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Il n'est aucune personne qui s'intéresse à ta personne, autre que moi. La troisième personne était donc nécessaire dans ces deux passages blâmés par les grammairiens modernes.

Dans c'est moi qui m'interesse, c'est nous qui nous intéressons, qui est nécessairement relatif à moi, à nous, et il est impossible de rétablir dans ces phrases l'ellipse d'un substantif de troisième personne.

C'est pour avoir confondu deux sortes de tournures si différentes, que M. Girault Duvivier, qui, comme nous, a pris parti pour Racine et Sedaine, croit n'être que conséquent quand il approuve ce solécisme de Molière :

Ce n'est pas moi qui se ferait prier.

Solécisme qui est le même que celui-ci du Médecin malgré lui.
« Je vous demande si ce n'est pas vous qui s'appèle Sganarelle ?

AINSI

On ne confondra pas les deux sortes de phrases suivantes :
Qui, relatif à une première ou à une

QUI, relatif à la troisième personne.

seconde personne.

Souviens-toi que je suis le seul qui t'a N'accuse point ton sort, c'est toi seul qui l'as fait.

déplu. Fés. Dial. de Pithias et Denis.

Tu étais le seul qui pût me dédommager de l'absence de Rica. MONTESQ. Let. pers.

mière

Cependant vous êtes le seul qui vous plaigniez qu'on ne sait à quoi s'en tenir. MASSILLON, Sermon de la Samaritaine.

S'il vous souvient pourtant que je suis la pre-Fille d'Agamemnon, c'est moi qui la première,
Seigneur, vous appelai de ce doux nom de père.
RAC. Iph. 4, 5.

Qui vous ait appelé de ce doux nom de père.
RAC. Iphig. 4, 3.
Ma destinée a voulu que je fusse le pre-
mier qui ait expliqué à mes concitoyens
les découvertes du grand Newton.

C'est moi qui le premier montrai aux Français quelques perles que j'avais trou

vées dans son énorme fumier.

VOLT. à M. Walpole.
Vous êtes aussi le premier qui ait com- C'est vous qui le premier avez rompu nos fers.
VOLT. Corresp. Shakespeare.
mandé son souper chez soi.
VOLT. Brut. 1, 1.

VOLT. à M. de Croimont.

Dans la première colonne, qui est évidemment relatif à le seul, le premier, c'est-à-dire à le seul homme, le premier homme; la troisième personne était donc nécessaire. Dans la seconde, seul et premier se rapportent à moi, à toi, à vous: le verbe a donc dû s'accorder avec ces relatifs de première ou de seconde personne.

Suite.

QUI, rapporté à la troisième personne. | QUI, rapporté à la première ou à la

Je ne suis pas Samson, qui a fait écrouler les voûtes du temple. GIRAULT, etc.

deuxième personne.

Vous êtes Samson, qui avez fait écrouler les voûtes du temple. GIRAULT, etc.

Je ne suis point celui qui vous a accusé.

Vous n'êtes point Minerve, qui est venue nous instruire, mais une déesse qui sait nous charmer.

Je suis Diomède, qui blessai Vénus au siège de Troie. FÉN.

Je suis tenté de croire que vous êtes Minerve, qui êtes venue, sous une figure d'homme, instruire sa ville. FÉN.

Dans la première, moi et Samson sommes réellement deux or celui des deux qui a fait écrouler les voûtes du temple, ce n'est pas moi; le qui ne m'est donc pas relatif. Dans la seconde, vous et Samson ne forment qu'une seule et même personne; le verbe doit donc être à la seconde personne.

Quel cours de logique, d'idéologie, qu'un cours de grammaire! Et ce n'est point dans des espaces imaginaires qu'il prend ses sujets d'observations et de raisonnements, mais dans le champ limité du langage, que nous ne cessons jusqu'à la mort d'exploiter!

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1347 On a donné ce nom à tous les mots qui, comme ah, pour, prudemment, quand, ne sont jamais susceptibles de varier, et à ceux qui, par accident, de variables qu'ils étaient, deviennent invariables, comme menu, dans

ce vers :

Vous les hachez menu comme chair à pâté.

Nous disons par accident; car si, par exemple, le mot cité était joint à un substantif, il exprimerait les idées accessoires de nombre et de genre, comme dans ce vers du Méchant :

Les sots sont ici bas pour nos menus plaisirs.

Nous suivrons la division de l'école, et cette section traitera en quatre chapitres des invariables, dits interjections, prépositions, adverbes et conjonctions.

CHAPITRE I.

DES INVARIABLES dits INTERJECTIONS.

