Page images
PDF
EPUB

1537

deux nominatifs ou sujets sont séparés par ou, l'adjectif et le verbe doivent s'accorder avec le dernier, est trop absoluc. Aux exemples contraires déjà cités, nous ajouterons les deux suivants :

Le bonheur ou la vertu ont pu faire] C'est-à-dire, deux choses (savoir le des héros; mais la vertu toute seule peut bonheur ou la vertu ) ont pu faire des former les grands hommes. MASSILLON. héros.

La peur ou le besoin font tous ces mouvements. BUFFON. De la souris.

Deux causes (la peur ou le besoin ) font tous ces mouvements.

Grande dispute entre les grammairiens.

Faut-il dire?

Lequel des deux fut le plus intrépide de César ou d'Alexandre?

ou lequel les deux fut le plus intrépide, César ou Alexandre?

Exemples de la première analogie.

Où vas-tu nous réduire, amitié fraternelle ?
Amour, qui doit ici vaincre, de vous ou d'elle?
CORN. Rodog. 1, 5.
Nous l'avons élu pour nous dire qui a
raison de moi ou de ma fille.
Nous verrons qui des deux emporte la balance,
Ou de ton artifice ou de ma vigilance?
VOLT. Cat, 3, 5.

MOL. L'avar.

1,7.

Exemples de la seconde analogie. Quel chemin le plus droit à la gloire nous guide,

Ou la vaste science ou la vertu solide?

BOIL. Epitre 6. Lequel vaut mieux, ou une ville superbe en or et en argent, avec une campagne négligée ou inculte, ou une campagne cultivée et fertile, avec une ville médiocre et modeste dans ses mœurs?

FEN. Télém. 24.

Dans le premier cas, lequel des deux fut le plus intrépide de César ou d'Alexandre, peut facilement s'expliquer; de est le complément de lequel, lequel de César, lequel d'Alexandre (1).

Dans le second cas, César et Alexandre sont les sujets d'un verbe sousentendu. Lequel des deux fut plus intrépide que l'autre ? César fut-il plus intrépide? ou Alexandre fut-il plus intrépide?

(1) Nous trouvons dans le Dictionnaire des difficultés de la langue française une condamnation de cette tournure. « La préposition de, qu'on a introduite dans ces sortes de locutions, » ne peut être regardée comme EUPHONIQUE; c'est un terme né de l'ignorance, l'usage l'a ⚫ sanctionné en quelque sorte; mais la raison, plus forte que l'usage, VEUT ENFIN qu'on la » proscrive. Où M. Laveaux a-t-il puisé que de ait été regardé comme euphonique? Pourquoi la raison, qui VEUT ENFIN qu'on le proscrive, ne l'a-t-elle pas voulu plus tôt? pourquoi a-t-elle souffert que l'usage l'ait sanctionné EN QUELQUE SORTE?

1

538

539

Ou et où comparés, ou le triomphe de Figaro.

LE COMTE LISANT. Je reconnais avoir où vous mettrez un gros de tamarin; c'estreçu de Nicole-Marcelline de Verte-Al-à-dire, dans lequel vous mettrez un gros lure, la somme de deux mille piastres fortes que je promets lui rendre dans le château d'Agoas-Frescas, et je l'épouse

rai.

FIGARO. Il y a, messieurs, malice, erreur ou distraction dans la manière dont on a lu le billet; car il n'y a pas que je promets de lui rendre dans le château d'Agoas-Frescas, et je l'épouserai, mais ou je l'épouserai.

Le docteur. Nous voulons bien qu'il y ait où; mais cette syllabe est la copulative.... C'est ainsi qu'on dirait: Messieurs, vous vous ferez saigner dans votre lit, où vous vous tiendrez chaudement.

Vous prendrez deux gros de rhubarbe,

de tamarin. Ainsi, messieurs, que je lui rendrai dans le château d'Agoas-Frescas, où je l'épouserai; c'est comme s'il y avait dans lequel je l'épouserai.

FIGARO. Et moi, je soutiens que c'est l'alternative. C'est ainsi qu'on dirait : Messieurs, ou la maladie vous tuera, ou le médecin, ou bien ce sera la médecine. AUTRE EXEMPLE: Ou n'écrivez rien de bon,

ou les sots s'élèveront contre vous, ou bien contre vous les sots s'élèveront, ou les méchants vous dénigreront. Ainsi c'est comme s'il y avait Je rendrai d ladite Marcelline, dans le cháteau d'Agoas-Frescas, OU BIEN j'épouserai la donzelle. Maître Bartholo croit-il donc que j'aie oublié ma syntaxe?

