par les universités ; logique toute en par le moyen seconde, de bien juger, par le moyen des paroles, et magnifique monument d'excatégories; et la troisième, de bien tirer travagance. une conséquence, par le moyen des figubarbara celarcnt.... Idem.

res,

Je vais sans rien omettre et sans prévariquer-
Compendieusement énoncer, expliquer,
Exposer à vos yeux l'idée universelle

De ma cause et des faits renfermés en icelle.
RAC.

Avocat, ah! passons au déluge. — Avant donc\
La naissance du monde et sa création,
Le monde, l'univers, tout, la nature entière
Était ensevelie au fond de la matière.....
Une confusion, une masse sans forme,
Un désordre, un chaos, une cohue énorme.

RAC.

Ce galimatias est tout à-la-fois une parodie du langage ordinaire du barreau, et de la philosophie d'Aristote.

Ne croit-on pas entendre un docteur en Sorbonne ? J'ai lu dix fois cette tirade comme un chef-d'œuvre d'imitation.

354

<«< Tous ceux qui veulent parler de ce qu'ils n'entendent pas, dit Beau»zée, ne peuvent manquer de donner dans le galimatias, parce qu'on ne >> peut rendre d'une manière nette et distincte que des idées nettes et con» çues distinctement. »

Que fesions-nous donc au collège, lorsque, sans avoir quitté le coin du feu, nous décrivions un siège, une bataille, un naufrage, ou qu'en hiver nous fesions la description de l'automne? C'était du galimatias. Et que font autre chose la plupart des auteurs en vers et en prose, qu'on voit sans cesse écrire, écrire ce qu'ils n'ont ni vu ni observé?

S 2.

Construction considérée sous le rapport de l'harmonie.

Il est un heureux choix de mots harmonieux.
Fuyez des mauvais sons le concours odieux;

Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée

Ne peut plaire à l'esprit quand l'oreille est blessée. BoшL. Art. poét. 1. Harmonie vient du grec harmonia, d'armos, lien, jointure, assemblage. On dit une harmonie agréable. ACAD.

l'harmonie d'une période. ACAD.
l'harmonie des couleurs. ACAD.
l'harmonie de l'univers. ACAD.

l'harmonie des parties entre elles. BoiL, Art poét.

Le discours, considéré comme parlé, est un assemblage de mots et de sons combinés pour former des phrases.

Il ne s'agit donc ici que de l'harmonie qui est dans les sons et dans les mots, et qui résulte de leurs diverses combinaisons, et c'est l'oreille qui en est juge.

Là, tous les noms heureux semblent nés pour les vers;

Ulysse, Agamemnon, Oreste, Idoménée,

Hélène, Menelas, Pâris, Hector, Énée.

O le plaisant projet d'un poète ignorant,

Qui de tant de héros va choisir Childebrand! BOIL. Art poët.

Sans doute la magie de la fable entoure d'illusions les noms d'Ulysse, d'Agamemnon, d'Oreste, d'Idoménée; mais ces noms, considérés en euxmêmes, sont en effet plus harmonieux que Childebrand. Les sons dont ils se composent, appréciés séparément, n'ont rien qui déplaise à l'oreille, et les voyelles et les consonnes y sont heureusement mélangées.

Mais Childebrand renferme trois sons qui, pris même isolément, sont naturellement peu agréables. Ch est notre consonne chuchottante, de une syllabe muette, and une voyelle nasale, trois sortes de sons dont nous ne devons point être fiers, et qui furent inconnus des Grecs et des Latins.

La syllabe muette de, encadrée entre les syllabes Chil... brand, contribue encore à rendre plus pénible cet assemblage.

Et puis le poète, pour mieux faire ressortir son idée, a distribué ses mots avec beaucoup d'adresse..... Va choisir Childebrand..... choisir Child, Ainsi Childebrand est encore enlaidi par le concours de sons désagréables adroitement rapprochés.

De même, les noms que l'auteur affectionne, il les embellit encore par la place qu'il leur donne. S'il avait dit :

Idoménée, Ulysse, Agamemnon, Oreste,
Hélène, Enée, Hector, etc.

Idominée, Ulysse, offrirait un hiatus qui, à la vérité, est permis, mais qui pourtant fatigue un peu l'oreille. Il y aurait un autre hiatus dans Agamemnon, Oreste, le son nasal on ne pouvant se lier a l'o d'Oreste. Hėlène, Énée, amèneraient une cacophonie ne.... né.... et une suite trop nombreuse d'é.

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Combien est plus heureuse la construction du poète!

Ulysse, Agamemnon, Oreste, Idoménée,
Hélène, Mélénas, Paris, Hector, Énée.

« Plusieurs chose contribuent à l'harmonie, dit Condillac; mais c'est

un effet du hasard quand on peut les faire concourir toutes. Il ne faut >> pas se faire une loi de les chercher, il suffit de les connaître pour ne pas » les laisser échapper quand elles se présentent.

» En général, tout discours est agréable quand il se lit facilement. Il >> faut donc éviter les répétitions des mêmes sons, et surtout des mêmes consonnes, les hiatus, etc. ; mais sur tout cela il n'y a point de précep »tes à donner à ceux qui ne sont pas heureusement organisés. Les autres «ont l'oreille pour guide. »

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Nous nous bornerons donc ici à quelques critiques; elles pourront suffire pour éveiller l'attention et empêcher que, par inadvertance, on ne commette les mêmes fautes.

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