1348 Nous avons vu dans l'Idéologie, (195) que les phrases du langage interjectif, ne consistant que dans des cris exprimés par un seul mot, le plus souvent monosyllabique, sont indécomposables. Nous allons donner des exemples des principaux, en y joignant quelques observations, qui serviront surtout à prouver la grande doctrine; savoir, qu'un mot n'a jamais qu'un seul sens, qui, pour être plus ou moins étendu, n'en reste pas moins unique.

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HA!

Ha, monsieur est Persan! Comment peut-on être Persan!

C'est-à-dire, je suis grandement surpris que Monsieur soit Persan.

Tout-à-coup il voit un portrait.

Ha, monsieur! c'est vous trait pour trait. C'est-à-dire, il s'écria : je suis grandement surpris de voir que c'est vous trait pour trait!

Ha! je vous y prends; ha! c'est vous. Phil, de la Madelaine. C'est-à-dire, je suis grandement surpris de voir que je vous y prends ; je suis grandement surpris de voir que c'est vous.

Oui, Monsieur, c'est là mon mal, vous l'avez trouvez tout d'un

nous

coup. - Ha! ha! autres grands médecins, nous connaissons d'abord les choses.

6.

MOL. Méd. malg. lui, 2,
On m'avertit qu'il fait tous les efforts
pour lui parler; mais il perdra son temps.
Ha! ha! MoL. Méd. malg. lui. 2, 17.

Ces deux interjections, ah et ha, ont cela de commun entre elles et avec toutes les autres, qu'elles expriment chacune à elles seules une phrase tout entière, qui peut être traduite par une phrase du langage analytique. Elles diffèrent entre elles en ce que ah! exprime un sentiment profond, qui peut être plus ou moins prolongé, et ha un sentiment subit; que le premier est indéterminé, et ne peut être connu que par le ton de celui qui parle ou par la suite du discours, et que le second est un sentiment particulier, un sentiment de surprise.

Que c'est parce que les mots du langage analytique, qui précèdent ou qui suivent, déterminent toujours le sentiment exprimé par ah, que les grammairiens ont cru qu'il avait l'étonnante propriété de marquer la douleur, la joie, l'admiration, la colère, l'amour, la crainte, etc., etc. Nous l'avons vu, il ne signifie rien de tout cela.

Ha a aussi marqué tout ce qu'on a voulu. Cependant comme ah, comme tous les mots de toutes les langues, ha n'a qu'un sens, celui de cette phrase: je suis grandement surpris.

C'est évidemment cette idée qui a fait créer le substantif haha, ouverture faite au mur d'un jardin avec un fossé en dehors. A la vue de cette

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ouverture, on marche pour se porter en avant, et tout-à-coup, en se trouvant arrêté par le fossé qui est caché en-deçà du mur, on laisse échapper le cri de la surprise: ha ha!

A cette occasion, l'auteur érudit du Manuel de la langue française cite ces vers de la Métromanie:

je gage mes oreilles,

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Le confesseur dit : Vous en passez un.
Un? De par Dieu! j'en dis assez, je pense.
Eh! mon ami, le péché d'ignorance.
VOLT. Poésies mêlées.
C'est mon trésor que l'on m'a pris. —
Votre trésor! Où pris? - Tout joignant cette

pierre.

-Eh! sommes-nous en temps de guerre
Pour l'apporter si loin?.... LA F. 4, 20.

He!

Vous chantiez! j'en suis fort aise,
He bien! dansez maintenant. LA F. 1, 1.
C'est-à-dire, en conséquence de cela, je
vous dis Dansez maintenant.

:

A quoi songeait l'auteur de tout cela? Il a bien mal placé cette citrouille là.

He, parbleu! je l'aurais pendue

A l'un des chênes que voilà. La F. 9, 4.

C'est-à-dire, en conséquence de ce que je viens d'observer, je vous dis que je l'aurais pendue, etc.

En toute affaire ils ne font que songer

Au moyen d'exercer leur langue.
Hé! mon ami, tire moi de danger,
Tu feras après ta harangue. La F. 1, 19.

Vous fûtes hier loué par des gens d'un grand poids.

Hé, madame, l'on loue aujourd'hui tout le
monde ;

Et le siècle par-là n'a rien qu'on ne confonde.
Tout est d'un grand mérite également doué;
Ce n'est plus un honneur que de se voir loué.
MOL. Misanthr. 3, 7.

Maître corbeau sur un arbre perché

Tenait en son bec un fromage.
Maître renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à-peu-près ce langage:
Hé! bonjour, monsieur du corbeau.....
LA F. 1, 2.

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