MAIS.

L'étymologie de mais, altération du latin magis, qui signifie plus. C'est encore dans cette valeur qu'il est évidemment employé dans cette phrase: Je n'en puis mais.

Est-ce que j'en puis mais! Lui seul en est la

cause,

Et je n'y songeais pas, lorsque se fit la chose.

MOL. t. 2, p. 264.

(11) brise en son passage Maint toit qui n'en peut mais, fait périr maint bateau. LA F. 6, 3.

Fausse règle donnée par les grammairiens sur l'emploi de mais.

M. de Wailly pose ainsi cette règle : « Quand le premier membre de >> la phrase est affirmatif, et que le second est négatif, et réciproquement, >> il faut répéter le verbe devant mais. » La Grammaire des grammaires la copie et l'adopte de confiance.

Ainsi, selon cette prétendue règle,

Au lieu de :

Notre réputation ne dépend pas du caprice des hommes, mais des actions louables que nous fesons. Phr. blámée par Wailly.

[merged small][ocr errors][merged small]

Heureusement cette règle, qui nécessiterait des répétitions fastidieuses et entraverait la marche du style, est contraire à l'usage des meilleurs écrivains.

Mais, servant à marquer une idée d'opposition, annonce assez par luimême dans quel sens (affirmatif ou négatif) est pris le second membre de la phrase.

Comme rien ne fait mieux ressortir une pensée que le contraste des idées; ici, plus que nulle part, les beaux exemples abondent. Cependant, comme il faut nous borner,

[blocks in formation]

1.

11 Rousseau.

Ce n'est pas le mot d'inquisition qui 8. Rome n'était pas proprement une

nous fail

peur, mais la chose même.

PASCAL, t. 2, p. 268. 2. Chapelain, Cotin, Pradon, ne sont pas des noms de femmes, maisde poètes. ARNAUD.

3. Curius, à qui les Samnites offraient de l'or, répondit que son plaisir n'était point d'en avoir, mais de comman der à ceux qui en avaient.

BOSSUET, Hist. univ. 3e part. Les ministres ne devaient pas agir pour eux-mêines, mais pour le prince qui était leur chef et pour tout le corps

de l'Etat. Idem.

4. Il ne doit point (le roi) avoir plus de richesses et de piaisirs, mais plus de sagesse, de vertu et de gloire que le reste des hommes.

FENELON, Télém. 5. 5. L'harmonie ne frappe pas simplement l'oreille, mais l'esprit.

BOSSUET, Traité du sublime. 6. Ce ne sont pas les médecins qu'il joue, mais le ridicule de la médecine.

MOL.

9.

monarchie ou une république, mais la tête d'un corps formé de tous les peuples du monde.

MONTESQ. Gr. et déc. des Rom. 7. On ne doit pas écrire tout ce qu'ont fait les rois, mais seulement ce qu'ils ont fait de digne de la postérité.

VOLTAISE. Les Satires de Rousseau (J.-B. ) n'étaient pas, comme celles de Boileau, des critiques de mauvais mais des injures personnelles et atroces. ouvrages

VOLT.

10. Il n'est pas dans l'esprit humain de se mettre à la place des gens qui sont plus heureux, mais seulement de ceux qui sont plus à plaindre.

J.-J. R. Emil. 11. Le caprice des enfants n'est jamais l'ouvrage de la nature, mais d'une mauvaise discipline. Id.

Le premier de tous les biens n'est pas dans l'autorité, mais dans la liberté. Id.

Nous ne sommes point les esclaves du

7. Le gibier du lion ce ne sont point moi-prince, mais ses amis; ni les tyrans du peuple, mais ses chefs.

neaux,

Mais beaux et bons sangliers, daims et cerfs

bons et beaux. La F.

J.-J. R. Nouv. Hel.

1540

541

Avec la règle des grammairiens, consignée dans la Grammaire des grammaires comme une vérité reconnue, on aurait : Nous ne sommes point les esclaves du prince, mais nous sommes ses amis, ni les tyrans du peuple, mais nous sommes ses chefs, et l'on réunirait les grâces du rudiment aux charmes de la syntaxe.

CAR, PARCE QUE.

Un lièvre en son gite songeait;
Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne
songe? LA F. 2, 14.

