La première de ces constructions est celle que l'usage a consacrée; la seconde montre les mots rangés d'après l'ordre de leurs rapports, d'après la filiation des idées.

L'écolier a été en effet conçu avant l'adjectif le, avant le verbe écoute, puisque ces deux mots ne sont au singulier que parce que écolier est de ce nombre; que le n'est au masculin qu'à cause de ce même substantif; que écoute n'est à la troisième personne que par la même cause or la cause est toujours avant l'effet.

Plus de développements seraient en ce moment prématurés.

On peut donc distinguer deux sortes de constructions, l'une USUELLE, l'autre IDÉOLOGIQUE.

Déjà la première nous est connue au moins pratiquement, puisque nous parlons d'après l'usage, c'est-à-dire, comme on parle. Mais la seconde, qui sert à juger la première, à montrer si la chaîne des idées n'y est point interrompue, s'il y a dans cette chaîne des anneaux qui manquent ou qui redondent, ne nous est connue ni pratiquement ni théoriquement. C'est donc par elle que nous devons commencer, puisque ce n'est que par elle, employée comme moyen de comparaison, que nous pouvons établir la théorie de la construction usuelle. Comment, par exemple, sans la construction idéologique, pourrions-nous expliquer l'un l'autre, ils s'accusaient (voyez le second exemple)? on le fit mettre en prison LUI, etc. (voyez le troisième exemple)? Comment dans telle ou telle phrase, pourrions-nous démontrer qu'il y a ellipse, pleonasme, inversion, etc., etc., si nous n'étions capables d'en construire les mots selon l'ordre, la filiation des idées?

Cette partie de la grammaire aura deux sections: la première traitera de la construction idéologique, la seconde, de la construction usuelle.

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Jere SECTION.

CONSTRUCTION IDÉOLOGIQUE.

C'est ici une terre neuve. L'ignorance poussa les hauts cris, lorsque Dumarsais commença d'en approcher. Batteux, du sein de l'Université, répandit autour d'elle des flots de ténèbres, et rien n'atteste mieux à quelle distance en sont les grammairiens, que lorsque, pour expliquer une phrase, ils en font ce qu'ils appèlent la construction directe, ou analytique, ou que cette formule des annotateurs: ordo est. Car l'ordre qu'ils établissent en cette circonstance, ils l'opposent à l'ordre usuel, et croient risiblement ranger les mots selon l'ordre des idées.

Nulle part nous n'avons marché dans une route si solitaire, et si éloignée des chemins battus; mais nulle part nous n'avons fait luire d'une lumière plus efficace le flambeau de la vérité : car c'est surtout à cette partie que les esprits justes attribuent le succès de nos précédentes édi

Quel autre moyen de montrer qu'elle est correcte, que les mots sont bien enchaînés, bien mis en rapport les uns avec les autres, que d'en donner la construction selon l'ordre des idées, qui est celui-ci?

Dieu a nous faits.

A est évidemment à la troisième personne du singulier à cause de Dieu.

Nous est évidemment le régime ou complément du verbe 4. En latin, le mot correspondant serait à l'accusatif. Deus habet nos factos.

Faits est évidemment au pluriel masculin à cause de nous.

Et cependant les yeux des grammairiens sont restés fermés à ces deux dernières évidences. Pour eux, tout est renversé; c'est le participe faits qui est la cause de nous, qui régit nous, et nous est le régime ou l'effet de faits.

Pourquoi des erreurs aussi étranges, si ce n'est parce qu'on n'a pas recouru à la construction idéologique ?

SOIT ENCORE CETTE PHRASE:

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« Dieu est éternel.

On croit que la construction idéologique est toute faite, que est sert de lien entre éternel et Dieu; d'où la doctrine absurde du verbe substantif ou abstrait. Mais pourquoi est se trouve-t-il à la troisième personne du singulier, si ce n'est à cause de Dieu; pourquoi éternel au singulier masculin, si ce n'est à cause de Dieu? La construction idéologique est donc évidemment celle-ci :

Le nom primordial, connu sous le nom de sujet ou de nominatif, est toujours le premier anneau de la chaîne; il a sa cause dans la volonté seule de celui qui parle. Seul de toute la phrase, il ne dépend d'aucun autre mot, et n'est en rapport avec aucun mot antécédent.

Tous les autres sont des anneaux subordonnés ou secondaires.

D'où CE PRINCIPE UNIQUE :

Dans la construction idéologique, tout mot complétif doit être placé immédiatement après le mot complété.

AUTRE RÉDACTION.

Tout mot employé dans une phrase est un effet qui force à remonter à une cause.

Or la cause du mot primordial est la volonté de celui qui parle; mais tout autre mot est causé, c'est-à-dire, appelé dans la phrase comme effet, suite ou complément d'un autre mot. La construction idéologique consiste donc à ranger les mots dans l'ordre de causalité, c'est-à-dire, à placer l'effet après la cause.

Telle est l'illusion que produit sur nous la constrution usuelle qu'un principe si simple, et qu'il suffit d'énoncer pour le faire admettre, est resté méconnu, et qu'il présente dans son application de plus ou moius grandes difficultés.

Tonne et fasse sont à la troisième personne et au nombre singulier, á cause du nom primordial ou sujet Jupiter, auquel ils se rapportent, et qui est de la même personne et du même nombre.

Mais quel mot est cause de la présence de Jupiter dans la phrase? Aucun. C'est le nom primordial, celui au-delà duquel il est impossible de remonter c'est le premier anneau de la chaîne, et nous verrors que, quelque nombreux que puissent être les mots d'une phrase, cet anneau est toujours unique, et que tous les autres sont toujours des effets, des suites ou compléments d'un mot quelconque exprimé ou sous-entendu.

AINSI,

Dans la construction idéologique, tout verbe à un mode personnel doit être placé après le nom primordial dit nominatif: il y a donc inversion dans fasse Jupiter (*).

Grand est un adjectif au singulier masculin à cause de Jupiter, auquel il se rapporte, et qui est du même nombre et du même genre. Il peut donc être considéré comme effet, et le substantif Jupiter comme cause. Il est impossible de concevoir dans un autre ordre le substantif et l'adjec

tif.

Ainsi, dans la construction idéologique,

L'adjectif, quel qu'il soit, qualificatif, déterminatif, actif ou passif, doit toujours être placé après le substantif. Il y a donc inversion dans grand Jupiter.

| Jupiter grand.

Sans la mise en tableau, il serait souvent impossible de démontrer la construction idéologique. Par exemple, dans Jupiter est grand, qui est une phrase que les grammairiens regardent comme toute construite, grand ne toucherait pas immédiatement Jupiter, dont il est pourtant l'effet ou le complément immédiat; car c'est à Jupiter que se rapporte grand, et non point à est.

(*) Lorsqu'il s'agit de l'essence des choses, les détails sont superflus. Si l'on peut dire d'un triangle qu'il a trois angles, on peut généraliser cette vérité, et porter de tous les triangles existants et possibles le même jugement.