Mais que t'a-t-il dit à l'oreille?

Car il t'approchait de bien près. Id. 5, 20.
Parce qu'un fort grand bien s'est venu joindre
au vôtre,

A peine à nos discours répondez-vous un mot.
Quand on est plus riche qu'un autre,
A-t-on droit d'en être plus sot?
Passage déjà cité.
Hâte toi de jouir, tu n'as pas tant à vivre,
Je te rabats ce mot; car il vaut tout un livre.

LA F. 5, 20.
Les reines des étangs, grenouilles, je veux dire ;
Car que coûte-t-il d'appeler

Les choses par noms honorables? Id.

Dorilas, quand la nuit nous rend l'obscurité,
En parait toujours attristé;

Mais ce n'est pas à cause d'elle,
C'est parce que le jour épargne la chandelle.
Cité par Wailly.

Parce que vous êtes environné d'hommes frivoles, vous n'osez être sage et solide à leurs yeux. VAUVENARGUES.

Elle commande, et elle est obéie plus promptement que ne serait notre monarque, parce que l'intérêt est le plus grand monarque de la terre. MONTESQ. 106 Let. pers.

Parce que et puisque.

Rien n'éblouit les grandes âmes, parce Ne vous lassez point d'examiner les

que rien n'est plus haut qu'elles. La fierté ne prend donc sa source que dans la médiocrité. MASSILLON.

La mémoire d'Henri IV est et sera toujours chère aux Français, parce qu'il mettait sa gloire et son bonheur à rendre le peuple heureux (*).

NOTA, Le a été substitué à son, terme féodal.

causes des grands changements, puisque rien ne servira jamais tant à votre instruction. Boss. Hist. univ. 3° part.

Il faut croire qu'il passe autant de vin dans le corps de nos Bretons que d'eau sous les ponts, puisque c'est là-dessus qu'on prend l'infinité d'argent qui se donne à tous les Etats. Mad. DE SEV.

Puisqu'on plaide, et qu'on meurt, et qu'on devient malade,

Il faut des médecins, il faut des avocals. La F.

Pour bien sentir combien et en quoi diffèrent ces trois prétendues conjonctions, prenez les exemples cités, et à chacun d'eux substituez successivement les deux autres.

(*) Cité par Maugard.

1542

PRINCIPE. Car et parce que marquent une idée de cause; mais le premier se rapporte à celui qui parle, le second à l'action, quel qu'en soit l'agent. Puisque n'exprime point la cause, mais il tient à un fait, et il annonce une supposition. Un lièvre en son gîte songeait; car, c'est-à-dire, ma raison est (et non pas la raison du lièvre) qu'on ne peut rien faire dans un gîte, à moins de songer.

L'art de l'écrivain consiste surtout à se servir du terme propre. Ne négligez donc rien pour bien connaître la valeur et l'emploi des mots les plus importants de notre langue (1).

[blocks in formation]

1543

Encore qu'il soit fort jeune, il ne laisse pas d'être fort sage. ACAD.

L'envie honore le mérite, encore qu'elle s'efforce de l'avilir. MARMONTEL.

Quoique, bien que encore que, donnent à-peu-près le même résultat. Cependant quoique, qui est la locution la plus usitée, est aussi la moins

(1) Cherchons dans le Dictionnaire de l'Académie, on nous dit que PUISQUE est une conjonction qui marque la cause; que PARCE QUE est une conjonction servant à marquer la cause de ce qu'on a dit ; et que car est une conjonction servant à marquer la cause d'une proposition avancée.

M. Sicard prétend que « can est d'une telle subtilité, que peu de personnes savent l'em»ployer à propos, et qu'il y en a qui passent leur vie sans en faire usage. Voilà au moins une observation très-subtile. Qu'on lise les bons auteurs, on y trouvera peu de parce que, même en prose, assez de puisque, même en vers, et beaucoup de car en prose et en vers, moins que ce ne soit dans la poésie élevée.

Allez au barreau, ce ne sont que des car.

Tout semble rassemblé contre nous par hasard,
Je veux dire la brigue et l'éloquence, car......

le

Se passer toute sa vie de car! ceux-là ne parlent donc pas! Car, dit Vaugelas, est un > mot sans lequel on ne peut raisonner, et qui n'est pas moins nécessaire au discours, que » feu et l'eau ne le sont à la vie. »

« PreviousContinue »